Jimmy Maillard, une trajectoire de prolo

Il y a des joueurs que l’histoire officielle du foot ne retiendra jamais, et dont il ne reste parfois qu’une vieille vignette Panini. C’est le cas de Jimmy Maillard et de sa courte carrière, stoppée net par la prison pour une sombre histoire de braquage.

Le football professionnel au final c’est quand même un grand nombre de joueurs de l’ombre, de besogneux souvent méconnus du grand public. Évoluant dans les divisions inférieures, ils gagnent généralement correctement leur vie, mais bien loin des émoluments des quelques grosses stars. Cette réalité était encore plus marquante dans les années 90. C’est sûr, les joueurs de la trempe de Jimmy Maillard ne font peut-être pas rêver comme on l’attend d’un footballeur moderne, mais leur trajectoire nous rappelle à une certaine réalité sociale. C’est ce qui nous touche et aussi, parfois, nous en rapproche.

Absence justifiée

« En effet le 2 décembre 1996, soit cinq jours avant le braquage de la bijouterie, Jimmy Maillard se rend avec d’autres coéquipiers en visite à la prison de Nancy, dans le cadre des activités sociales du club, il est reconnu par plusieurs détenus, des amis d’enfance. » (Texte et photo: Old School Panini)

Jimmy Maillard est un modeste joueur des années 90 qui découvre à peine la D1 à 25 ans, sous les couleurs de l’AS Nancy-Lorraine. Quand on remarque son absence au début de l’entraînement en cette matinée de février 97, le staff et ses coéquipiers ne s’inquiètent pas outre mesure. Il lui arrive de temps en temps d’avoir une panne de réveil et de prendre l’entraînement en cours de route. Mais ce jour là, il ne vient pas s’entraîner du tout. Ce n’est que le surlendemain que le coach Laszlo Bölöni et le président Jacques Rousselot apprennent stupéfaits que leur joueur vient d’être incarcéré à la prison Charles III de Nancy¹, mis en examen pour vol à main armé. Aux médias, Jacky Bonnevay, adjoint de Bölöni, dira: « Quand au bout d’un jour et demi on ne l’a pas vu, tout le monde s’est dit “il a du faire une connerie”». Et pour cause, la Justice suspecte fortement Jimmy d’avoir participé le 7 décembre 1996, un peu plus de deux mois avant son interpellation, au braquage de la bijouterie Brabant à Corcieux, dans les Vosges, avec deux de ses cousins issus de la communauté foraine, Michel Adolphe et Francis Haas. Ce dernier est d’ailleurs le seul des trois à avoir reconnu sa participation. C’est lui qui conduisait la voiture et il est resté au volant le temps que ses complices, cagoulés, dérobent le butin d’une valeur de 100.000 francs (environ 15.000 euros). Pour sa part, Jimmy Maillard nie les faits quand bien même la presse relaye le discours des enquêteurs affirmant qu’il aurait fait “des aveux partiels”. Son principal soucis, ce sont les éléments que les policiers ont trouvé chez lui à Jarville, en banlieue nancéienne: un pistolet 6.35, des pochons d’héroïne et, encore plus encombrant, une partie du butin du braquage, à savoir deux alliances et un bracelet sur lesquels les étiquettes avec les prix étaient encore accrochées. Suffisant pour être placé en détention provisoire par le juge d’instruction.

Enfant de Nancy

A 26 ans, Jimmy Maillard voyait déjà les portes du monde professionnel se refermer et en perdait jusqu’à son gagne-pain. L’ASNL qui bataillait dans les profondeurs du classement de la D1, devait elle se passer d’un élément qui, du reste, n’avait quasiment pas été utilisé de la saison. Pas de quoi atteindre son moral. Il connaît le chemin parcouru, lui le gamin de Tomblaine, banlieue ouvrière de Nancy. Il grandit à deux pas du Stade Marcel-Picot, dans cette Lorraine au cœur d’acier frappée par la crise de la sidérurgie qui a laissé de nombreux prolos sur le carreau dans les années 80. Le fouler avec le maillot blanc et rouge sur le dos était devenu un objectif. Faire comme Michel Platini qu’il eut à peine le temps de voir jouer, ou peut-être comme Rubén Umpiérrez, Patrick Delamontagne et Bernard Zénier. Jeune, il gravit la première marche et intègre le centre de formation de l’AS Nancy-Lorraine. On le sait, le chemin pour devenir pro n’est pas évident. Il s’accroche mais le club de Nancy décide de ne pas le conserver. Comme des dizaines de jeunes de son âge, il va garnir les effectifs amateurs de sa région. Le bonhomme n’est pas du genre à baisser les bras devant l’adversité, quitte à rejoindre le professionnalisme par la fenêtre. C’est le cap que le club d’ Épinal en Nationale 1, 3ème division de l’époque, lui permettra de franchir. S’affirmant vite comme un joueur sérieux, l’ASNL le récupère finalement trois saisons plus tard. Il retrouve son club, dans ce qui s’appelait à l’époque la D2 et qui était alors une antichambre réputée rugueuse. Mais peu importe, il fait enfin du foot son métier. Lors de la saison 95/96, au sein de la meilleure défense du championnat, Jimmy prend une part active dans la remontée du club dans l’élite, jouant 26 matchs et marquant un but. Le seul de sa carrière professionnelle, contre Amiens le 29 juillet 1995 à Marcel-Picot.

