A défaut d’être sportif, le principal enjeu autour de ce match France – Israël (5e journée de la Ligue des nations) est politique. Le pouvoir français en a fait un symbole. Un match qui aurait pu ne pas être joué au vu du génocide commis dans la bande de Gaza et de l’invasion du Liban, mais la FIFA et l’UEFA restent sourdes aux appels à exclure les équipes israéliennes.
La proximité des événements d’Amsterdam aurait influencé la choix du président Macron d’être présent au Stade de France pour envoyer “un message de fraternité et de solidarité après les actes antisémites intolérables qui ont suivi le match d’Amsterdam”. Le gouvernement ne fait aucun mystère sur les enjeux politiques de ce match classé “à haut risque”. Ce défilé de personnalités politiques de “premier plan” est une façon de se tenir du côté des soutiens indéfectibles à l’État d’Israël. Drôle d’initiative de la part de politiciens qui n’ont de cesse de dire qu’il ne faut pas “importer le conflit” à la moindre manifestation de solidarité envers le peuple palestinien. Elle contraste aussi avec des tribunes qui vont sonner creux.
Avec environ 15000 personnes attendues, on sait depuis plusieurs jours qu’il s’agira de l’affluence la plus faible pour un match des Bleus au Stade de France. Il n’y a pas d’explication unique, mais un sondage réalisé par les Irrésistibles Français – principal groupe de supporters de la sélection nationale – montre que la nature de l’adversaire a un poids non négligeable dans cette désertion manifeste. Que ce soit en raison du dispositif sécuritaire “extrêmement renforcé” ou par boycott, la réception d’Israël dans un Stade de France qui sera au trois-quart vide. Cette affluence en berne couronne d’une certaine manière l’intense activité de celles et ceux qui protestent contre ce match depuis plusieurs semaines.
Faire pression sur la FIFA qui “joue la montre”
Le 4 novembre dernier, une quarantaine de militants pro-palestiniens avaient pacifiquement occupé les locaux de la Fédération française de football (FFF) pour réclamer l’annulation, voire la délocalisation de ce match, à défaut d’obtenir l’exclusion des équipes israéliennes des compétitions. De nombreuses pancartes portaient leurs revendications: “Non au match France-Israël” ou encore “Ban Israel”, adressé à la FIFA et à l’UEFA. Sous pression, la FIFA a déjà repoussé trois fois la décision d’exclure les équipes israéliennes de ses compétitions. “La FIFA joue la montre, mais les Palestiniens ne peuvent plus attendre. Il est temps de passer à l’action, de mobiliser joueurs et supporters pour faire entendre notre voix”, lit-on dans l’appel “On ne joue pas avec le génocide!”.
En octobre dernier, à l’occasion de son 74e congrès, la FIFA devait examiner la requête de la Fédération palestinienne de football (PFA) en faveur d’une “suspension immédiate” de son homologue israélienne (IFA) de toutes les compétitions, pour violations répétées du droit international, mais aussi des statuts de la FIFA. Outre les massacres de civils documentés, la PFA a détaillé dans un document les conséquences directes des bombardements israéliens sur son football, à l’arrêt total, sans aucune perspective, ni certitude de pouvoir reprendre un jour leur activité. On estime aussi que plus de 450 sportifs, coachs ou membres de clubs sportifs palestiniens ont été tués. La quasi totalité des infrastructures ont été détruites. Les rares qui n’ont pas été rasées servent de camp aux réfugiés.
Quelques mois après avoir repoussé l’idée d’un vote sur cette question, la FIFA a décidé de ne pas sanctionner Israël qui n’a pourtant pas attendu le 7 octobre pour ne pas être en conformité avec les statuts de l’instance. En Cisjordanie, la situation des clubs israéliens basés dans les colonies, donc en territoire palestinien, enfreignent par exemple l’article 72 des statuts de la FIFA selon lequel “les associations membres et leurs clubs ne sont pas habilitées à jouer sur le territoire d’une autre association membre sans l’accord de celle-ci”. Toujours sur le strict plan du droit, certains estiment que cette “tolérance” constitue une reconnaissance implicite des colonies israéliennes, contraire à l’obligation de la FIFA de respecter le droit des Palestiniens à l’auto-détermination, en vertu de l’article 3 de ses propres statuts.
La FIFA et de l’UEFA ont du sang sur les mains
Dans un monde normal, la FIFA et l’UEFA auraient donc déjà dû depuis un moment prendre la décision d’exclure l’IFA de toutes les compétitions. A bien des égards, le football israélien est au service de la violence colonialiste. Le climat raciste en Israël est aussi alimenté par plusieurs groupes de supporters radicaux qui font ouvertement l’apologie du génocide à Gaza et appellent à “tuer les Arabes”. On l’a vu récemment avec les ultras du Maccabi Tel Aviv à Amsterdam, ceux du Beitar Jérusalem ou encore les Inferno Verde du Maccabi Haifa, capables d’exposer en tribune des messages abjects comme “La vie d’un enfant israélien vaut plus que celle d’un enfant palestinien”. Tsahal a déjà tué entre 40 et 50 000 Palestiniens depuis octobre 2023, parmi lesquels 16 500 enfants. Les instances préfèrent fermer les yeux sur ce bilan sanglant, participant à l’impunité d’Israël sur le plan international.
A tord ou à raison, les demandes d’exclure Israël des compétitions internationales s’appuient sur la comparaison du sort réservé à la Russie depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022. La même FIFA avait alors été capable de prononcer en quelques jours l’exclusion des fédérations russe et biélorusse. Du côté de ceux pour qui la comparaison ne tient pas, on oppose l’argument que les Russes ont envahi un État souverain. Qu’en est-il alors du sol libanais foulé par les chars israéliens et abondamment bombardé au prix de milliers de vies brisées, de morts, de blessés et de déplacés? Ce 14 novembre, avant France – Israël, un rassemblement à quelques encablures de Stade de France. Pour les Palestiniens et les Libanais, il doit y avoir plus de monde et de bruit dans les rues de Saint-Denis que dans le stade.
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