Levante: le virage infiltré par l’extrême-droite?

Des supporters de l’UD Levante ont dénoncé, dans une lettre remise au club, les provocations répétées de militants d’extrême-droite au sein de la tribune animée par les ultras. Une présence pas si surprenante au regard du poids du nationalisme espagnol à Valence.

Le média en ligne El Diario a révélé des extraits de la lettre rédigée par une trentaine de supporters et visant à alerter la direction de l’UD Levante (deuxième club de Valence derrière le Valencia CF). La tribune des Levante Fans 1909 est directement visé par cette missive, accusé d’avoir “cessé d’être un stand apolitique, car il a permis à des figures connues de l’extrême droite valencienne d’entrer dans ses rangs“. La lettre explique aussi que c’est pour cette raison que “de nombreux membres des Levante Fans ont quitté leurs rangs en raison de cette transformation politique, subissant un harcèlement continu, sans que le club ne fasse rien pour contrôler la situation“.

L’apolitisme, la couverture de l’extrême-droite

Ces supporters granotes, qui sont derrière l’alerte, racontent que cela a commencé la saison dernière et que la situation n’a fait qu’empirer au sein de la tribune des Levante Fans 1909: “La tribune n’est pas délimitée, ses membres se promènent librement dans tout le stade, […] convergent avec ces personnages qui harcèlent, insultent, provoquent sans aucun contrôle, montrent leur idéologie fasciste au reste des socios. Porter un type de vêtement qu’ils n’aiment pas est une raison suffisante pour qu’ils nous harcèlent. Il est surprenant que personne n’ait entendu les cris de ‘Sieg Heil’ lors du dernier match du 27 août“. Ces supporters, dont certains sont socios depuis plus de vingt ans, déplorent l’attitude du club et menacent de déserter le stade Ciutat de València.

Fin des années 90: Image des très “apolitiques” Levante Ultras, arborant sans soucis une bannière avec la Totenkopf des nazis.

Ils essaieraient néanmoins de réunir d’autres socios et associations de supporters qui en ont eux aussi assez de cette situation et en appellent à la direction de l’UD Levante pour “contrôler le comportement qui se déroule dans la tribune conformément à la loi“. On peut douter de cette croyance en la loi pour contrer une implantation fasciste dans une tribune. On ne tombe pas non plus des nues. La proximité des Ultras Levante – fondés en 1985 et composante de l’entité élargie des Levante Fans 1909 – avec l’extrême-droite n’est ni surprenante, ni nouvelle. Si le groupe se dit apolitique, il est référencé comme un groupe proche du nationalisme espagnol et s’est notamment opposé par le passé à un autre groupe du club de tendance indépendantiste d’extrême-gauche: Força Levant, dont était membre Guillem Agulló, ce militant antifasciste assassiné en 1993 par un néo-nazi valencien. Qui plus est, le bord politique des groupes qui sont, ou ont été, en lien avec les Levante Ultras est sans ambiguïté.

Proximité avec l’extrême-droite pour les Levante Ultras: tout sauf une surprise

Dans une interview datée de 2011, le groupe disait entretenir de bonnes relations avec le Frente Orellut (CD Castellón) et les Ultras Murcia (Real Murcia), ainsi que des liens, via certains membres, avec les Ultras Boys (Sporting Gijón). Soit trois groupes connus pour être à l’extrême-droite de l’échiquier des ultras espagnols. Mais surtout, ils ont longtemps entretenu une amitié forte avec le Frente Atlético, à travers sa section de Levante, le FASL 1989. S’il est besoin de le rappeler, le Frente Atlético est un véritable groupe d’extrême-droite qui exhibe régulièrement des symboles néo-nazis. Il est notamment impliqué dans la mort de Jimmy, ce supporter du Deportivo La Corogne tué en novembre 2014 par des membres du Frente Atlético. José Luis Zarzoso, membre du FASL, fait partie des inculpés.

Il semblerait que les liens entre les Levante Ultras et le FASL aient commencé à se distendre depuis ces années. Et si on se fie au fameux courrier, l’entité Levante Fans 1909 se serait rapprochée ces dernières saisons de la Curva Nord du Valencia CF, “un vivier bien connu de l’ultra-droite radicale à Valence“. L’influence dans la tribune les ultras Yomus, groupe créé en 1983, y est pour beaucoup. Même si, en conflit ouvert avec la direction du Valencia CF, les Yomus sont jugés indésirables à Mestalla et qu’officiellement la Curva Nord se déclare “apolitique et pacifique”. Cette dernière, qui joint sa voix aux revendications demandant le départ de Peter Lim de la tête du club, est également maintenue à l’écart des tribunes par la direction du club “Che”.