Carrière éclair

Vignette panini, saison 95/96

Le plus haut niveau, il l’a mérité est-on tenté de penser. Mais en D1 le coach László Bölöni ne compte pas vraiment sur lui. Il faut dire qu’en défense centrale, il doit faire avec une sacrée concurrence: Paul Fischer, Cédric Lécluse, Vincent Hognon voire Eric Rabésandratana. Quatre titulaires en puissance. En tout et pour tout, Jimmy ne fait que trois petites apparitions en D1. Sans manifester la moindre frustration ni le moindre ressentiment, Jimmy Maillard travaille d’arrache-pied et est apprécié de ses collègues. Mais de toute évidence quand on ne compte officiellement pas sur vous¹, les sautes de concentration interviennent plus facilement. Et, pour ne pas l’aider à se faire une place dans le onze, en septembre 96 il est contrôlé positif au cannabis après un match contre Metz où il est resté les 90 minutes sur le banc des remplaçants. Pas de bol. C’est un premier coup dur. Le voilà suspendu deux mois par la commission anti-dopage de la Fédération Française de Football (FFF). Même tarif que Franck Fontan, Stéphane Paille ou Fabien Barthez en 1995. Mais aussi que Sacha Rytchkov, Oumar Dieng, Gilles Hampartzoumian et Bernard Lama, tous victimes de la volonté de la Fédération de donner une image exemplaire des footballeurs professionnels auxquels les jeunes s’identifient. Cela illustre quand même que fumer des joints est une pratique assez banale chez les footeux des nineties. Même si son nom est accolé à ceux de Barthez ou Lama, son image n’en est pas moins écornée, et il ne bénéficie pas de la même capacité de rebond. Comme fréquemment, le club aussi en rajoute une couche².  L’ASNL réduit de moitié le salaire de Jimmy, de 15000 à 7500 Francs (environ 1140 euros par mois), et le contraint en plus à un travail d’intérêt général auprès des jeunes du centre de formation de l’ASNL. Les sanctions salariales pour des joueurs du calibre de Jimmy avaient un vrai impact. Dans les années 90, beaucoup de joueurs touchaient encore des salaires qui, tout en étant sûrement plus élevés que la moyenne, restaient “décents”.

Dieu pardonne, pas le football professionnel

Pour le braquage de la bijouterie vosgienne, Jimmy Maillard a été incarcéré en février 1997. Il est finalement sorti trois mois plus tard, les charges retenues contre lui ayant sérieusement diminué. Certains observateurs se délectent des personnages qui pimentent l’actualité du football. Les figures de “l’enfant terrible” ou du “bad boy” trouvent une place de choix dans les commentaires. Des joueurs comme Cantona ou Gascoigne ont pu défrayer la chronique, il faisaient partie du gratin, c’était des “artistes”. C’est aussi en opposition à ces rebelles officiels de l’histoire du foot, qu’on veut rendre hommage à des joueurs moins médiatiques, des types comme Jimmy Maillard qui faisaient leur taf relativement loin de l’exposition médiatique. Comme beaucoup de footeux, Jimmy Maillard ne débarquait pas du confort de la bourgeoisie, mais pour compenser ses quelques erreurs de parcours il lui a sûrement manqué un peu de talent. Ses trois mois de cabane ont achevé de le chasser de ce monde pro où l’image exemplaire, soit disant promue, est aussi un gage de retombées économiques. Il ne fait déjà pas bon être un ex-taulard, alors ça se complique encore plus quand on n’est qu’un joueur moyen. Pour Jimmy le métier de footballeur s’est arrêté net. Il a retrouvé définitivement le football amateur. Son parcours s’est poursuivi dans des clubs mineurs de l’Est de la France comme Saint-Dizier, Raon-l’Etape ou Mulhouse.

Article initialement publié sur Les Cahiers d’Oncle Fredo

 

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Notes:
1 – « Objectivement, nous n’avions plus vraiment besoin de lui. On lui a donné sa chance. Mais je ne suis pas certain qu’il ait le niveau pour jouer en division 1. Mais il nous avait rendu service et nous lui avions promis de lui renvoyer l’ascenseur. Nous sommes des hommes de paroles. les choses étaient claires et nous l’aurions aidé à trouver une équipe dès la fin de la saison. » Gérard Parentin, président de l’ASNL de 1990 à 1995.

2 – Pour utiliser un exemple marquant, avoir été contrôlé positif au cannabis a valu à Ibrahim Tanko d’être viré du Borussia Dortmund en 2001.

3 – Jimmy Maillard n’est pas un cas unique de footballeur emprisonné. Parmi ces quelques-uns, Soufiane Koné, un autre ex-joueur de l’ASNL, a lui été condamné à 5 ans ferme en 2010, pour traffic de stup’ et association de malfaiteurs. A cette occasion, on peut toujours regarder le reportage « Soufiane Koné: le footballeur devenu truand » sur Lequipe21

 

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Sources: Old School Panini, Libération

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