Le football féminin doit beaucoup à ces pionnières qui, envers et contre tout, ont mis le pied sur le ballon, dans la cour des usines d’armement pendant la 1ère Guerre mondiale. Voici le cadre du livre Le Ladies Football Club, signé Stefano Massini et traduit de l’italien par Nathalie Bauer.
Sorti aux éditions Globe en février 2021, puis en version poche aux éditions 10/18 en 2023, quelques mois avant la Coupe du Monde féminine disputée en Australie et Nouvelle-Zélande, ce texte vif a tout de la bonne lecture estivale. Fiction écrite en vers libres, Le Ladies Football Club met en scène une équipe composée de “munitionnettes“, comme il en a poussé plusieurs dans les usines d’armement britanniques pendant la Guerre 14-18, à l’image du mythique Dick, Kerr’s Ladies FC.
Nous sommes, le 6 avril 1917. Violet Chapman lance le mouvement en shootant dans une balle, du moins une forme sphérique s’en approchant, ou s’approchant d’un prototype de la bombe “K4”, prototype connu sous le petit nom de “Sister K”. Ainsi naît le onze féminin de l’usine Doyle & Walker Munitions de Sheffield, et ses maillots sous la plume de Stefano Massini.
C’est le premier “âge d’or”du football féminin qui prend forme dans ce texte plein d’humour. Orphelins des hommes partis mourir dans les tranchées françaises, les terrains de football vont voir de nouvelles artistes prendre la place. L’opportunité d’être au centre du jeu, ces ouvrières vont la saisir, non sans se heurter à l’ordre patronal, clérical et patriarcal.
Onze ouvrières et une balle
On découvre onze joueuses aux traits singuliers et hautes en couleurs, parmi lesquelles l’invisible Sherill Bryan, choisie parce qu’il fallait une onzième, Penelope Anderson qui ne s’exprime qu’à base de maximes loufoques; Olivia Lloyd, experte en détournement de citations, telle une situationniste avant l’heure ou encore Haylie Owen, sorte de porte-parole politique, à qui on doit cette tirade marxiste:
«Nous courons derrière une balle, oui monsieur. Et puis qu’est-ce qu’une balle?
Un objet fabriqué par des ouvrières comme nous, dans des usines comme la nôtre…
Sauf que nous produisons des bombes, et elles, des balles pour le football.
Et alors? Ce sont des produits. Identiques. Voilà pourquoi je tape dans cette foutue balle,
c’est la fille de l’industrie qui nous exploite toutes, dans la sale, l’affreuse pyramide du travail.»
Derrière Le Ladies Football Club, on perçoit la dimension prolétarienne d’un football féminin qui prenait «de plus en plus l’allure d’une vengeance féministe». Le succès rencontré par ces équipes va finir par donner quelques sueurs froides aux dirigeants bourgeois de la Football Association. La puissante fédération finira par contre-attaquer en interdisant le football aux femmes. Un siècle plus tard, si le chemin parcouru est évident, ce qu’il reste à faire pour l’égalité l’est tout autant.
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