Coupe du monde des clubs: la caricature d’un football où l’argent va aux plus riches

À partir du 14 juin aux États-Unis, sur douze sites et pendant un mois, une version caricaturale du foot business va se donner en spectacle sous la forme de l’impopulaire Coupe du Monde des clubs de la FIFA. Une vitrine lucrative pour les plus grosses cylindrées du football mondial, principalement européennes.

Que les meilleures équipes des différents continents se rencontrent afin de déterminer quelle est la meilleure, c’est un peu l’essence du football de compétition. La CONMEBOL et l’UEFA avaient élaboré la Coupe Intercontinentale en 1960 dans cette optique. Longtemps boudée par la FIFA, elle a mis aux prises le vainqueur de la Ligue des Champions et de la Copa Libertadores, jusqu’en 2004. Même s’il s’agissait des deux meilleurs continents, ce trophée ignorait de trop nombreux territoires majeurs de ce sport planétaire, à commencer par l’Afrique. En lui faisant succéder un format avec un représentant par confédération, la FIFA avait en quelque sorte réparé l’anomalie.

Dès son arrivée à la tête de l’instance en 2016, Gianni Infantino a défendu le projet d’une Coupe du Monde des clubs à 32 clubs. Les clubs européens avaient accueilli cette proposition, initialement prévue sur la fenêtre réservée à la Coupe des Confédérations, avec une certaine hostilité. L’idée d’une compétition organisée tous les quatre ans a mûri et son premier opus, prévu durant l’été 2021 en Chine, a été repoussé à cause de la pandémie de Covid-19. Après plusieurs saisons maintenue sous l’ancienne formule, la réforme ne sera finalement effective qu’en 2025 aux États-Unis. En parallèle, la FIFA maintient sa compétition annuelle, transformé depuis 2024 en “Coupe Intercontinentale FIFA”.

Pour un milliard de plus

La FIFA ne donne qu’aux riches. Cette Coupe du Monde des clubs en est l’exemple criant. Dévoilée début mars, la dotation globale atteint les 926 millions d’euros. C’est le diffuseur britannique DAZN qui a acquis les droits de retransmission des 63 matchs de la compétition pour environ un milliard de dollars US. A titre de comparaison, sous l’ancienne formule, les sept participants de la dernière édition disputée en 2023 en Arabie Saoudite s’étaient répartis 15 millions d’euros, dont près du tiers est revenu à Manchester City, vainqueur de Fluminense en finale.

Cette dotation record avoisinant le milliard et ce nouveau format sont donc censés renforcer l’intérêt sportif autour de cette compétition jusqu’ici jugée peu attrayante. Les 32 clubs participants vont ainsi se répartir 486 millions d’euros pour leur participation et 440 millions d’euros en fonction de leurs performances sur le terrain. Chaque club disputera trois matchs de poule et recevra 1,85 million d’euros par victoire en phase de groupes (930 000 euros par match nul). Puis les gains vont grimper à chaque tour passé: participer aux 1/8 de finale rapportera près de 7 millions d’euros, pour les 1/4 de finale ce sera 12 millions, une demi-finale 19, 5 millions et la finale près de 28 millions d’euros. La victoire en finale rapportera 37 millions d’euros.

Au total, le vainqueur de la compétition pourra toucher jusqu’à 115 millions d’euros, soit presque trois fois plus que l’Argentine, vainqueur de la dernière Coupe du Monde, en 2022 au Qatar. Des sommes folles qui préservent la hiérarchie économique du football et la domination européenne. En réalité, selon les estimations les douze clubs européens – plus du tiers des participants – vont accaparer environ 70% de la dotation, et les 20 clubs restants ne devraient s’en partager que 30%. De quoi accentuer la dérive d’un football moderne enfermé dans l’élitisme, et où l’argent va aux plus riches en premier.

