
Depuis octobre 2023, les manifestations de solidarité au peuple palestinien se sont multipliées dans le football. En Égypte, plusieurs font référence à Handala, personnage dessiné iconique au Moyen-Orient. Dernière en date, celle de Wassem Abou Ali – attaquant palestinien du Al Ahly SC – lors de la Coupe du Monde des clubs.
Au MetLife Stadium, dans la banlieue de New York, Wessam Abou Ali a célébré son deuxième but face au FC Porto, en posant avec une main dans le dos et l’autre faisant le signe de la victoire. Un clin d’œil à Handala, personnage créé par en 1969 par le dessinateur de presse Naji al-Ali, et apparu pour la première fois dans le journal koweïtien Al-Seyassah. Handala est inspiré de la propre expérience de Naji al-Ali, contraint de quitter sa maison du village d’Al-Sharaja en Palestine en 1948, lors de la Nakba.
“Ce petit enfant aux pieds nus est un symbole de mon enfance. Il a l’âge que j’avais quand j’ai quitté la Palestine et, même si c’était il y a 35 ans, j’ai toujours cet âge aujourd’hui. J’ai encore les détails en mémoire. Je me souviens de chaque plante, chaque pierre, chaque maison et chaque arbre que j’ai croisés quand j’étais enfant en Palestine”, avait expliqué le dessinateur dans un entretien avec la romancière égyptienne Radwa Ashour, publié en 1985 dans le journal Al Muwagaha.
Initialement, Handala était représenté de face, mais à partir de 1973, Naji al-Ali a choisi de le représenter de dos et les mains jointes. Une forme de rébellion silencieuse. Si Handala tourne le dos aux spectateurs, son regard est tourné vers la Palestine où il reviendra. Le personnage populaire a survécu à son créateur, assassiné à Londres en août 1987. Naji al-Ali était très critique du traité de paix entre l’Égypte et Israël de 1979. Cela lui a longtemps valu d’être considéré comme un paria.
Le football égyptien à la pointe de la solidarité avec la Palestine
Dès les premiers bombardements massifs de l’armée israélienne sur la bande de Gaza, en octobre 2023, les célébrations de buts dans le “style Handala” en solidarité avec le peuple palestinien se sont multipliés. L’Égypte frontalière a été le berceau de ce mouvement initié par les joueurs de la sélection U20. Lors du match des féminines U20 contre Sao Tomé Principe, l’attaquante Hala Mostafa avait elle aussi mimé Handala après avoir marqué.
Avant Wessam Abou Ali, les joueurs du Zamalek lors d’une large victoire face au Smouha SC en Premier League égyptienne, avaient célébré leurs buts de cette manière. Les photos de Zizo et du capitaine Shikabala avaient marqué les esprits. Quelques jours plus tôt, sur le terrain de l’équipe tanzanienne du Simba SC en Ligue des Champions africaine, les joueurs d’Al Ahly avaient fait de même, sous les yeux du président de la FIFA, Gianni Infantino. Mais ce geste avait déjà été vu sur un terrain de football. Selon le site Egyptian Chronicles, ce type de célébration serait apparu une première fois en mai 2021, avec le milieu offensif Ahmed Abdelkader du Smouha SC, lors d’un match face à Al Entag Al Harby. Il s’agissait déjà de manifester son soutien au peuple palestinien face aux bombardements meurtriers de l’armée israélienne sur Gaza et Jérusalem-Est. A l’époque, peu de gens auraient compris ce geste jusqu’à ce que l’ambassade palestinienne au Caire en souligne la signification et remercie Ahmed Abdelkader.
Handala censuré par DAZN et la FIFA?
Si des drapeaux palestiniens ou des messages pour Gaza ont été aperçus dans plusieurs tribunes en Europe ou au Maghreb, les apparitions de Handala se font plus rares hors des stades égyptiens. Citons la célébration de Felipe Chamorro du CD Palestino lors d’un de ses buts en Copa Libertadores contre Millonarios, en avril 2024. Plutôt logique de voir venir cette référence à Handala du club historique de la communauté palestinienne au Chili n’est pas une surprise totale.
Ces dernières années, on a aussi vu des supporters utiliser Handala, à l’image des ultras du Club Africain en Tunisie, ou de ceux du Bnei Sakhnin FC, club arabe de D1 israélienne. Dans une chanson récente, intitulée “Al-Qadiyya”, les supporters du Raja Casablanca expriment tout leur attachement pour la Palestine. Les paroles rendent hommage à Mohammed al-Durrah, enfant martyr tué par l’armée israélienne en septembre 2000 lors de la deuxième Intifada, et à l’iconique personnage de Naji al-Ali: “Nous vivons l’esprit de Handala, symbole de fierté et de dignité, Gaza, Hébron et Ramallah”.
Lors de la Coupe du Monde des clubs, la célébration de Wessam Abou Ali a été grossièrement cadrée par le diffuseur dans son résumé du match Al Ahly-Porto. Une censure discrète réparée sur les réseaux sociaux où l’image d’Abou Ali a été massivement reprise et commentée. Peu avant la compétition, l’organisation avait aussi supprimé les photos officielles de son coéquipier Hussein El Shahat, pour un simple bracelet “Free Palestine”. Comme l’a récemment écrit sur X, la journaliste Leyla Hamed, “la FIFA ne reste pas seulement silencieuse sur le génocide, elle bâillonne quiconque en parle”. Handala en a vu d’autres.
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