
Le 22 mai dernier, le CD Cuenca-Mestallistes 1925 a célébré le centenaire de sa fondation. Quelques jours plus tard, le club a validé son accession en 2ª Regional Valenciana, soit le 8e niveau espagnol. Présentation de cette place historique du football amateur valencien qui a écrit ses plus belles pages à l’ombre du Valencia CF.
Au cours de ce siècle d’existence, le CD Cuenca-Mestallistes 1925 aura eu plusieurs appellations, et mêmes plusieurs vies. Reformé durant l’été 2020, le club a choisi le chemin de l’actionnariat populaire, fonctionnant sur la base du “un membre = une voix”. Une renaissance dans le contexte très particulier des restrictions sanitaires liées au Covid-19. Son premier match officiel, le CD Cuenca-Mestallistes, le dispute en octobre 2020 sur le terrain du CF Beniparrell en Segunda Regional, division amateur située au 8e niveau du football espagnol. Un match nul 3-3 au parfum de victoire pour cet effectif formé quelques mois plus tôt. Pour l’Histoire, on retiendra que le onze de départ était composé de Robert, Cristian, Aitor, Martínez, Álvaro, Flaco, Manza, Tono, Carlos, Navas et Luzán. Des anonymes dont le nom restera gravé et occupera une place de choix aux côtés de celui de leurs glorieux prédécesseurs.
“Un des grands animateurs du sport local”
Car si un vent de renouveau porte le club, ses racines sont beaucoup plus anciennes. Son berceau est en effet le CD Cuenca, du nom de la rue de Valence où il est né en 1925, entre les quartiers de Patraix et d’Arrancapins. D’abord sous la forme d’une peña fondée par Vicente Blas Micó, avant d’adhérer officiellement à la Fédération valencienne de football le 23 novembre 1933. Selon les historiens, l’Olimpíada Infantil – organisée par le Valencia durant l’été 1924 – est un des événements ayant favorisé la création de nombreux clubs dans la ville. Parmi les centaines de jeunes réunis au stade de Mestalla, une délégation de la rue Cuenca était présente. Durant les années 20 et 30, le football valencien est en plein essor et est déjà dominé par le Valencia et le Gimnástico FC, l’un des ancêtres du club de Levante.
Le CD Cuenca naît comme un club de quartier. Il se développe comme un véritable espace de sociabilité, investi par une jeunesse enthousiaste et fanatique de sport. Contrairement à une multitudes d’autres projets qui péricliteront, le CD Cuenca va s’imposer comme “l’un des grands animateurs du sport local”. Les rênes de l’équipe, engagée en ligue amateur, sont d’abord confiées à Rino Costa. L’ancien joueur qui a fait toute sa carrière au Valencia CF enfile alors la triple casquette d’entraîneur-joueur-président. “C’était un homme orchestre qui avait le sens du talent et savait travailler avec les jeunes”, explique l’auteur José Ricardo March, secrétaire du CD Cuenca-Mestallistes, en charge des archives et de la sauvegarde de l’héritage du club.
L’élan de ce premier collectif sera stoppé par le déclenchement de la Guerre civile en 1936. Mais le bon travail de Rino Costa au CD Cuenca lui vaudra d’être recruté par le Valencia CF, d’abord pour coacher les amateurs, puis l’équipe première lors de la saison 1942/43. De son côté, le CD Cuenca reprend sa marche et remporte son championnat local en 1943/44, son tout premier titre officiel. Il fusionnera dans la foulée avec la section amateur du géant valencien pour donner naissance au Club Deportivo Mestalla qui fera office de club filiale du Valencia CF. L’équipe a vécu les décennies suivantes à l’ombre des projecteurs et a été contrainte au nomadisme sur les terrains des localités voisines comme Picassent, Sedaví ou Catarroja.