L’attaque de la manifestation du 9 octobre 2017

Les mobilisations indépendantistes en Catalogne déteint sur une grande partie de la province valencienne faisant partie de l’aire culturelle des Pays Catalans. Ce qui excite depuis des années les milieux nationalistes espagnols à Valence, au sein desquels certains groupes ultras, principalement les Yomus, sont réputés pour faire le coup de poing. Plusieurs Yomus ont d’ailleurs été inculpés en 2017 pour avoir commis des agressions visant un point de rassemblement de la CUP et d’Arran – des organisations de la gauche indépendantiste – lors de la Diada Nacional del País Valencià, célébrant le 9 octobre l’entrée dans Valence des troupes catalano-aragonaises de Jaume I, en 1238. Pour une grande partie de la population valencienne ces célébrations revêtent donc un caractère autonomiste, et même indépendantiste, fort.

Plusieurs membres des Ultras Yomus ont été condamnés pour les agressions commises contre les manifestants indépendantistes le 9 octobre 2017 à Valence. Par précaution, la Curva Nord avait annoncé sa dissolution avant le procès en 2021, pour réapparaître ensuite. (©CEDIDA)

En 2017, la Diada avait lieu quelques jours seulement après le référendum contesté sur la sécession de la Catalogne et donc dans un contexte de raidissement des franges dites “espagnolistes”, qui comptent les pires fascistes locaux dans leurs rangs, nostalgiques de la Phalange comme les membres d’Espana 2000. L’identification de nombreux ultras Yomus dans les violences commises ce jour-là à Valence, massivement reprise par les médias locaux, a relativement occulté celle de membres des Levante Ultras aux côtés de leurs rivaux originels. Dans le schéma complexe des amitiés et rivalités des groupes ultras, la proximité politique ne produit pas automatiquement une amitié. La preuve en est – même si les choses semblent avoir quelque peu évolué – avec les Levante Ultras et les Yomus. Une rivalité qui découle forcément, à la base, de celle des supporters radicaux du Valencia avec leurs ennemis jurés du Frente Atlético, liés aux Levante Ultras via le FASL.

En attendant la suite…

Pour en revenir aux Levante Fans 1909, entité directement mise en cause, l’affaire n’en restera probablement pas là. Sur Twitter, ils ont communiqué leur intention d’utiliser les recours légaux à leur disposition contre ce qu’ils considèrent être de la diffamation. Entre plusieurs messages de soutien, ils rappellent tantôt en valencien, tantôt en castillan que l’UD Levante est au-dessus, à leurs yeux de tous les clivages politiques. “Les Levante Fans sont nés apolitiques et mourront apolitiques“. On attend la suite, mais on a vu ce que pouvait, souvent, cacher l’étiquette “apolitique”.

1 Comment

  1. Le média El Diario rapporte que ce lundi 12 septembre, des membres de la direction de l’UD Levante ont reçu des représentants des supporters ayant signé le courrier dénonçant des provocations d’extrême-droite dans la tribune des Levante Fans.

    Selon plusieurs personnes présentes à la réunion, le club se serait montré ouvert à l’analyse du problème, même s’il n’a en l’état annoncé aucune mesure concrète. La direction de l’UD Levante devrait à présent rencontrer les Levante Fans pour connaître leur version des faits.

    Ces personnes tiennent aussi à rappeler que le problème n’est pas nouveau: “ces personnes faisaient déjà partie de la tribune il y a des années, mais comme elles étaient séparées du reste des fans, il n’y avait pas tellement de problème”. Mais avec le replacement des Levante Fans dans la partie centrale de la tribune “ces personnes se sont mélangées dans les espaces communs avec le reste des supporters, c’est alors que des situations de harcèlement et de menaces sont apparues”.

    Les supporters présents à la réunion ont aussi alerté le club sur le menaces personnelles reçues par deux des signataires de la lettre, par ailleurs membres des Levante Fans. Ils ont également rappelé les liens de membres des Levante Fans avec les supporters d’extrême-droite de la Curva Nord du Valencia CF.

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