Le football pour mettre un coup de projecteur sur la cause sahraouie

Le 25 mai dernier, la municipalité de Rivas-Vaciamadrid, dans la “ceinture rouge” madrilène, a accueilli le premier match de l’équipe nationale féminine du Sahara occidental. L’Independiente de Vallecas a participé à l’initiative. L’occasion de mettre en lumière la cause de ce peuple opprimé.

La footballeuse La-La Yeslem Badi, membre de l’équipe nationale féminine sahraouie, n’a pas minimisé l’importance de l’évènement. “Ce n’est pas un simple match. Ni juste une équipe nationale de plus. C’est un pays qui a été réduit au silence et oublié après la décolonisation. Un pays où la moitié de la population vit en exil dans les camps de réfugiés sahraouis de Tindouf et l’autre moitié dans les zones occupées par le Maroc, dans le silence et la peur”, a-t-elle rappelé avant de disputer ce premier match historique, sous la forme d’une triangulaire avec l’Independiente de Vallecas et le CFF Parque Alcobendas. Tandis que la sélection sahraouie des moins de 21 ans allait affronter l’équipe masculine de l’Independiente dans la foulée.

Résultats:
Sélection féminine sahraouie 0-1 CFF Parque Alcobendas
CFF Parque Alcobendas 2-1 Independiente Femenino
Independiente Femenino 5-0 Sélection féminine sahraouie
U21 Sahara occidental 5-0 Independiente de Vallecas

La sélection nationale comme projecteur?

Les matchs se sont déroulés dans une atmosphère de soutien et de solidarité, avec la présence d’associations défendant la cause sahraouie comme Rivas-Sahel ou la FEMAS, selon le média Soy Madrid. Il s’agit d’une étape importante dans l’histoire du sport sahraoui. Ce premier match, disputé sur les terrains du Cerró del Telégrafo à Rivas, symbolise autant les avancées  en matière d’égalité des sexes au sein de la République arabe sahraouie démocratique, que la lutte globale du peuple sahraoui pour son auto-détermination dans le contexte de l’occupation marocaine et de la situation critique des réfugiés qui souffrent de la réduction de 30% de l’aide du Programme alimentaire de l’ONU. Alors ce type d’événement est essentiel pour sensibiliser sur la cause.

Aujourd’hui, la République Arabe Sahraouie Démocratique ne s’étend que sur 20% de ce territoire situé au sud du Maroc, principalement frontalier de la Mauritanie, mais aussi de l’Algérie où vivent plus de 170 000 réfugiés dans les camps de Tindouf, sous le contrôle policier et autoritaire du Front Polisario. Le mouvement séparatiste revendique depuis 1976 l’indépendance du Sahara occidental, ancienne colonie espagnole, très riche en phosphate. La quasi totalité de l’espace côtier, importante zone de pêche, est ainsi aux mains du royaume marocain qui continue de mettre en garde quiconque contesterait la “marocanité” du Sahara. Mise en place en 1991, la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) est vivement critiquée pour son inefficacité et son incapacité à protéger les droits humains.

Lors du dernier Mondial au Qatar, les activistes sahraouis ont profité des exploits de la sélection marocaine pour rappeler leur existence niée par ce pays qui ne les représente en rien, et sortir leur combat pour l’indépendance de l’enlisement. Soutenue seulement par l’Algérie, l’éventualité d’une adhésion de la République Arabe Sahraouie Démocratique à la Confédération Africaine de Football (CAF) est bloquée. Le Maroc a en effet obtenu en 2021 la modification des statuts de la CAF empêchant l’adhésion d’États non-membres des Nations Unies. Après avoir adhéré en 2016 à la CONIFA, confédération de football regroupant les nations non-reconnues, la Fédération Sahraouie de Football a rejoint la World Unity Football Alliance (WUFA), plus axée sur la question du respect des Droits de l’Homme.

Le football pour sortir de l’isolement?

Leur sélection nationale, non-reconnue par la FIFA, a joué ses premiers matchs dans les années 80, soit quarante avant la naissance de l’équipe féminine. Depuis 2010, la sélection a participé à une vingtaine de rencontres et à quelques événements comme la VIVA World Cup de 2012 à Erbil au Kurdistan irakien, ou le Tournoi International des Peuples et Cultures en 2013 à Marseille. Des compétitions qui lui ont permis de rencontrer les sélections du Kurdistan, de l’Occitanie ou du Darfour. Ceux qu’on surnomme “Los Dromedarios” jouent essentiellement des matchs amicaux contre des clubs amateurs ibériques, comme l’UD Puçol, ou professionnels algériens comme le NA Hussein-Dey ou le Mouloudia Club d’Alger.

Les Dromadaires sahraouis lors de la VIVA World Cup disputée en 2012 au Kurdistan irakien.

Partisane de l’indépendance, l’Algérie est un des principaux soutiens du football sahraoui. En toile de fond, les relations diplomatiques ont été rompues entre le Maroc et l’Algérie pour un puzzle de raisons – notamment le rapprochement du Maroc et d’Israël – dont la situation au Sahara occidental est une des pièces. Les tensions entre les deux pays s’invitent aussi parfois directement sur le rectangle vert comme lors de la 1/2 finale de la Coupe de la CAF entre l’USM Alger et le RS Berkane. Le match a été annulé suite au refus de l’équipe marocaine de jouer le match après avoir été bloqué à la douane algérienne qui a confisqué ses maillots arborant la carte du royaume du Maroc. La CAF a attribué la qualification en finale au RS Berkane. D’aucuns y verront encore un signe de l’influence du Makhzen au sein des instances du football africain.

A lire: La sélection marocaine et la propagande du régime sur le Sahara occidental

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