Le PAC Omonia 29M à l’épreuve du plafond de verre de l’élite

Tradition, à la fin du match, les tribunes sont saluées le poing levé.

Promu en 1ère division chypriote, le PAC Omonia 29M compte se battre avec ses armes, sans complexe ni timidité pour se maintenir dans l’élite. Son parcours est aussi l’occasion de mesurer la marge de manœuvre d’un club géré par ses supporters face au plafond de verre du plus haut niveau.

L’ascension du PAC Omonia 29M est une de ces histoires romantiques auxquelles le football moderne fait peu de place. A peine six ans après sa naissance, ce club construit de A à Z par ses supporters va donc se mesurer aux poids lourds du football chypriote que sont l’APOEL, l’Aris Limassol ou encore l’AC Omonia. Les retrouvailles avec ce dernier vont évidemment être scrutées car le PAC Omonia 29M – né sous le nom de PAC Omonia 1948 – a été fondé par la Gate 9, le groupe de supporters historique de l’AC Omonia. Opposés à la vente du club à l’homme d’affaires Stavros Papastavrou, ils se veulent les dépositaires des idéaux sportifs, sociaux et politiques des fondateurs de 1948. Avec un mantra: ce n’est pas le commencement, mais la continuité d’une histoire.

L’option ardue de créer leur propre équipe, avec l’ambition de lui faire gravir les échelons un à un, s’est donc avérée payante. Mais le plus dur commence pour le PAC Omonia 29M, devenu le premier club géré par ses supporters (sur la base du principe “un membre = une voix”) à accéder à l’élite. Il avance en éclaireur et son aventure sera riche d’enseignements pour les autres clubs d’actionnariat populaire continentaux. Sa participation à un championnat mineur en Europe (Chypre pointe seulement au 24e rang du classement UEFA), où les coûts de fonctionnement sont moindres, l’autorise à envisager plus facilement s’installer dans le monde professionnel. Après six journées de championnat, l’apprentissage est délicat: le club occupe la dernière place avec 2 points et attend toujours sa première victoire.

Un recrutement tourné vers l’international

Le coach Giorgos Petrakis se veut malgré tout confiant même s’il déplore plusieurs points naïvement perdus en fin de match. Il s’appuie sur un effectif largement remanié par un recrutement malin et adapté à ses faibles moyens, concentré vers des joueurs libres et tourné vers l’international. Pas moins de dix-neuf recrues en tout! Savant mélange d’expérience et de jeunesse prometteuse. Sont arrivés des joueurs au fait de la 1ère division chypriote comme Nikola Trujić, Christos Wheeler ou Paris Psaltis. Mais aussi le gardien allemand Kevin Broll (ex Dynamo Dresde), Sylvain Deslandes, globetrotteur franco-camerounais de 27 ans, qui a notamment porté le maillot de Wolverhampton, et Facundo Garcia, milieu de terrain argentin formé à Boca Juniors et passé par l’AEK Larnaca entre 2018 et 2020.

La légion étrangère du PAC Omonia 29M s’appuie également sur le milieu de terrain international moldave Cătălin Carp et sur le joueur belge formé à Anderlecht, Michaël Heylen, en défense centrale. Pour être complet, il faut enfin mentionner quelques joueurs à la relance comme Rashaan Fernandes, ailier néerlendais de 25 ans, un attaquant brésilien nommé Gabriel Ramos ou encore Jérémie Bela, attaquant franco-angolais, passé par Lens, Dijon, Clermont, Birmingham et Albacète. Sur le plan offensif, le club compte aussi sur l’éclosion du jeune Jay Enem, attaquant de 21 ans originaire des Pays-Bas et prêté par Venise. Cet empilement de recrues illustre l’ambition du PAC Omonia 29M, mais le risque est de voir les automatismes collectifs mettre trop de temps à s’installer.

ADN populaire versus professionnalisme

Les débuts décevants n’entament pas la détermination des membres du PAC Omonia 29M dont la présence au plus haut niveau agace une partie des cadors. Avant même de commencer la saison, une de ses premières préoccupations a été de trouver un stade où jouer ses matchs à domicile. Le club, qui ne dispose pas de terrain à lui, n’aurait pas été contre le fait d’évoluer au GSP Stadium où jouent déjà l’AC Omonia et l’APOEL. Refusé! Le club a fini par obtenir la possibilité de partager le stade du Doxa Katokopia (3500 places), situé à Peristerona, à une trentaine de kilomètres de Nicosie. Une solution dont se contenteront les membres du PAC Omonia 29M mais qui est loin d’être idéale, les installations ne permettant pas d’accueillir de matchs jugés “à haut risque”.

Comment son modèle de propriété collective aux moyens économiques limités va-t-il pouvoir rivaliser? Pour y parvenir, le club défend un équilibre pragmatique entre, d’un côté, son ADN populaire et, de l’autre, les exigences du professionnalisme en terme de partenariats. Pour autant, le club est depuis plusieurs saisons sponsorisé par des sociétés de paris sportifs (dernier en date, CopyBet), un type de partenariat rejeté par la majorité des projets d’actionnariat populaire pour lutter contre les dégâts causés par l’addiction aux jeux dans les couches populaires. Pour Adamos Efsthatiou, président du conseil d’administration du club, il n’y a pas de soucis éthique. “Les lignes rouges tracées en matière de partenariats concernent les sponsors associés à l’extrême droite ou aux partis néo-nazis”.

Une saison sans la Gate 9 en tribune

Malgré tout l’engouement populaire qui l’entoure, le PAC Omonia 29M doit aussi gérer les paradoxes d’une montée dans une 1ère division où la carte du supporter, dispositif sécuritaire de fichage, est obligatoire pour assister aux matchs. “Des matchs qui, malheureusement, ne se joueront pas dans les tribunes, devant l’équipe que nous avons fondée, mais dans la rue”, a annoncé la Gate 9 suite à son assemblée estivale, en guise de protestation. A la place, le groupe appelle à chaque match à se réunir pour soutenir l’équipe ou à manifester. Lors du match à Paralimni face à Enosis, elle avait par exemple organisé une marche à Limassol contre la “Fan Card”, derrière le slogan “Το μητρώο στα σωματεία” pour que les registres soient transférés aux clubs.

Cortège de la Gate 9, le 15 septembre dernier à Limassol.

La revendication défendue par la direction du PAC Omonia 29M qui œuvre à trouver des solutions légales pour que l’ensemble des supporters puisse revenir en tribune. Elle a entamé, début septembre, des discussions avec le ministère de la Justice. Sans suite. L’État ne compte pas revenir sur le dispositif de la “Fan Card” et prévoit même de le renforcer avec la mise en œuvre de la reconnaissance faciale qui devrait être complètement effective à la fin de l’année 2024. Le boycott de la Gate 9 et son combat contre les normes sécuritaires du football moderne est loin d’être terminé. Sa voix manquera inévitablement pour aider l’équipe à atteindre son objectif, mais comme disent ces fans engagés: “Puisque les décideurs nous veulent hors des stades, ils auront ce qu’ils veulent”.

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