A la fin du match OL-Nantes, une centaine d’ultras du Virage Nord ont lâchement attaqué des membres du groupe Six Neuf Pirates (SNP), au niveau de la Porte X du Groupama Stadium. Deux d’entre eux ont reçu des coups de couteau au niveau de la cuisse. Cette agression met en lumière un climat d’extrême droite historique.
L’issue aurait pu être bien plus grave. Il ne s’agit pas du premier règlement de compte entre supporters d’une même équipe, y compris pour des raisons politiques. La différence du contexte lyonnais, c’est le caractère largement asymétrique du conflit. Face au Kop Virage Nord, qui compte plusieurs milliers d’adhérents, les Six Neuf Pirates sont en effet un tout jeune groupe de quelques dizaines d’unités. Dans leur communiqué daté du 7 octobre, ils expliquent être menacés depuis leur création en février 2024. Initialement placés dans le Virage Sud, le groupe – qui revendique une composition multiculturelle et inclusive – a déménagé au Virage Nord en raison de tensions avec Lyon 1950.
Loin d’apaiser les choses, leur replacement au bloc 439, à proximité des Bad Gones, a déplacé les menaces et le conflit avec les supporters radicaux. Avant les coups de couteau reçus le week-end dernier, des membres des SNP avaient déjà été victimes d’un premier guet-apens après le match face à Olympiakos, faisant plusieurs blessés. Face aux accusations qui les visent, les Bad Gones ont publié un communiqué. Pour se défausser, ils rejettent la faute sur les SNP, accusés de “se faire passer pour ce qu’ils ne sont pas” et d’être “armés de couteaux, cutter, poings américains, gazeuse”. S’en sont-ils servis? Le communiqué se garde bien de le dire.
A Lyon, même l’apolitisme est d’extrême droite
Loin de se résumer à une confrontation entre “vrais méchants” et “faux gentils”, le passage à tabac subi par les SNP à la sortie du match face à Nantes n’est pas un fait isolé. Il s’inscrit dans un contexte local marqué par la porosité durable entre les tribunes et les milieux nationalistes, dans une ville de Lyon souvent perçue comme un laboratoire de l’extrême droite violente en France. Les Bad Gones ont beau se retrancher derrière une communication apolitique de façade, personne n’est dupe sur le lourd passif historique de ce groupe créé en 1987. Un groupe qui s’est d’abord construit comme un repaire du néo-fascisme ultra à la française, à l’instar du Kop of Boulogne parisien ou de la BSN niçoise.
Par la suite, les Bad Gones n’ont pas ménagé leurs efforts pour “dédiaboliser” leur image, sur fond de normalisation de leurs relations avec la direction de l’Olympique Lyonnais, époque Jean-Michel Aulas. S’ils crient tout haut refuser d’être instrumentalisés à des fins politiques, cela ne les empêche pas d’entretenir une amitié forte avec les fascistes madrilènes des Ultras Sur. Les Bad Gones savent aussi soigner cette réputation comme lorsqu’il s’agit, en marge du match contre Monaco en avril dernier, de remettre un chèque de 2000 euros à SOS Calvaires, une association de défense du patrimoine catholique, liée à la fachosphère.
Sans refaire toute l’histoire, vers la fin des années 90 la mentalité fasciste s’est exportée dans le Virage Sud, via d’anciens Bad Gones désireux d’ouvrir un nouvel espace, moins “cadré”. Si le groupe Lyon 1950 a pris la suite des Cosa Nostra, dissouts sur ordre du ministère de l’Intérieur en 2010, ce virage s’est aussi avéré propice à l’implantation des franges “indéps” et hooligans, dont les néo-nazis de la Mezza Lyon. Des membres de ce groupuscules ont d’ailleurs été jugés en janvier dernier pour des cris de singes et des saluts nazis commis dans le parcage du Vélodrome lors de OM-OL.
Quelle sera la réaction du club?
A travers ce genre de groupes, les marottes de l’extrême droite – comme l’anti-gauchisme, le rejet des réfugiés ou le “racisme anti-blanc”- trouvent une audience au stade. Tout cela a façonné un climat nauséabond, installé depuis près de quatre décennies, d’abord à Gerland, puis au Groupama Stadium, où les insultes et intimidations racistes sont monnaie courante. Une hégémonie nationaliste et identitaire des virages que l’existence même des Six Neuf Pirates – qui réfutent l’étiquette “antifascistes” – vient courageusement contester. Le groupe se pose comme une alternative, encore fragile. Mais comment la cohabitation est-elle possible dans un tel contexte, sans risquer pour son intégrité?
Pourront-ils compter sur le club, garant de la sécurité dans son stade? La direction de l’OL est restée prudente et se réserve la possibilité de prononcer des interdictions commerciales de stade (ICS). Qui viseront-elles? Malgré l’extrême gravité de l’attaque à l’arme blanche, le club tend à renvoyer dos à dos les différents protagonistes. Les SNP disent attendre une “réaction ferme du club” dont ils pointent les “graves dysfonctionnements” au niveau de la sécurité, mais leur faible poids leur permettra-t-il de se faire entendre? Rien n’est moins sûr face à des Bad Gones, installés, que la direction pourrait bien continuer à ménager pour acheter la paix.
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