Les ultras face au Pass Sanitaire: la rançon du boycott

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Le week-end dernier, la Ligue 1 retrouvait le chemin des terrains, et les supporters, moyennant un Pass Sanitaire en règle, celui des tribunes. Dans ce meilleur des mondes, quelques voix discordantes se sont élevées, refusant ce nouveau dispositif sécuritaire. Isolés, l’enjeu sera pour eux de tenir la ligne.

Tenez bon et ne cédez pas! Il en va de nos libertés futures et de celles de nos enfants.” Dans leur communiqué commun annonçant leur refus de se plier au Pass Sanitaire, les ultras montpelliérains de la Butte Paillade et des Armata Ultras savaient à l’avance que ce combat allait se heurter à une forte pression sociale. C’est qu’il fallait les avoir solidement accrochées, ses convictions, pour refuser de revenir au stade après seize longs mois maintenus à l’écart des tribunes.

Tenir bon, ne pas céder

Premiers à avoir annoncé leur position concernant le Pass Sanitaire, les ultras pailladins ont vu la majorité des groupes ultras français accepter, les uns après les autres, ce nouvel outil de contrôle et de tri à l’entrée des stades. La conjugaison de cette sensation de manque tellement compréhensible, au fait que, pour une fois, le stade ne fait plus office d’exception. C’est d’ailleurs un des arguments mobilisés par les ultras sochaliens de la TNS qui ont annoncé revenir sur leur décision initiale de ne pas intervenir au stade en tant que groupe. On ne parle plus là des ultras comme des rats d’un laboratoire de la répression. Les stades se voient logés à la même enseigne que les autres espaces de sociabilité, les restaurants, les bars où les lieux culturels. Ce qui a pour effet d’associer le refus de céder au Pass Sanitaire à un positionnement politique, et de le lier à la contestation aux contours encore flous qui s’exprime sous la forme des manifestations du samedi. Et donc, sûrement, de l’isoler un peu plus dans un monde habitué à invoquer son apolitisme constitutif pour mettre à distance certains thèmes polémiques.

Les supporters montpelliérains réunis derrière la tribune à l’appel de La Butte Paillade et des Armata Ultras (©Le Poing)

Tenir bon, ne pas céder, là sera la difficulté. Les ultras montpelliérains – et leurs homologues nantais, messins, stéphanois et lyonnais – savaient que leur décision de boycotter ce retour tant attendu allait susciter jugement et incompréhension, sans parler de la frustration et, probablement, une part de culpabilité de ne pas être en tribune derrière les joueurs. D’où ce second communiqué appelant à se rassembler à l’extérieur du stade pour chanter pour leur équipe, « avec rage et détermination », et montrer que leur décision difficile ne signifie en rien qu’ils abandonnent les leurs.

“La liberté n’a pas de prix”

Continuer à pousser son équipe tout en boycottant les tribunes, c’est une équation compliquée. “Écoutez la voix de vos ultras, Contre le Pass Sanitaire mais toujours là !” Cette banderole, déployée à l’extérieur de la Mosson à l’occasion de la réception de l’Olympique de Marseille pour la reprise de la Ligue 1, résume bien ce tiraillement. A l’intérieur du stade, en écho, dans le secteur où prennent habituellement place les ultras, une autre banderole lui répondait: “La liberté n’a pas de prix, au stade comme dans la vie!”

Une politique de la tribune vide qui force le respect, même si les plus fervents supporters montpelliérains le payent en se privant de la tribune Étang de Thau qu’ils aiment tant fréquenter. Ils se privent de matchs lors desquels, comme douzième homme, ils jouent un rôle crucial derrière l’équipe. Ces ultras réfractaires ne brûlaient pas moins de revenir au stade que leurs homologues.

Dimanche, leur absence derrière les buts s’est faite remarquer – et c’était l’objectif – alors que le parcage visiteur marseillais fort de ses trois cent ultras – seulement – arrêté préfectoral oblige, a fait résonner la Mosson aux accents olympiens, secondés par plusieurs centaines de soutiens disséminés partout dans le stade. Un classique dont seuls quelques stades français sont préservés quand l’OM se déplace, mais que certains esprits mal tournés n’ont pas manqué d’attribuer au boycott.

Jusqu’au 15 novembre?

Ce contraste entre un kop vide et un parcage bruyant et festif illustre, malgré un même amour des tribunes populaires, une divergence quant à la réponse à opposer au Pass Sanitaire et aux dangers qu’il fait peser sur une certaine manière d’aller au stade. Ultras marseillais, lensois, strasbourgeois, rennais, parisiens et bordelais, ont tous éludé le problème principal pointé par les groupes qui boycottent, à savoir la généralisation du contrôle d’identité et de la billetterie nominative. L’amour du stade oui, mais de quel stade? Celui où on renonce encore un peu plus à des libertés progressivement réduites à peau de chagrin?

D’un autre côté, si elle les honore, la position minoritaire de ces groupes est-elle tenable sur le long terme? Une partie de la réponse se trouve peut-être autour de la date butoir du 15 novembre à laquelle le dispositif du Pass Sanitaire est censée prendre fin. L’enjeu est de réussir à tenir jusque là. Mais en trois mois il peut se passer beaucoup de choses, et de nouveaux durcissements sécuritaires du gouvernement ne sont pas à exclure. Un revirement des groupes qui se sont déjà mis à ce régime semble peu probable. Le pire serait qu’il soit prolongé au-delà du 15 novembre sans opposition et que ça ne provoque aucune réaction; en d’autres termes que ce qui est pressenti se vérifie et qu’une nouvelle norme de contrôle soit en train de s’inscrire dans la durée, dans les stades comme en-dehors. On ne pourra alors pas dire que les groupes ultras qui ont choisi la voie du boycott ne nous avaient pas prévenu.

Édito n°33

 

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