Fin du n°88 dans le calcio: une mesure symbolique pour un mal bien plus profond

Les dirigeants de la FIGC et le gouvernement italien ont signé fin juin une déclaration d’intention en vue de lutter contre l’antisémitisme dans les stades. Une des dispositions est l’interdiction pour les clubs de distribuer le n°88 à leurs joueurs.

C’est une mesure qui intervient 34 ans après l’histoire de Ronny Rosenthal, ce footballeur israélien qui avait, lors de l’été 1989, annulé son transfert à l’Udinese après avoir été accueilli dans le Frioul par des croix gammées et des tags antisémites. L’été dernier, une campagne pour bannir le n°88 du calcio avait fait un peu de bruit. La principale mesure découlant de la déclaration d’intention sera d’officialiser son interdiction.

Il s’agit d’une mesure symbolique alors que la saison passée a été émaillée de plusieurs faits, dont les chants antisémites proférés par les supporters de la Juventus et par ceux de l’Inter. La photo virale d’un supporter de la Lazio, photographié avec un maillot son équipe portant l’inscription “Hitlerson” et le numéro 88, a certainement été décisive. Pouvoir oser aussi tranquillement avec un tel maillot en dit long sur la profondeur du mal qui ronge la société italienne, et qui s’exprime dans certains virages.

“Une déclaration vague et redondante”

Le 88 est un symbole néo-nazi bien connu. Le “H” étant la huitième lettre de l’alphabet l’abréviation, le 88 correspond à l’acronyme “HH”, signifiant “Heil Hitler”. Par ce biais, les nostalgiques du IIIe Reich pensent dissimuler leur adhésion à l’idéologie néo-nazie. Il y a parfois aussi des quiproquos. Depuis l’instauration dans le football professionnel italien de la numérotation libre allant de 1 à 99 (lors de la saison 95/96), certains joueurs se sont pris les pieds dans le tapis, à l’image de Gianluigi Buffon.

Pour le journaliste Valerio Moggiales racines culturelles de l’antisémitisme et du racisme en Italie semblent bien trop solides pour être coupées par une déclaration d’intention vague et redondante“. D’autant que certaines mesures comme l’interdiction de l’affichage de symboles néo-nazis et antisémites ou encore l’interruption des matchs en cas de chants discriminatoires, sont déjà prévues dans la loi Mancino de 1993 ou dans les règlements du football italien.

Une diversion habile de l’extrême-droite

Mais on a bien vu cette saison, avec les chants racistes subis par Romelu Lukaku ou Dusan Vlahović, que cette dernière n’est jamais appliquée. L’interdiction du numéro 88 masque mal le laissé-faire des autorités italiennes en matière de lutte contre les discriminations dans le football. Alors que Giorgia Meloni se revendique de l’héritage politique du fasciste Giorgio Almirante, qui avait publiquement soutenu les lois raciales contre les Juifs, son gouvernement n’a aucune crédibilité.

Personne n’est dupe, des partis comme la Lega de Matteo Salvini et Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni répandent au quotidien leur propagande raciste et xénophobe. Cibler le football est aussi une diversion habile. “Au contraire, cela semble soutenir un récit beaucoup plus commode politiquement: celui de la discrimination comme un problème interne au football et à traiter en son sein, plutôt qu’un problème qui ne se reflète que dans le sport mais qui surgit en dehors de lui“, appuie Valerio Moggia.

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