La FIFA et l’UEFA au service de l’impunité israélienne

Avec plus de 67 000 morts à Gaza, dont plus de 20 000 enfants, et des infrastructures détruites à 90%, les accusations de génocide sont largement documentées. Le refus de la FIFA et l’UEFA de suspendre Israël et ses équipes s’apparente à un soutien tacite. Le récent plan de paix de Trump promet de conforter cette impunité. 

Un scénario semblait s’écrire fin septembre: une mise au vote de l’exclusion de la fédération israélienne de football (IFA) des compétitions de l’UEFA, à laquelle elle est affiliée depuis 1994. Bien sûr il aurait fallu une validation du vote par la FIFA, mais une majorité du comité exécutif de l’instance semblait favorable à une suspension. La Turquie et la Norvège l’ont officiellement demandé, sur le modèle du sort réservé à la Russie après l’invasion de l’Ukraine en 2022.

Les appels allant dans ce sens se sont intensifiés devant l’évidence des crimes israéliens, pour lesquels la Cour Pénale Internationale (CPI) a émis des mandats d’arrêt contre Benjamin Netanyahu et son ancien ministre de la défense Yoav Gallant. Mais l’UEFA a ajourné le vote, invoquant le “plan de paix” de Trump, salué par Keir Starmer et Emmanuel Macron, et soutenu par plusieurs pays de la région, dont les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, le Qatar, l’Égypte ou encore la Jordanie.

De même qu’au niveau international aucune sanction n’a été prise contre Israël, dont le principal partenaire économique est l’Union Européenne, le sommet pour la paix – organisé en Égypte et présidé par Trump – aura probablement pour effet collatéral d’enterrer toute perspective d’exclusion des équipes israéliennes.

La FIFA ou l’art de jouer la montre

Le football palestinien est actuellement à l’arrêt, sans perspective de reprise. De nombreux joueurs ont été tués et la quasi-totalité des infrastructures sportives de la bande de Gaza ont été détruites par les bombardements. La multiplication des actes racistes et la propagande pro-génocide des supporters israéliens sont aussi au cœur des dénonciations. Dans un monde normal, le maintien des équipes israéliennes dans les compétitions sportives serait injustifiable. Mais avec la FIFA, Israël peut dormir tranquille sur les ruines de Gaza.

Lors du Congrès de mai 2024 à Bangkok, la Fédération palestinienne de football (PFA) a réclamé la suspension immédiate de son homologue israélienne (IFA). Gianni Infantino et ses alliés ont usé de manœuvres pour qu’elle ne soit pas mise au vote et pour gagner du temps: création d’un “comité juridique indépendant”, renvoi devant le conseil exécutif de la FIFA qui a finalement ouvert deux enquêtes.

Après deux ans de bombardements quasi ininterrompus, Gaza a des airs de fin du monde.

L’une confiée à sa commission de discipline pour l’accusation de discrimination, l’autre à sa commission “de gouvernance, audit et conformité” à propos des clubs israéliens illégalement installés dans les colonies en Cisjordanie. Une violation de longue date de l’article 72.2 des statuts de la FIFA, interdisant les associations membres et leurs clubs de “jouer sur le territoire d’une autre association membre sans l’accord de celle-ci”. Aux dernières nouvelles, elles sont toujours en cours, sans calendrier annoncé.

Dernière étape de ce jeu de dupes, Infantino a tout simplement balayé la question d’un revers de main lors du Conseil de la FIFA le 2 octobre dernier à Zurich, estimant que l’instance ne pouvait pas “résoudre les problèmes géopolitiques”. Là encore, l’actualité du plan Trump “pour la paix” sert d’alibi à l’instance pour mettre Gaza sur la touche.

Pressions diplomatiques intenses

Comme le rappelle le média italien Pallonate in Faccia, contrairement à l’ONU, il n’existe pas de droit de véto au sein du Congrès de la FIFA où la voix de chacun des 211 membres a le même poids. En évitant à Israël d’avoir à rendre des comptes, la FIFA couvre un régime d’apartheid et colonial, bien antérieur au 7 octobre 2023, au mépris de son obligation de respecter le droit des peuples à l’auto-détermination, prévue par l’article 3 de ses propres statuts. Il ne s’agit pas de droit international, mais bien d’un rapport de force politique. On le retrouve à une moindre échelle pour tous les pays se livrant à des guerres d’agression ou à la répression coloniale, comme récemment la France en Kanaky.

