Ce jour-là en 2005, un jeune habitant de Ferrara surnommé “Aldro” était sauvagement assassiné par quatre policiers locaux. Ont suivi des années de lutte pour la vérité, de messages et d’hommages venus des curve du pays, et une constante: ne jamais oublier Federico Aldrovandi, ni ce qui lui est arrivé.
« Quinze ans après, ta mémoire est plus vivante que jamais et ton visage est une brique porteuse d’une forteresse faite d’éducation, de justice et d’amour, et qui doit protéger notre ville comme nos remparts l’ont fait pendant des siècles. Aldro Vit ! » Ces mots de la Curva Ovest Ferrara accompagnaient une vidéo postée sur les réseaux sociaux en 2020, en hommage à Federico Aldrovandi. Le temps passe mais il n’efface pas le souvenir du visage de ce jeune tifoso du club local de la SPAL, passionné de karaté et impliqué dans des actions de prévention de la toxicomanie. Ce visage qui, au fil du temps, est devenu un symbole de lutte contre les crimes policiers, bien au-delà de la seule ville de Ferrara. Au point que la police a interdit l’usage de matériel à l’effigie d’Aldro, considéré comme un délit de provocation envers les forces de l’ordre et puni à grands coups d’amendes.
Un déchaînement de violence policière
L’histoire de Federico Aldrovandi est celle d’une énième personne morte entre les mains de la police, un jeune homme lâchement assassiné par une patrouille de quatre carabiniers. Au petit matin du 25 septembre 2005, de retour du Link, célèbre centre social et culturel de Bologne où il a passé la soirée pour assister à un concert de reggae, il croise la route des policiers Enzo Pontani et Luca Pollastri. C’est là, via dell’Ippodromo, qu’il rendra son dernier souffle. La police s’évertuera à justifier et à camoufler son intervention par le comportement dit « agité » de Federico, nécessitant selon les deux policiers l’appel d’une patrouille en renfort. Paolo Forlani et Monica Segatto entrent alors en scène. Le quatuor assassin est au grand complet.
Federico Aldrovandi, lui-même fils de policier municipal, ne se relèvera pas du passage à tabac qu’il a subi. Le jeune homme de 18 ans est officiellement mort d’un arrêt cardiaque. Plus précisément d’une asphyxie due à l’écrasement de sa poitrine sur l’asphalte par les genoux des policiers. Une technique dont les policiers du monde entier se servent et qui aboutit régulièrement à la mort des personnes interpellées. Parmi les derniers en date on peut citer Cédric Chouviat à Paris où encore George Floyd à Minneapolis, mais la liste est tellement longue. Dans le cas d’Aldro, les flics ne se sont pas contentés de l’asphyxier. Ses traumatismes, crânien et facial, et les 54 ecchymoses et blessures relevées sur son corps attestent d’un véritable déchaînement de violence qui verra les carabiniers aller jusqu’à briser deux de leurs matraques sur les os du jeune homme.
Bataille juridique contre la version policière
La Justice a rarement la main lourde quand il s’agit de condamner des policiers coupables d’avoir tué dans l’exercice de leurs fonctions. Entre versions trafiquées, pressions des syndicats de police, tout est mis en œuvre pour atténuer les chefs d’inculpation, et couvrir les exactions des forces de l’ordre. Le cas de Federico Aldrovandi n’a pas échappé à cette règle. Le bras armé de l’État a pu compter sur une mécanique judiciaire favorable.
Après avoir été condamné à trois ans et six mois de prison, les carabiniers, largement soutenus par une campagne du principal syndicat de policiers, verront leur peine finalement réduite à 6 mois et réintégreront la police. La légèreté des peines est reçue comme une insulte par la famille et les proches. Patrizia Moretti, l’infatigable maman d’Aldro, qui a tant œuvré pour défendre la cause de son fils et médiatiser l’affaire, parle d’un « symbole d’impunité policière ».
Dans le livre Federico Ovunque, sorti il y a quelques semaines aux éditions Hellnation Libri, l’auteur Daniele Vecchi retrace ce parcours du combattant traversé par les proches de Federico pour faire sortir la vérité dans un contexte où seule la version policière était reprise comme une parole d’évangile. Un livre essentiel selon Sport Popolare : « Raconter les violences policières, trop souvent cachées par l’État et l’opinion publique, est fondamental pour briser ces mécanismes, découverts seulement grâce à la ténacité et au courage de la famille et des proches touchés qui, dès les premiers instants, ont eu la force de refuser de croire la “vérité” déployée par l’État. »
Sous la lune de Ferrara
Le monde des ultras a aussi contribué à ne pas lâcher l’affaire, à commencer par ceux de la SPAL et du Ferrara Basket qui, dès les jours suivant la mort d’Aldro, ont sorti des banderoles demandant que la vérité soit faite. Et ils ne l’ont à aucun moment oublié, ne manquant jamais l’occasion de l’honorer en tribunes, malgré les restrictions comme lors de ce déplacement à Rome en 2017 où ils se sont faits interdire un drapeau à son effigie. Alors, en réaction, de nombreux virages ont repris l’image du jeune homme, comme un symbole d’unité dans la lutte contre la répression policière, visant les ultras et bien au-delà.
Le groupe Modena City Ramblers, en 2013, avait rendu hommage à Federico Aldrovandi dans la chanson La luna di Ferrara. Une lune sous laquelle il est tombé, au retour banal d’une soirée… Continuons à ne jamais l’oublier.
« S’il vous plaît, ne soyez pas désolé de la façon dont ils m’ont traité…
un loup ne pleure jamais sur le sang versé.
Et pourtant, la justice ne ramènera pas
mes dix-huit ans et la course effrénée,
mes dix-huit ans et leur secret,
mes dix-huit ans mis en pièces dans la rue
une nuit de septembre par une bête en uniforme. »
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