Renaissance sur fond de crise sanitaire
Ce n’est qu’avec le CDC Mestallistes 1925 que le club retrouvera sa maison à Valence, après quatorze ans de vagabondage. Il s’installe à Malilla, à proximité de l’ancien terrain du Norte FC, là où avait commencé le CD Cuenca dans les années 1930. Un retour effectif à l’occasion de la 2e journée de championnat, le 25 octobre 2020. Plusieurs personnalités liées au football locale étaient présentes pour l’occasion dont Merchina Peris, fille du manager historique Vicente Peris et première femme à marquer un but à Mestalla. La plupart des clubs d’actionnariat populaire de la péninsule ibérique ont été fondés durant les années 2010.
Journaliste de profession, David Laguía Richart, actuel président et personnage-clé du projet du CDC Mestallistes 1925, a rejoint le CD Cuenca en 2007. A cette époque, certains membres – Dani Benlloch, Quique Olmos et Toni Calvo – s’étaient engagés financièrement pour éponger les dettes du club, engendrant une nouvelle dynamique positive. C’est dans cette dynamique que s’est inscrit la renaissance du CDC Mestallistes 1925, sous la forme d’un club d’actionnariat populaire, en 2020. “Les mois de confinement pendant la pandémie ont été mis à profit pour planifier un projet ambitieux: une rénovation en profondeur pour muscler le club et garantir sa survie jusqu’au centenaire et au-delà”, expliquait alors David Laguía au magazine Plaza. Le centenaire a donc été atteint avec brio.
Conséquence de la privatisation des clubs, transformés en sociétés anonymes sportives (SAD) au début des années 90 et de la crise économique de 2008, le football espagnol a connu un regain de faillites de clubs. En guise de réponse, des supporters ont mis sur pied des projets d’actionnariat populaire – reposant sur le principe du “un membre = une voix” – pour construire un autre football. Cette ambition collective et démocratique caractérise le mouvement dit du “fútbol popular” qui assume prendre le contre-pied du business en remettant les supporters au centre du processus de prise de décision et en prônant un mode de gestion plus durable, sans endettement.
Mario Kempes, président d’honneur
Le CD Cuenca-Mestallistes 1925 est un cas rare d’actionnariat populaire créé à partir d’un club déjà existant, à l’image de l’UC Ceares fondé en 1946. Son nom complet rend hommage au CD Mestalla. Le nouvel écusson – modernisé par le designer valencien Pepe Dus – et les couleurs vert et blanc renvoient aussi à l’ancien club filial du Valencia CF. Et la mention de “1925” est un clin d’œil aux origines du CD Cuenca. Le CDC Mestallistes – qui arbore fièrement le “Rat Penat”, la chauve-souris symbole de la ville, sur son écusson – prend des airs de refuge de l’héritage du “valencianisme” dans le contexte houleux que connaît le Valencia avec la gestion de Peter Lim et de sa clique.
En proposant à Mario Kempes le titre de président d’honneur, le CDC Mestallistes 1925 a marqué les esprit et mis les projecteurs sur le projet du club. La légende argentine, qui a enfilé le maillot du Valencia CF à 246 reprises – entre 1976 et 1984 – et fait trembler les filets adverses 149 fois, est un fervent opposant à Peter Lim, mais aussi à l’agent de joueurs Jorge Mendes très influent sur les transferts du club. Ce qui donne un peu plus au CDC Mestallistes des airs de “refuge”.
Cependant, soutenir les deux clubs n’a jamais été contradictoire. “Je ne cesserai jamais d’être un supporter du Valencia CF. C’est l’équipe de mon père et j’espère que ce sera celle de mes enfants. Mais Cuenca m’offre une relation différente avec le football. Cela ne va pas à l’encontre de l’idée de soutenir les deux causes”, résume José Ricardo March. Le club aborde en effet son rapport au “club ché” avec une certaine lucidité. S’il a conscience de faire partie de cette grande histoire, c’est avant tout à travers la trajectoire assez méconnue du CD Mestalla qu’il entretient ce lien. “De toute évidence, c’était un club différent, bien que ce soit leur équipe filiale”, appuie David Laguía. Une histoire, faite de valeurs et de beaucoup d’humilité, qui continue à s’écrire.
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