La diplomatie sportive est à l’œuvre. Le ministère israélien des Sports et de la Culture ainsi que l’IFA ont reconnu mener “un travail intensif en coulisses” pour bloquer les efforts visant à exclure Israël des compétitions européennes. Les États-Unis, organisateurs du Mondial 2026 avec le Mexique et le Canada, jouent aussi un rôle déterminant dans le maintien d’Israël à la table des nations sportives. Le ministère des Affaires étrangères (US State Department) a fait savoir qu’il s’opposerait à toute exclusion des équipes israéliennes. Un verrouillage renforcé par la proximité affichée entre Trump et Infantino. La FIFA s’est mise au service du bloc formé par Israël et les États-Unis, sans qu’aucune procédure interne ne soit vraiment en mesure de le contourner.

L’UEFA embourbée dans le double standard

Les partisans de sanctions “sportives” à l’égard d’Israël ont beau rappeler les précédents historiques que sont l’Afrique du Sud – suspendue plusieurs années en raison de sa politique d’apartheid – et la Russie, ils butent sur le logiciel d’instances qui carburent au double standard. Sur le parallèle récurrent avec l’exclusion de la Russie, Aleksander Čeferin – président de l’UEFA – a reconnu qu’elle avait été le résultats de fortes pressions politiques et diplomatiques.

La plupart des fédérations menaçaient alors de boycotter les matchs face à la Russie et donc l’intégrité de ses compétitions. L’UEFA ne s’était pas faite prier pour exclure la Russie, abandonnant au passage son partenariat lucratif avec Gazprom, géant russe des hydrocarbures. Les mêmes fédérations ont quasiment toutes épargné Israël. Les plus réticents, comme la Norvège et l’Italie, ont quand même décidé de jouer pour éviter de perdre sur tapis vert.

Pour être honnête, avec la guerre russo-ukrainienne, nous avons eu une réaction politique presque hystérique. Nous avons été parmi les premiers à agir, convaincus que le sport pouvait contribuer à mettre fin à cette tragédie. Malheureusement, la vie nous a prouvé le contraire”, a confié Čeferin dans un long entretien accordé à l’édition européenne du média Politico. Si on lit entre les lignes, il préférerait infléchir la position à l’égard du football russe plutôt que d’avoir à durcir le ton face à Israël.

Seule une mobilisation populaire

La commission d’enquête indépendante – mandatée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU – a rendu son rapport concluant que l’État d’Israël commettait un génocide dans la bande de Gaza, nié par une majorité des gouvernement occidentaux. Les chiffres sont vertigineux: plus de 67 000 personnes massacrées, dont plus de 20 000 enfants, et 2 millions de déplacés. Ce décompte du ministère palestinien de la Santé serait même, de l’avis de beaucoup, largement sous-estimé et plusieurs milliers de corps seraient piégés sous les décombres. L’enclave a été rasée aux trois-quarts: 98% des terres agricoles ont été rendues inutilisables et près de 90% des infrastructures d’approvisionnement en eau et d’assainissement ont été détruites ou endommagées par les bombes israéliennes.

En détournant jusqu’ici le regard de ce bilan sanglant, et en repoussant consciencieusement la prise de sanctions basiques contre l’IFA, les instances internationales n’ont fait que cautionner et entretenir l’impunité de l’État hébreu. La contradiction est, pour l’essentiel, citoyenne et portée par les supporters – en Italie, en Grèce, au Pays Basque, en Irlande ou en Turquie – à travers des campagnes comme “Show Israel the Red Card”. Les matchs la sélection israélienne sont accueillis dans certains pays par des manifestations pro-palestiniennes comme c’est le cas en ce mois d’octobre en Norvège et en Italie, où ils sont présentés comme des “matchs de la honte”.

Seule une mobilisation populaire internationale, dans les stades comme dans la rue, est aujourd’hui à même de bousculer ce statu quo criminel. Sans rapport de force conséquent, la FIFA et l’UEFA continueront à regarder ailleurs et à gagner du temps, au prix de dizaines de milliers de vies humaines.

Édito n°75

 

Italie: la mobilisation grandit contre la venue de la sélection israélienne

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