
Lors de la réception de l’équipe de France en Ligue des Nations, les supporters croates ont rendu un hommage, loin d’être neutre politiquement, à Jean-Michel Nicolier. Ce mercenaire français, engagé aux côtés des paramilitaires croates dans la guerre de Yougoslavie, a été exécuté par les Serbes à Vukovar en 1991.
Les rencontres entre sélections nationales sont régulièrement le théâtre de manifestations nationalistes, en tribunes ou sur le terrain. Trois décennies après la guerre qui a vu l’implosion de la république yougoslave, la question identitaire dans les Balkans reste brûlante. Côté serbe ou croate, le football a toujours été une caisse de résonance de la folie ultra-nationaliste. Le tifo déployé à Split en hommage à Jean-Michel Nicolier, un français considéré comme un héros dans la mémoire du nationalisme croate, entretient ce climat.
A côté du visage de ce volontaire français au sein de la HOS (“Hrvatske Obrambene Snag”), la “Force de Défense Croate”, est représenté le Château d’eau de Vukovar. Pilonné lors du siège de la ville par les forces serbes de Slobodan Milosevic, c’est un vestige de la guerre et de la bataille de Vukovar en 1991. Présentée comme le “Stalingrad croate”, il s’agit d’un événement fondateur dans le roman national-identitaire. Après 87 jours de siège, la ville est un tas de ruines. le bilan est très lourd côté croate: environ 2700 morts (dont des dizaines de disparus) et 22 000 civils déplacés.
Cette ville ouvrière – connue à l’époque pour son usine de fabrication de chaussure de la marque Borovo – a été le théâtre d’un des nombreux nettoyages ethniques de la guerre qui a ensanglanté la Yougoslavie au début des années 90. “Vukovar est mon choix, pour le meilleur et le pire”, lit-on au-dessus du tifo. Ces mots sont des paroles de Nicolier, recueillies par des journalistes qui l’ont vu peu de temps avant sa mort à l’hôpital de la ville. Grièvement blessé à Vukovar, Jean-Michel Nicolier sera exécuté par les Serbes dans une ferme à Ovčara. Son corps n’a jamais été retrouvé.
Volontaire au sein d’une milice d’extrême-droite
Dans les rangs croates, les mercenaires étrangers n’ont été que quelques centaines. Les Français sont pour la plupart arrivés durant l’été 1991 par le biais d’organisations humanitaires de la mouvance d’extrême-droite ou catholique, venant en aide à la population croate. Même si Nicolier semble s’être engagé sans motivation politique apparente, la milice dans laquelle il s’est engagé ne laisse place à aucune interprétation. L’équipe d’Envoyé Spécial qui l’a rencontré en 1991 en Yougoslavie est perplexe. “Peut-être ignore-t-il qu’il se bat dans une unité néo-nazie” s’étonne le journaliste.
Le siège de la HOS étant proche de la gare de Zagreb, il n’est pas exclu que ce soit la première porte à laquelle un “aventurier” perdu comme Nicolier ait toqué. Créée au début de l’année 1991, la HOS est la branche paramilitaire du Parti croate du droit (HSP), une formation politique revendiquant une Croatie, elle aussi “ethniquement pure”. Ce parti politique, minoritaire en comparaison au HDZ de Franjo Tuđman, s’inscrit clairement dans l’héritage des Oustachis, le mouvement fasciste qui avait collaboré avec l’Allemagne nazie dans le cadre de l’État indépendant de Croatie en 1941 et 1945.
Ne lésinant pas sur les symboles, l’acronyme HOS est une référence directe à la “Hrvatske Oružane Snage” des Oustachis. La HOS reprendra pour devise le “Za Dom Spremni”, salut oustachi, signifiant “Pour la patrie, toujours prêts!”. C’est encore aujourd’hui un marqueur fasciste, largement répandu et accepté en Croatie. Lors du Mondial 2018, les joueurs de la sélection nationale s’était filmé en train de reprendre une chanson rock identitaire Thompson, comprenant cette devise. En 2013, Josip Šimunić s’était déjà fait suspendre 10 matchs par la FIFA pour avoir chanté ce slogan avec les supporters.
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