
Équiper la sélection nationale israélienne peut vite avoir des répercussions en terme d’image. D’Adidas à Erreà, les différentes marques qui se sont succédé ont eu à subir des campagnes de boycott. Face au génocide commis à Gaza sous les yeux du monde entier, la complicité des équipementiers est encore plus exposée. Au tour de Reebok.
Depuis sa création en 2005, le mouvement BDS – Boycott, Désinvestissement, Sanctions – lance des appels et des campagnes internationales pour mettre la pression sur Israël et ses partenaires économiques. Un mouvement inspiré de la lutte sud-africaine contre l’apartheid et du mouvement des droits civiques aux États-Unis. Les campagnes de boycott ont des succès relatifs et leur impact sur une transformation réelle du cours des évènements apparaît surtout symbolique.
Mais leur mérite est de maintenir une opposition continue en ciblant les enseignes capitalistes qui continuent de tirer profit de leur présence en Israël en dépit du génocide en cours à Gaza, de l’apartheid institutionnalisé et de l’occupation coloniale en Cisjordanie. Ces marques sont logiquement l’objet d’appels au boycott, plus ou moins suivis, mais qui les expose de facto comme les alliés économiques d’un État coupable de massacres de masse et accusé de crime contre l’humanité en Palestine.
Après Adidas, à Puma d’en faire les frais
À l’échelle du football, l’équipementier de la sélection nationale est forcément dans le viseur de ces campagnes qui se sont intensifiées ces dernières années. Alors que son partenariat avec la fédération israélienne de football (IFA) était un long fleuve tranquille depuis 2008, le fabricant Adidas a vu les choses se gâter à partir de 2017. Quelques mois plus tard, plus de 130 associations, syndicats et organisations de défense des droits humains, lui ont demandé officiellement de rompre ses liens avec l’IFA, après que celle-ci ait reconnu six clubs israéliens basés dans les colonies en Cisjordanie.
Même si elle n’évoquera pas la campagne de boycott comme motif, Adidas ne renouvellera pas son contrat après 2018, laissant place à l’équipementier allemand Puma. Dès l’officialisation du partenariat entre Puma et l’équipe nationale d’Israël en juillet 2018, le mouvement BDS lance une campagne internationale de boycott contre la marque. L’argument avancé reste la reconnaissance par l’IFA des six clubs illégalement installés dans les territoires occupés. Le slogan de la campagne est alors “Boycott Puma jusqu’à la fin de sa complicité avec l’apartheid israélien”.
L’appel au boycott prend de l’ampleur au niveau international, dans les milieux militants de gauche. Il donne lieu à diverses actions de protestation pacifiques, notamment dans des universités anglaises comme à Sheffield ou Manchester, ou américaines, à New-York ou Berkeley. Plus de 200 clubs sportifs palestiniens adressent aussi en 2019 une lettre ouverte à Puma. Le footballeur Mahmoud Sarsak a aussi activement pris part à la campagne. Dès novembre 2022, l’équipementier laisse fuiter qu’il ne pas renouvellera pas son contrat avec l’IFA après 2024.
Entretemps, il y a eu le massacre terroriste du 7 octobre 2023, suivi du carnage génocidaire dans la bande de Gaza. C’est en décembre 2023 que Puma a rendu l’information publique, insistant sur le fait que cette décision était avant tout motivée par une nouvelle stratégie commerciale. Du verbiage marketing pour couper court à toute tentation de penser que la campagne de boycott a pu avoir un impact et écorner l’image de la marque. Ce qui n’a pas empêché le mouvement BDS de revendiquer la fin de cette collaboration comme une victoire de la mobilisation internationale.
La marche arrière d’Erreà
Inutile de rappeler que les crimes colonialistes de l’État israélien ne datent pas d’octobre 2023. Mais, quand il commet génocide au vu et au su du monde entier, sponsoriser ses principaux représentants sportifs est lourd de sens. Cela n’a dans un premier temps pas empêché Erreà de signer un contrat de sponsoring de deux ans avec l’IFA, censé être effectif au 1er janvier 2025. Si le contrat prévoyait un montant revu à la baisse (environ 60 000€ par an contre 100 000€ pour Puma), cela n’atténuait en rien sa complicité avec l’occupation illégale en Cisjordanie.
Un mois et demi après la date prévue, Erreà n’avait toujours livré aucun équipement à l’IFA. Comme pour Puma, dès l’annonce du contrat signé, BDS avait immédiatement réagi et appelé à boycotter Erreà. Face à une pression croissante, l’équipementier italien a choisi de se retirer du contrat avant même sa mise en œuvre effective. L’IFA a indiqué qu’elle envisageait des actions en justice contre Erreà pour rupture de contrat et non-livraison des équipements commandés, et réclamerait une indemnisation s’élevant à environ 2 millions d’euros.
La pression reste forte sur la fédération israélienne de football, mais elle jouit encore de solides appuis internationaux. L’appel récent de la Fédération Palestinienne de Football à exclure les équipes israéliennes de toutes les compétitions de la FIFA a reçu le soutien de la Confédération asiatique de football, qui compte 47 membres. Mais pour l’instant, la FIFA fait la sourde oreille et, comme l’UEFA, maintient son soutien à l’IFA malgré les violations répétées du droit international, sur lequel elle calque son règlement.
En signant en février 2025 un contrat le liant 2 ans à l’IFA, l’équipementier Reebok, via sa maison-mère Authentic Brands Group, se retrouve dans la même situation que ces prédécesseurs, ciblé par une campagne internationale de boycott pour “complicité d’apartheid” avec le régime israélien et son occupation illégale des territoires palestiniens. Dans le monde capitaliste, on aime bien répéter qu’il vaut mieux une mauvaise pub que pas d’exposition du tout. Que Reebok se réveille vite, la campagne actuelle est loin d’être un simple bad buzz.
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