Les supporters du PAOK Salonique, plus qu’une réputation

Club omnisports quasi centenaire, le PAOK est un monument du football grec. Il est considéré comme le troisième club le plus populaire du pays derrière Olympiakos et le Panathinaikos. La Gate 4, fondée en 1976, regroupe les supporters les plus chauds. Ces derniers temps, le nationalisme y a gagné du terrain.

Les plus anciens ont sûrement découvert la sainte “folie” des tribunes du PAOK Salonique à l’occasion du match face au PSG lors de la Coupe de l’UEFA, saison 1992/93. Les débordements en tribune avaient contraint l’arbitre à stopper définitivement le match à la mi-temps. Trente ans plus tard, au moment de se déplacer à Marseille en 1/4 de finale de Conference League, tout le monde s’attendaient logiquement à ce que la venue des fans grecs ne passe pas inaperçue.

Arrivés la veille du match dans la cité phocéenne, quelques dizaines de supporters du PAOK ont pris part à des heurts avec les supporters marseillais. Au milieu des 3000 fans grecs – certains issus de la diaspora résidant en Allemagne ou en Angleterre – attendus au Vélodrome, la présence de membres Grobari, principal groupe de supporters du Partizan Belgrade, avait été remarquée. Amis avec le Commando Ultra (CU84) de l’OM, des Originals de l’AEK avaient également fait le déplacement dans la cité phocéenne. Un schéma classique d’amitiés et de rivalité croisées.

PAOK fans against all!

Le PAOK, qui a des groupes de fans dans tout le pays, reste le club le plus titré et le plus populaire de Thessalonique, assez loin devant ses rivaux de l’Aris et de l’Iraklis. Le club connaît aussi sa meilleure période sur le plan sportif depuis son rachat en 2012 par le sulfureux oligarque russo-grec Ivan Savvidis. Hors de Grèce, la plupart des gens l’ont découvert en 2018 quand, mécontent d’une décision arbitrale, il a déboulé sur le terrain, pistolet à la ceinture. Savvidis jouit d’une rare cote de sympathie auprès des supporters radicaux et participe à l’atmosphère intimidante qui enrobe le PAOK.

L’ambiance mise au Stade Toumba est aussi l’une des plus incandescentes d’Europe. Dans la rue, si les fans radicaux des deux autres clubs de la ville n’ont pas à rougir, c’est longtemps avec les cadors athéniens – Panathinaikos, AEK et Olympiakos – que les hooligans du PAOK ont trouvé le plus d’adversité. Ces dernières années, des affrontements violents faisant plusieurs blessés ont opposés les hooligans du PAOK à ceux de l’AEK, notamment lors de la finale de la Coupe de Grèce 2017 à Volos et en 2018 à Athènes. L’occasion de voir que, côté PAOK, certains n’hésitent pas à recourir aux armes blanches. Une sale habitude qui conduira à la mort dramatique d’Alkis Kambanos, jeune supporter de l’Aris Salonique tué par un groupe de hooligans du PAOK.

Bataille rangée entre fans du PAOK et de l’AEK lors de la finale de la Coupe de Grèce 2017 à Volos.

L’émotion suscitée par cet acte odieux a alors dépassé les frontières et de nombreuses banderoles en hommage à Alkis ont été déployées dans les stades. En Grèce, la colère était d’autant plus forte que ces agissements venus de gangs de hooligans apparentés au PAOK étaient connus de tous. Quelques heures après le drame, le Gruppo Autonomo de la Gate 10 d’Iraklis dénonçait ces groupes qui multiplient les expéditions punitives en ville pour assoir sa suprématie. “Le meurtre d’hier a de nouveau été commis par les mêmes assassins “connus et inconnus” du PAOK. Ils n’ont en aucun cas à voir avec les fans, mais uniquement avec les criminels et les meurtriers.” Derrière ces mots plane aussi l’ombre de la mort en janvier 2020 de Tosko Bozadjiski, un supporter du Botev Plovdiv ami avec ceux de l’Aris, venu à Thessalonique assister au derby. Après le match, il a été percuté par une voiture alors qu’il était pris en chasse un groupe du PAOK.

A Toumba, les nationalistes ont pris du poids

Sur le plan politique, la Gate 4 sans être officiellement définie comme une tribune antifasciste a longtemps eu la réputation de ne pas tolérer les nationalistes, même si personne n’ignorait leur présence. C’est pourquoi certains parlent aussi de la Gate 4 comme d’une sorte de fourre-tout où se côtoient des franges antagoniques. Autour des années 2010, dans la continuité des révoltes sociales qui agitent le pays, les banderoles politiques, antiracistes, ou encore en soutien aux prisonniers anarchistes ne sont pas rares. Alors que les classes les plus vulnérables subissent de plein fouet l’austérité économique mise en place, les messages, les supporters du PAOK ne manquent pas de cibler le FMI, entre autres créanciers qui mettent la population à genou. Certains sous-groupes, comme Los Solidarios, affirment un antifascisme radical. D’autres nouent même des liens avec les Çarşı du Besiktas qui ont joué un rôle lors des émeutes de la Place Taksim en 2013. Une connexion qui pourrait tomber sous le sens quand on sait que les fans du PAOK – club fondé comme l’AEK Athènes par les réfugiés d’Asie mineure dans les années 20 – se font appeler “les Turcs” par leurs adversaires.

