“Un calcio all’88”. La coordinatrice nationale pour la lutte contre l’antisémitisme, Milena Santerini a lancé une campagne pour en finir avec la possibilité de choisir le 88 comme numéro de maillot. Une requête qui promet de faire débat.
Dans le football professionnel italien, la numérotation libre allant de 1 à 99 remonte à la saison 95/96 (et à la saison 2017/18 dans les divisions amateurs). Souvent associé à une connotation néo-nazie, le n°88 est-il en voie de disparaître des maillots? C’est en tout cas le souhait de Milena Santerini qui a publié une déclaration allant dans ce sens ce vendredi 29 juillet. Elle a notamment rappelé aux clubs la signification de ce nombre, régulièrement utilisé comme une abréviation du salut “Heil Hitler” par les adeptes de l’idéologie néo-nazie. Le 8 faisant ici référence au H, huitième lettre de l’alphabet. “Même si certains joueurs n’étaient pas au courant de cette référence, les équipes sont fermement invitées à ne pas l’utiliser“.
Un phénomène marginal
Par le passé, à plusieurs reprises, la communauté juive d’Italie a alerté sur ce qu’implique d’arborer le le n°88 au dos de leur maillot même s’il est évident que des joueurs peuvent avoir choisi ce numéro pour d’autres raisons. Pour Milena Santerini, la question dépasse largement le sens que met le joueur derrière ce choix de numéro. Elle estime – soutenue par l’Anti-Defamation League – qu’il s’agit, qu’on le veuille ou non, de propagande. “Un symbole de ce type, même inconscient, ne peut être utilisé pour s’amuser ou étaler son innocence: il signifie en fait la souffrance et la violence, une idéologie de la mort qui a divisé les êtres humains entre dignes et indignes, et a déclenché une violence indicible. Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’antisémitisme se cache derrière ces allusions“.
Le n°88 reste un phénomène marginal, mais Milena Santerini invite les clubs professionnels à le supprimer. En Serie A, deux joueurs sont concernés: Mario Pašalić – milieu de terrain croate de l’Atalanta – qui porte ce numéro depuis 2018 et Mateusz Praszelik, jeune international polonais de l’Hellas Vérone. Prêté depuis janvier 2022 par le Śląsk Wrocław, son choix de numéro n’était pas passé inaperçu et avait été salué par une partie des supporters. La frange radicale des fans du Hellas reste considérée comme une référence du néo-fascisme ultra. Le joueur s’est défendu de cette intention malgré les messages saluant son choix. Difficile de passer outre l’ambiguïté.
On se rappelle que ce numéro a aussi été porté par des joueurs comme Hernanes à l’Inter, Gökhan Inler au Napoli, Marco Borriello et Seydou Doumbia à la Roma ou encore Gianluigi Buffon au début de sa carrière à Parme. Le choix du mythique gardien italien avait alors ému la communauté juive. “Le nazisme ? Rien ne pourrait être plus éloigné de moi. Ma famille m’a toujours expliqué ce qu’était l’Holocauste“, s’était défendu Buffon qui avait expliqué à l’origine vouloir porté le n°00, “comme en NBA“. Comme le règlement l’interdisait, il se serait alors rabattu pour le n°99 s’il n’était pas déjà attribué à l’autre gardien, Matteo Guardalben. Invoquant un malentendu, “Gigi” Buffon avait fini par changer de numéro et par prendre le n°77 qui lui a plutôt bien réussi.
Et pourquoi pas un retour à la numérotation classique?
Une mésaventure similaire était aussi arrivée au jeune offensif néerlandais Ricardo Kishna, recruté par la Lazio en 2015. Il opte pour le n°88. Le combo entre ce nombre et le maillot de la Lazio – connu pour ses ultras néo-fascistes – lui revient comme un boomerang en pleine figure, comme il l’a confié au média RTL Nieuws en 2020. “Comme le 8, mon numéro préféré, était déjà pris, j’ai choisi le 88. Double chance, je pensais… Je n’avais pas pensé à cette signification! Si quelqu’un du club m’avait prévenu, j’aurais choisi un autre numéro. Tout d’un coup, j’ai eu tous ces commentaires sur Instagram. Qu’est-ce que tu fais ? Ce club et ce numéro! Mais c’était trop tard, le numéro était déjà enregistré et je ne pouvais plus le changer. La saison suivante, j’ai immédiatement choisi le 7 “.
Les partisans du bannissement du n°88 pourraient bien trouver le soutien de quelques pourfendeurs du football moderne qui ne sont pas fans de cette mode marketing des numéros allant de 1 à 99, importée des sports US. Après tout, pour régler le problème du n°88, la meilleure solution ne serait-elle pas de revenir à la numérotation classique de 1 à 11?
Ce serait beau de voir le foot revenir à la numérotation classique de 1 à 11. Mais le numéro aujourd’hui ne correspond plus à un poste, il ne sert qu’à identifier un joueur. Certains l’exigent même par contrat. Les fédérations seraient toutefois bien inspirées, pour éviter les numéros loufoques, de limiter dans chaque club les numéros de 1 à 30 avec obligation d’attribuer le 1 à un gardien et d’interdire toute vacance d’un numéro entre 1 et 11.
Le 1 est déjà réservé au gardien dans toute les ligues professionnelles du monde, et le les numéros de 1 à 11 ne peuvent être laissés vacants dans les ligues anglaises.
Mais il y a certains numéros qui ont été retirés en hommage post-hume (le 4 à Utrecht, le 9 à Nantes, le 13 à la Fio, le 17 à Lens…) et d’autre en hommage au talent des joueurs qui l’ont porté (le 6 de Baresi à l’Inter entre autres, et là, les exemples ne manquent pas). On ne va tout de même pas interdire ça !
Et puis en quoi serait-ce loufoque de porter le 56 par exemple ? En quoi cela pose-t-il problème ?
Le numéro 56 et tous les autres au-delà de, disons, 16, sont des symptômes du football moderne et de son américanisation. Ce type de numérotation a pour but d’identifier le joueur (comme dans les sports US) et non plus le poste où il évolue (de 1 à 11) ou son statut de remplaçant (12, 13 et plus). On recherche la starification du joueur au détriment de l’équipe. Idem pour les numéros que l’on “retire” en hommage à un retraité ou un disparu : cela a du sens dans les sports US, beaucoup moins dans le foot qui n’a fait que reprendre l’idée.