Argentine: les supporters aux côtés des retraités, dans la rue contre Milei

La présence des supporters de Chacarita à la manifestation des retraités (©Santiago Garcia Díaz / Clarín)

Avec les supporters de football, les retraités peuvent compter sur un allié de poids dans leur lutte contre les mesures d’austérité du gouvernement Milei. Des fans de nombreuses équipes se sont donnés rendez-vous au rassemblement de ce mercredi 12 mars, en solidarité et en défense des retraités.

Les mobilisations des retraités contre la précarité de leurs pensions ne date pas d’hier. Dans les années 90, Pappo chantait “Mi vieja”, dépeignant la dure réalité de sa mère, vaillante retraitée qui prenait part aux marches de protestation. Le combat était alors incarné par des figures comme l’infatigable activiste Norma Plá. Trois décennies plus tard, la situation des retraités argentins ne s’est pas arrangée. Pire, selon les données de l’INSEE argentin, ces dernières années les retraités ont perdu plus de 40% de leur pouvoir d’achat en raison de l’inflation et des ajustements mis en œuvre par les gouvernements successifs.

Depuis l’arrivée au pouvoir du libertarien Javier Milei, les couches populaires argentines subissent les assauts répétés des coupes budgétaires et des mesures d’austérité brutales. Des pans entiers du secteur public ont été fermés et les salariés licenciés. L’inflation fait rage sur les produits de première nécessité et les médicaments. Dans sa guerre au prolétariat, le gouvernement ultra-libéral a aussi décidé de couper les aides aux organismes de soupes populaires. La part de la population argentine en situation d’extrême pauvreté ne cesse d’augmenter accentuant le “cannibalisme social” et la loi tragique du “chacun pour sa peau”.

Des supporters d’une quinzaine de clubs

Nombreux sont celles et ceux qui s’organisent pour résister à la politique de Milei. Chaque mercredi les retraités se rassemblent devant le Congrès, et font face à un climat policier étouffant. La violence est montée d’un cran ces dernières semaines et plusieurs retraités ont été blessés. De quoi indigner une partie de la population, notamment au sein de la barra brava de Chacarita Juniors, dont un des membres a été blessé par la police. “Nous nous sommes joints à eux par empathie, par affection, par respect. Nous sommes allés les soutenir, rien de plus, pour les défendre“, a expliqué un supporter de Chacarita aux médias locaux.

Ce qui a démarré comme un simple geste de solidarité s’est transformé en une vague qui donne à la mobilisation un tout autre aspect. Des supporters d’une quinzaine de clubs ont ainsi appelé à se joindre à au rassemblement du mercredi 12 mars. Il y aura notamment des supporters de Tigre, du Deportivo Merlo, de Ferro, de River, de Boca, d’Independiente, du Racing, de San Lorenzo, du Vélez, de Huracán, de Lanús, de Banfield, du Gimnasia La Plata, de Temperley, d’Almirante Brown, des All Boys, d’Atlanta ou encore des Motoqueros Unidos. Au-delà des rivalités. “On défilera tous avec un même maillot, celui des retraités“, annoncent certains d’entre eux.

Les menaces du gouvernement

De nombreux visuels aux couleurs des clubs circulent sur les réseaux sociaux pour appeler à cette marche qui promet d’être historique. Les supporters de Boca utilisent quant à eux l’image de Diego Maradona qui avait en son temps pris la défense des retraités, dénonçant la lâcheté de ceux qui s’en prennent à eux. “Comment ne pas les défendre ! Il faut être une vraie merde pour ne pas défendre les retraités“, avait-il lâché. Outre la portée “divine” de cette parole, c’est une position largement partagée dans la société argentine tant la situation et l’histoire des retraités touchent l’essentiel des familles du pays.

Affolé par le potentiel et la vitalité de cette alliance, le gouvernement cherche à discréditer l’intervention des supporters. Patricia Bullrich, ministre de la sécurité nationale, a employé un ton menaçant et promis la prison à quiconque oserait lever la main sur un policier.

Sur le continent sud-américain, on avait vu le rôle important joué par ces organisations de supporters lors de l’estallido social au Chili en 2019. Les habitudes des supporters dans les affrontements urbains sont un atout dans les manifestations sociales. Pour certains comme l’auteur Juan Ferro, cette jonction entre retraités et supporters n’est pas un hasard étant donné les liens historiques entre le football argentin et les combats du mouvement ouvrier. Un football qui s’est aussi construit comme un espace de sociabilité et de résistance de classe. La lutte des retraités, à travers la participation des supporters, ravive un peu de cet héritage.

 

Derrière le slogan “Nous sommes toutes et tous supporters, nous serons toutes et tous retraités”, l’appel a été relayé conjointement par la Coordinadora de Hinchas – engagé contre le projet de Sociedades Anónimas Deportivas (SAD) promu par Milei – la Coordination des droits humains dans le football et la Coordination “Sin Fronteras” de Futbol Feminista.

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