Girondins de Bordeaux: le moment d’en finir avec l’emprise de Gérard Lopez

Sur le terrain les Girondins de Bordeaux ont terminé leur championnat de N2 à une peu glorieuse 4e place. Le club n’avait plus connu le monde amateur depuis les années 30. Son sort dépend du tribunal de commerce mais pour un nombre croissant de supporters l’urgence est de le libérer de la mainmise de Gérard Lopez. L’honneur d’une institution, trop longtemps humiliée, est en jeu.

Les saisons passent et la situation des Girondins de Bordeaux s’aggrave. Quand Gérard Lopez récupère le club en juillet 2021, racheté via sa société Jogo Bonito basée au Luxembourg, les ruines laissées par le fonds américain King Street sont encore fumantes. Depuis, le club a dégringolé de la 1ère à la 4e division et a été placé en redressement judiciaire à l’été 2024. Un bilan alourdi par la fermeture du centre de formation, la rétrogradation administrative de l’équipe féminine et le licenciement de plusieurs dizaines de salariés. Comme un symbole de ce déclin, la boutique officielle du club a aussi mis la clé sous la porte.

En attendant le verdict du tribunal de commerce au mois de juin, une question se fait de plus en plus pressante: comment les Girondins de Bordeaux peuvent-ils continuer avec Gérard Lopez à leur tête? Si les amoureux du club sont divisés à ce sujet, de nombreuses voix s’élèvent pour réclamer le départ de l’affairiste hispano-luxembourgeois et de sa garde rapprochée, à commencer par son vice-président Arnaud De Carli. Les anciennes gloires girondines, Benoît Trémoulinas, Christophe Dugarry, Bixente Lizarazu ou Alain Giresse, sont montées au créneau de façon virulente contre l’actuelle direction.

Certains en sont même réduits à privilégier l’optique d’une liquidation judiciaire – au risque de subir une rétrogradation au niveau régional – plutôt que vivre une saison de plus en enfer avec Lopez et cette équipe dirigeante. C’est dire à quel point le sentiment d’écœurement est à son comble. Le projet de rachat porté par Oliver Kahn, sur lequel on avait peu de détails, a eu l’effet d’une lueur d’espoir. Mais l’ancien gardien international allemand a finalement retiré son offre “au vu des informations financières, opérationnelles et juridiques” qu’il a pu récupérer.

Les 40 millions, la rançon de Gérard

Le constat est là: Gérard Lopez a fait des Girondins de Bordeaux un club invendable, ou plutôt inachetable. C’est son coup de maître. Après avoir obtenu un sursis du tribunal de commerce, jusqu’ici très clément avec lui, la probabilité de voir se prolonger son règne destructeur est réelle. Cela devra passer par la validation de son “plan de continuation”, puis par le feu vert de la DNCG. Une intersaison classique. Gérard Lopez prévoit ainsi de ramener la dette du club de 94 à 26 millions en dix ans, en ne remboursant que 10% des créances et en tablant sur une remontée progressive en Ligue 2.

La décision finale du tribunal de commerce dépend d’un vote des créanciers. Dans cette équation, il y a un élément de taille: le plus gros d’entre eux est la holding “la Dynamie”, contrôlée par Lopez. “Je vais y laisser 40 millions d’euros que je ne reverrai jamais”, s’était-il épanché au printemps dernier dans les médias. Pour l’essentiel, l’argent mis au pot l’a été sous la forme d’avance de trésorerie ou de “prêt-actionnaire”. Ce statut de propriétaire-créancier lui donne un levier précieux dans les négociations et le met en position favorable pour conserver le pouvoir, malgré une mise de départ minimale.

Prolonger son règne à la tête des Girondins semble bien être l’objectif prioritaire de Gérard Lopez. Il sait que sa crédibilité dans le monde du football est épuisée et on l’imagine mal réussir à remettre un jour la main sur un club. Sa communication abusive, pilotée par l’agence Havas, ne résiste pas aux faits. La méthode Lopez c’est d’abord des promesses non tenues et de la poudre aux yeux, et pas beaucoup d’argent. Beaucoup se demandent encore comment il a pu arriver à la tête du club bordelais, en dépit de son passif et sa réputation.

Les révélations “Football Leaks” avaient permis de cerner un peu mieux le personnage et sa manie des montages opaques depuis les paradis fiscaux. Sa marque de fabrique: racheter des clubs avec un minimum d’argent investi de sa poche et des crédits impossibles à rembourser. Pas besoin d’être un économiste de génie pour anticiper le destin funeste des clubs tombés dans son escarcelle. A l’exception peut-être du CS Fola Esch au Luxembourg, il n’a causé que des dégâts partout où il est passé. Après avoir conduit le Royal Excel Mouscron à l’abattoir, il a laissé une dette vertigineuse au LOSC.

