Susan Shalabi, vice-présidente de la Fédération palestinienne de football (PFA) et membre du comité exécutif de la Confédération asiatique (AFC), a accordé une interview à Marca. Elle y est longuement revenue sur la situation dramatique vécue par le peuple palestinien et, par ricochet, sur les nombreux footballeurs à avoir perdu la vie.
Basée à Ramallah en Cisjordanie, elle explique en préalable que l’endroit reste “relativement sûr comparé à l’enfer qui se déroule à Gaza et si l’on fait abstraction des attaques occasionnelles des colons, qui brûlent des véhicules et des maisons à la périphérie de la ville, ou des incursions de l’armée d’occupation au cœur de la ville, pour arrêter ou tuer quelqu’un qui figure sur leur liste de personnes recherchées”.
Si on veut parler du football palestinien, l’idée initiale de l’interview de Marca, il est indispensable de planter le décor. “Alors que Gaza est rasée, l’occupation oblige la population palestinienne de Cisjordanie à se déplacer vers ses villes centrales: Naplouse, Jénine, Tulkarem, Salfit, Tubas, Qalqilya, Ramallah-Al-Bireh, Bethléem, Jéricho, Hébron….. Ils peuvent fermer n’importe laquelle de ces villes à n’importe quel moment et pour n’importe quelle raison”.
Comme on le comprend à travers les mots de Susan Shalabi, il impossible de parler football en éludant le génocide en cours à Gaza et les incursions meurtrières des colons en Cisjordanie. Selon le ministère de la santé du Hamas, les bombardements israéliens ont déjà fait près de 45 000 victimes et plus de 106 000 blessés. Se déplacer d’une ville à l’autre est devenu très compliqué en Cisjordanie. Susan Shalabi parle de “cages à ciel ouvert”, une expression qui rappelle la situation de Gaza avant le 7 octobre 2023.
Le stade Yarmouk transformé en camp de concentration
L’expansion coloniale israélienne en Cisjordanie prend la forme d’un contrôle stratégique du territoire, depuis les collines, et une mainmise sur les ressources naturelles. “Lorsqu’ils en ont envie, des colons extrémistes, armés jusqu’aux dents, descendent de ces collines pour piller et brûler”. Quand il s’agit de décrire la situation, Susan Shalabi parle sans détour “d’un génocide qui se déroule en direct et dans un silence assourdissant”.
Elle rappelle les bombardements aveugles massacrant des milliers d’enfants, l’entrave à l’aide humanitaire, le bombardement répété d’écoles et d’hôpitaux. “Il n’y a plus aucun endroit sûr”. Dans de telles conditions, on se doute bien que la pratique football n’a plus d’espace sécurisé. “Nous avons dû suspendre la ligue professionnelle en raison de la guerre et du danger permanent pour les équipes et les supporters qui se déplaçaient d’une ville à l’autre”.
La plupart des infrastructures sportives de Gaza ont été sérieusement endommagées. Les autres, à l’image de l’historique stade Yarmouk, situé dans le quartier Zeitoun, a été “utilisé par l’armée d’occupation israélienne comme un camp de concentration où les Palestiniens étaient détenus, humiliés, déshabillés et torturés”. Susan Shalabi ajoute que d’autres stades ont été transformés en cimetières en raison du manque d’espace pour enterrer les victimes.
“Au moins 353 joueurs de football, dont 91 enfants”
Localement, les clubs ont essayé tant bien que mal de maintenir une activité footballistique pour les enfants, mais sans trop de succès. “Nous discutons actuellement de la possibilité de relancer le championnat. La situation est toujours difficile, mais nous devons trouver un moyen de donner de l’espoir à nos jeunes”. D’après Susan Shalabi, “au moins 353 joueurs de football, dont 91 enfants” ont été tués et de nombreux sportifs palestiniens figurent encore parmi les disparus.
Quant à l’équipe nationale, elle a été contrainte à s’exiler le temps des éliminatoires de la Coupe du monde, avec tout ce qu’implique pour les internationaux palestiniens d’être sans nouvelles de leurs proches. Susan Shalabi pointe logiquement du doigt la FIFA qui joue ostensiblement la montre face à la fédération israélienne dont les violations n’ont pas attendu le 7 octobre. Les clubs israéliens basés dans les colonies enfreignent depuis longtemps l’article 72 des statuts de la FIFA.
“La FIFA a chargé un conseiller juridique indépendant d’examiner nos preuves, et ses conclusions n’ont pas pu réfuter nos affirmations. Par conséquent, le 3 octobre, il a été décidé de soumettre l’affaire à l’examen de la Commission de conformité et de la Commission de discipline…” Depuis, aucune mesure n’a été prise et aucun délai n’a été fixé. “Si vous me posez la question personnellement, je dirais que la FIFA n’a rien fait jusqu’à présent”, lâche la vice-présidente de la PFA.
Le soutien des tribunes, un sentiment d’espoir
De son côté, la Confédération asiatique (AFC) a publiquement exprimé son soutien à la PFA, mais Israël est membre de l’UEFA qui la protège. “Il existe des rapports documentés sur des officiels, des joueurs et des clubs israéliens exprimant leur soutien et incitant au génocide. Des joueurs d’autres fédérations ont été sanctionnés pour moins que cela, ce qui nous amène à nous demander si nous vivons sur une autre planète ou si nous sommes victimes d’une politique de deux poids, deux mesures”.
Susan Shalabi a également répondu à une question sur le soutien exprimé dans les stades européens, notamment de la part des supporters parisiens. “De tels gestes offrent à notre peuple et à nos footballeurs un sentiment d’espoir tellement nécessaire, car ils envoient un message clair et puissant: ‘Vous n’êtes pas seuls’.” C’est peu, mais alors que toute une partie du monde ferme les yeux ou nie le génocide à Gaza, cette solidarité des tribunes brise le silence et fait résonner les cris du peuple palestinien.
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