Un calendrier saturé, des organismes éprouvés

Quelques jours avant l’ouverture du tournoi, les joueurs des Seattle Sounders ont protesté contre la MLS et ses primes plafonnées pour les joueurs. Avant un match de championnat, pour marquer leur mécontentement, ils ont enfilé un tee-shirt portant l’inscription “Club World Ca$h Grab”, soit “Coupe du monde, pompe à fric”. Leur syndicat (MLSPA) accuse la MLS de ne reverser aux joueurs que 10% (offre renégociée à 20%) des 24,70 millions d’euros de dotation destinés à Seattle, au Los Angeles FC et à l’Inter Miami. Les joueurs vont possiblement mener des actions symboliques pendant le tournoi.

Ces derniers mois, cette compétition a surtout été critiquée pour alourdir un calendrier déjà surchargé. Sa programmation au bout d’une saison à plus de 50 matchs pour certains a soulevé des inquiétudes quant à la santé de joueurs les plus sollicités. Même si, sous les lambris de la FIFA, on minimise cette question. Des gens comme Arsène Wenger, responsable du développement du football mondial au sein de l’instance, se sont faits les avocats du nouveau format face aux joueurs du gotha européen qui sont montés au créneau, dont Rodri ou Jules Koundé, évoquant la possibilité d’une grève.

Le mois de compétition à venir correspond, pour les joueurs concernés, à autant de temps de récupération en moins. La Coupe du Monde des clubs va écourter, ou décaler, leur période de congés et risque de tronquer leur préparation d’avant-saison. Beaucoup alertent face aux risques de blessures liées à la fatigue, mais se heurtent aux intérêts des dirigeants et à leur boussole capitaliste. Plusieurs syndicats de joueurs ont attaqué la FIFA devant la justice, notamment pour contester ce calendrier “fixé unilatéralement”. De son côté, Maheta Molango – directeur général de la Professionnal Football Association (PFA) – a accusé les différentes instances d’utiliser les joueurs comme des “marchandises”.

L’Inter Miami pistonné

Outre les derniers vainqueurs des compétitions-phare, les autres qualifiés le sont sur la base d’un classement élaboré sur les quatre dernières saisons. Mais la FIFA s’est autorisée des entorses comme dans le cas de l’Inter Miami, pistonné dans l’idée de faire bénéficier la compétition de la présence “bankable” de Léo Messi. Un cas de favoritisme évident alors que la MLS privilégiait d’envoyer le vainqueur de la MLS Cup, les Los Angeles Galaxy. Le fait du prince, guidé davantage par l’attraction commerciale de Messi que par le mérite sportif.

Pour l’instant, les indicateurs en terme de billetterie ne montrent pas un énorme engouement pour cette compétition qui intervient dans un contexte social tendu avec de nombreuses manifestations contre les raids policiers anti-migrants menés par l’ICE. Pour Infantino comme pour Trump, cette compétition sert aussi de première répétition avant le Mondial 2026 – co-organisé avec le Mexique et le Canada. Pour le reste, que ce soit par un boycott des matchs ou par des manifestations, c’est toujours une bonne occasion de mettre en lumière la mascarade du foot business.

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  1. Equipes engagées:

    Al-Ahly (Egypte), le Wydad Casablanca (Maroc), l’Espérance Tunis (Tunisie) et Mamelodi Sundowns (Afrique du Sud) pour l’Afrique. Al-Hilal (Arabie Saoudite), Urawa Red Diamonds (Japon), Al-Ain (Emirats arabes unis) et Ulsan HD FC (Corée du Sud) pour l’Asie. Monterrey, Club León et le CF Pachuca (Mexique), Seattle Sounders et l’Inter Miami (Etats-Unis) pour la CONCACAF.
    Auckland City (Nouvelle-Zélande) pour l’Océanie. Palmeiras, Flamengo, Fluminense et Botafogo (Brésil), River Plate et Boca Juniors (Argentine) pour l’Amérique du Sud. Et enfin, Chelsea et Manchester City (Royaume-Uni), Real et Atlético de Madrid (Espagne), Bayern Munich et Borussia Dortmund (Allemagne), Porto et Benfica (Portugal), la Juventus Turin et l’Inter Milan (Italie), le Paris Saint-Germain (France) et le Red Bull Salzbourg (Autriche).

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