C’est sur la commune de Saint-Benoît de Carmaux, dans le Tarn, que le Spartak Fontgrande a vu le jour il y a un an de ça. Un club qui porte en lui l’héritage des différentes générations de mineurs. Une démarche singulière au croisement de l’histoire ouvrière, de la généalogie sociale et du sport populaire.
Le week-end du 3 décembre dernier, dans tous les anciens bassins miniers, on célébrait la Sainte-Barbe, patronne des mineurs de fond. Pour l’occasion, les clubs professionnels du RC Lens et de l’AS Saint-Etienne arboraient un maillot spécial. De son côté, le modeste Spartak Fontgrande redonnait vie, sous la forme d’un petit tournoi de futsal, à la Coupe du Mineur – une compétition qui existait déjà dans les années 50. Il avait invité des équipes du bassin carmausin: l’ES Cagnac-les-Mines qui a remporté le tournoi, les Pompiers de Carmaux et l’équipe des “Amis du Garric”, une commune voisine.
Fils et petit-fils de mineurs
“La Sainte-Barbe garde une signification forte pour nous. On a vraiment le soucis des anciens, ces mineurs qui se sont succédé et qui n’avaient pas une espérance de vie très élevée” nous raconte Nicolas Mielko, un des fondateurs du Spartak Fontgrande. Derrière ce nom, plus qu’une simple équipe de futsal. L’association sportive et culturelle, née sous l’impulsion de fils et petit-fils de mineurs carmausins, reprend le nom de la cité minière construite dans les années 20. Une cité-jardin qui dénotait par le niveau de confort qu’elle proposait – dans la pure perspective paternaliste d’après-guerre – au prolétariat immigré, venu principalement de Pologne, d’Espagne et d’Italie, pour se faire exploiter au fond des mines de charbon à une époque où la main d’œuvre manquait.
Carmaux est connu pour ses grandes grèves combatives, à l’image de celles de la fin du 19e siècle. La fermeture des derniers puits dans les années 80 a laissé des traces, jetant le voile sur un siècle d’histoire et laissant derrière elle une région sinistrée. Mais l’identité et les traditions de la communauté des mineurs n’ont pas complètement disparu pour autant. Et au Spartak Fontgrande, on revendique fièrement cette histoire et ces racines. Rendre hommage à la cité minière, et le faire à travers un club de football, tombe un peu sous le sens. “A Fontgrande, ça jouait beaucoup au foot” nous explique Nicolas. La cité a notamment vu grandir Serge Bourdoncle (meilleur jeune footballeur de l’année 52) qui a effectué une bonne partie de sa carrière professionnelle à Sochaux.
“On avait aussi pensé à Górnik”
Même si le club “promeut des valeurs de solidarité et d’égalité“, il se défend d’être “politisé”. Mais il n’y a pas besoin de gratter trop longtemps pour percevoir l’élan social qui l’anime. “On défend un foot populaire et humaniste, il n’y a pas de licence, tout est gratuit” clarifie Nicolas. On s’appelle rarement”Spartak” par hasard. “C’est un clin d’œil au Spartak Moscou. On s’est aussi inspiré de leur logo pour faire le nôtre. On a ajouté les lampes de mineurs et les rubans de Saint-Georges, un symbole de la victoire de l’URSS sur les nazis.” Une attirance pour l’imaginaire soviétique que le club fontgrandin a en commun avec d’autres clubs populaires nés dans les anciens bastions ouvriers. “On avait aussi pensé à Górnik, qui veut dire mineur en polonais, en référence au Górnik Zabrze, finaliste de la Coupe des Coupes en 70” ajoute Nicolas Mielko, lui-même d’origine polonaise par son père et espagnole par sa mère.
Les différents drapeaux sur la manche gauche du maillot du Spartak Fontgrande sont là pour rappeler le caractère international de la cité minière. Le maillot ne laisse rien au hasard et a eu un certain succès. “Ça a touché les gens bien au delà de Carmaux. On a reçu des dizaines de messages de gens qui voulaient nous l’acheter. On en a offert une quinzaine et vendu une cinquantaine!“. Il a été intégralement financé par un autre descendant de mineur fontgrandin. “Sa seule condition, c’était d’avoir un exemplaire du maillot avec le prénom de son grand-père, Nunzio, floqué au dos” confie Nicolas.
Le Spartak perpétue à sa manière la tradition de ce football fontgrandin qui a connu son heure de gloire avec l’US Fontgrande (puis l’AS Fontgrande) entre les années 50 et les années 70, mais aussi avec la Sélection des Mineurs de Carmaux qui a participé à la Coupe de la Vie Ouvrière, sous l’égide de la FSGT, dans les années 50. Même si l’approche du Spartak Fontgrande est différente, le club ne perd pas la trace de ses ainés. “Dès qu’on fait un match, on essaie d’inviter un ancien pour donner le coup d’envoi“.
Des regrets de ne pas avoir commencé plus tôt
Adepte d’un football plus ludique et sans prétention, le club ne participe pour l’instant à aucune compétition officielle et n’est affilié à aucune fédération. “On s’appelle et dès qu’on est dix, quinze, on joue” résume Nicolas. Le football du Spartak Fontgrande transpire la simplicité et “le plaisir de se retrouver entre collègues“. Une vision alternative qui ne laisse pas insensible le microcosme se réclamant d’un football populaire. “On a été contacté par le Spartak Arlésien pour faire un derby, mais vu la distance ça demande des moyens. On a aussi échangé avec le Dynamo de l’Escaut. On aime beaucoup ce qu’il font et on avait trouvé super l’initiative ce qu’ils avaient organisé avec le Spartak Lillois.”
Les médias commencent aussi à s’intéresser au phénomène. “On est un peu plus sollicité, notamment par la presse. Il y a La Depêche du Midi qui a fait quelques articles sur nous, mais aussi Sport et plein air – la revue de la FSGT – qui a repris notre article sur les Fontgrandins à Paris.” Il s’agit d’un des articles qui alimentent la page la page Facebook du club et mettent à l’honneur l’histoire footballistique de la cité minière. Dans la même veine, en parallèle du tournoi de la Sainte-Barbe, le club organisait ainsi une exposition avec plus de 80 clichés. “Une manière de mettre toutes ces ressources à disposition des personnes, notamment les anciens, qui n’ont pas internet” précise Nicolas Mielko. Autodidacte et passionné, il ne compte pas ses heures quand il s’agit de reconstituer le puzzle du football ouvrier fontgrandin. “Je pars souvent d’une photo et j’essaie d’en retracer l’histoire, le contexte, de retrouver le nom des personnes.” La récompense de cette démarche mémorielle, c’est l’émotion qu’ont certains à la vue de photos où ils reconnaissent des proches, des parents ou des amis. Mais ce travail de fourmis se heurte aussi aux effets impitoyables du temps qui passe. De moins en moins de témoins directs de ces années-là sont encore vivants. Ce qui laisse à Nicolas “un peu de regrets de ne pas avoir commencé ça quatre ou cinq plus tôt“.
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