“Liberté pour le héros orthodoxe Ratko Mladic”. Banderole des Northerners sortie en 2015, vingt ans après le massacre de Srebrenica où les milices serbes ont exécuté 8000 Bosniaques.

En 2014, le site antifasciste russe Avtonom.org publiait l’interview d’un fan du PAOK qui appuyait cette idée que les franges nationalistes étaient marginalisées à Toumba. Selon lui, dans cette tribune présentée comme un repaire de sous-prolétaires, l’antifascisme était encore dominant. Mais le terreau fascisant a toujours été là. Les Northerners étaient alors le seul groupe considéré comme patriote, mais à Toumba il prenait place au niveau de la Gate 7 et non de la Gate 4. Un peu plus que simplement “patriote”, ce groupe, qui arbore parfois la Totenkopf des SS sur sa bâche, s’est distingué en 2015 par des messages à la gloire de Ratko Mladic, chef militaire des Serbes de Bosnie et boucher de Srebrenica lors de la guerre des Balkans. Les liens entretenus par la Gate 4 avec les nationalistes serbes des Grobari du Partizan Belgrade – groupe impliqué dans le lynchage à mort du supporter toulousain Brice Taton en 2009 – suppose un partage qui ne se limite pas au noir et blanc des maillots. Une amitié greco-serbe qui transpire une fraternité orthodoxe complaisante avec le nationalisme identitaire.

Au cœur des tensions nationalistes avec la Macédoine

Capitale de la région grecque de la Macédoine, Thessalonique est l’épicentre des manifestations ultra-nationalistes qui contestent à l’ancienne république yougoslave voisine le droit de s’appeler pareil. La Grèce n’est qu’à quelques encablures des Balkans où les questions identitaires qui secouent la région restent vivaces. Le regain de tension autour du nom de la Macédoine à partir de 2017 a vu les positions nationalistes s’affirmer avec de moins en moins de complexe par les supporters du PAOK, au point de sembler majoritaires ou du moins consensuelles.

De nombreux supporters du PAOK se sont fait remarquer dans les mobilisations d’extrême-droite de cette période dont la plus grosse a vu, en janvier 2018, près de 150 000 nationalistes et patriotes de tous bords défiler dans les rues de Thessalonique derrière une banderole assénant sans honte “La Grèce n’est pas à vendre, elle est la propriété du Christ”. Servant de nervis au mouvement nationaliste grec revendiquant la Macédoine, un groupe identifié comme des hooligans du PAOK avait alors profité de cette manifestation pour aller incendier le squat anarchiste Libertatia, totalement réduit en cendres. Le même type de bande a attaqué des rassemblements anti-nationalistes ou encore s’en est pris à des membres du club Proodeftiki, connu pour sa proximité avec les milieux d’extrême-gauche.

A la même époque, on a vu apparaître dans le Stade Toumba des banderoles ultra-nationaliste du type “Le Kosovo c’est la Serbie, la Macédoine c’est la Grèce” ou encore “Il n’y a qu’une seule et unique Macédoine, et elle est ici”. Cette banderole, déployée en tribune latérale à l’occasion du 1/16 de finale d’Europa League en 2017 face à Schalke 04, vaudra au PAOK d’être sanctionné par l’UEFA d’une amende de 23 000 euros. La Gate 4 sera visée par une fermeture de tribune en raison d’une banderole anti-Merkel, assimilant la chancelière allemande à une nazie. Un discours souverainiste, teinté d’un vague anti-impérialisme et de parallèles foireux entre l’occupation nazie et le rôle joué par l’Allemagne dans la crise grecque.

Mais, même avec cette dérive nationaliste en tribune, le PAOK reste au dessus toutes les nations, la Grèce en premier. Fin 2018, alors en quête d’un nouveau stade pour héberger l’équipe nationale, la Fédération avait, selon les rumeurs, jeté son dévolu sur Toumba. La réaction de la Gate 4 avait été immédiate, “Pour ça, il faudra nous passer sur le corps!“. Une manière de montrer que le PAOK est au-dessus de tout, même de l’équipe nationale. Mais surtout, c’est l’occasion de tenir tête aux instances, accusées d’être corrompues, qui gouvernent le football dans le pays. Mis à part le fait qu’elle soit incontrôlable, la Gate 4 reste difficile à définir clairement sur le plan politique. Un vent nationaliste y souffle quand même avec de plus en plus d’insistance.

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