Déconstruire le storytelling du sauveur

Le club portugais de Boavista – dont il est également actionnaire majoritaire – se trouve actuellement dans une situation économique critique. Alors si quelqu’un comme lui a pu se frayer un chemin pour acquérir les Girondins de Bordeaux, c’est que certains inconscients l’y ont accueilli les bras grand ouverts en lui taillant un costume de sauveur. Dès son arrivée, ce storytelling s’est installé et a pu compter sur un microclimat accueillant et de fidèles relais, en tribunes comme sur les réseaux sociaux. Ils lui ont permis de prospérer sous couvert d’appels à “l’union sacrée”.

D’où lui vient alors cette étiquette de “sauveur”? Elle ne tient en réalité qu’au maintien du club en Ligue 1, suite à son rachat, aux trois-quart financé par les subventions publiques post-covid et une rallonge du prêt du fonds Fortress. Un maintien en Ligue 1, mais à quel prix? Dès la saison suivante, les Girondins de Bordeaux ont été relégués, réalisant la pire saison de toute leur histoire dans l’élite. Encore aujourd’hui, malgré l’important travail de sape de ses partisans, rien ne prouve que Gérard Lopez était le seul à pouvoir sauver le club d’une rétrogradation en 2021.

Les mêmes voix continuent pourtant quatre ans plus tard d’affirmer qu’il n’y a pas d’autre alternative, en dépit des résultats sportifs et économiques désastreux du club. Les faits devraient clore le débat: sans Lopez en 2021 ça aurait pu être la N3, avec Lopez c’est la N2 en 2025. Moralité: les Girondins ont sans aucun doute perdu du temps dans leur processus de reconstruction tout en continuant à vivre au-dessus de leurs moyens. Masse salariale et commissions d’agents délirantes, si Gérard Lopez est un sauveur, alors c’est celui qui vous intime de s’agripper à son bras après vous avoir poussé du bord du précipice.

On comprend mieux les mots de Florian Brunet, une figure des Ultramarines (UB87) et du Virage Sud, qui s’était montré dithyrambique à propos Lopez dans les colonnes de So Foot: “Il nous a tous hypnotisé”, confiait-il. De l’hypnose à l’aveuglement, il n’y a qu’un pas. Taxés d’être pro-Lopez depuis le début, les UB87 ont quand même fini par le critiquer comme sur cette banderole lors d’un match face à Pau en mai 2024: “GL: Mener le club au désastre chaque année pour le sauver ne fait pas de toi le messie”. Un éclair de lucidité trop rare.

Une communauté totalement déchirée

Pourquoi le Virage Sud ne s’est-il jamais vraiment levé pour mettre un terme au règne toxique de Gérard Lopez? Les ultras historiques ont en effet toujours estimé qu’il était la meilleure option possible pour redresser et diriger le club, sans jamais vraiment interroger son profil, ses méthodes, ni même son bilan! Après avoir mené une bataille exemplaire contre la direction précédente et Frédéric Longuépée, la tribune la plus fervente et engagée s’est retrouvée dans une position contre-nature de complaisance envers Gérard Lopez, pourtant connu comme un “chauffard” du foot business.

Illustration des entailles causées par Lopez dans la communauté girondine, un groupe ultra a vu le jour en mai 2023 en opposition à la ligne des UB87: les North Gate Bordeaux. Le groupe communique et milite pour un départ de Gérard Lopez comme il l’a écrit au début de la saison 2024/25: “à nos yeux, l’avenir de notre club ne peut plus et ne doit plus s’écrire avec vous, tant vous avez œuvré à détruire ce que nous avons de plus cher”. Le conflit entre les deux groupes a même vu l’intervention de la préfecture fin 2024, les contraignant à accepter un “pacte de non-agression” sous peine de finir la saison à huis clos.

En déplacement à Locminé pour la dernière journée de N2, les North Gate ont sorti leur banderole “Lopez dégage!”. En cas de rab de Gérard Lopez à la tête du club, ce mot d’ordre pourrait bien prendre plus de poids. Quelle que soit l’issue de cette séquence, la question de l’alternative à ce football affairiste qui a tant abimé les Girondins de Bordeaux doit se poser. Les exemples de clubs directement créés par des supporters ces dernières années sur le continent européen ne manquent pas. Et si les supporters bordelais avaient les clés pour construire un autre modèle?

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