On ne peut pas être enfant de la déesse et enfant de SS à la fois

A la fête en Coupe d’Europe, le LOSC voit sa tribune la plus active gangrénée par l’extrême droite. De plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer cette présence connue des dirigeants lillois et qui n’est pas nouvelle. Un supporter du club nous partage cette tribune qui souligne la nécessité d’en finir avec cette atmosphère et fait appel à l’héritage révolutionnaire de la ville.

Les dernières sorties des supporters lillois, à Auxerre, le 10 janvier, à domicile face à Nice le 17 janvier et à Liverpool, le 21 janvier dernier, ont été marquées par des manifestations politiques inquiétantes de la part d’une partie des membres des Dogues Virage Est (DVE). A Auxerre, 30 à 40 supporters ont lancé un hommage à Jean-Marie Le Pen au début du match, dans la sidération générale. Face à Nice, les DVE ont déployé un tifo pour célébrer leur amitié avec les supporters niçois. Au centre du tifo, figurait le blason créé à l’occasion du 35e anniversaire de cette section de supporters, blason qui, tant dans son aspect général que dans les détails de se composition, affiche des similitudes troublantes avec le blason de la 33e division SS Charlemagne, division constituée majoritairement de Français engagés pour combattre sous uniforme allemand avec les forces armées du Troisième Reich durant la Seconde guerre mondiale. Si l’aigle impérial est remplacé par un lion des Flandres (dont la représentation, jusqu’à la langue pendante, semble relever d’un décalque de l’emblème allemand), plaider le caractère fortuit de la ressemblance semble relever de l’aveuglement ou de la mauvaise foi. Enfin, sur les réseaux sociaux, plusieurs supporters ont dénoncé la distribution d’autocollants flanqués de croix celtiques dans les bus qui amenaient les supporters à Liverpool. La croix celtique est un symbole commun à l’ensemble des mouvements d’extrême droite radicale, créée en France en partie pour s’opposer au général De Gaulle et sa croix de Lorraine. C’est également l’emblème des groupuscules néofascistes Ordre Nouveau et Jeune Nation, dont l’histoire est liée à celle du Front National.

Pourquoi la direction du club ne réagit pas ?

Si les DVE sont connus pour être une section de supporters au sein de laquelle évoluent notoirement des membres actifs de l’extrême-droite locale, notamment ceux se revendiquant de la « Losc Army », tous les supporters ne sont pas à mettre dans le même panier. Si ces événements sont aujourd’hui connus, c’est parce qu’à chaque fois, des supporters lillois ont fait connaître leur désapprobation dans les médias ou sur les réseaux sociaux. Mais pourquoi la direction du club détourne-t-elle le regard ? Dans les tribunes, la sidération des supporters peut paraître compréhensible, surtout si l’on considère l’agressivité et le recours à l’intimidation qui caractérise l’extrême droite et ses relais. Après le match à Auxerre, un supporter lillois témoignait dans la Voix du Nord : « Parmi les gars qui ont chanté, franchement, ça ne vole vraiment pas très haut et du coup tout le monde préfère éviter les embrouilles avec ce genre d’individus ».

Pour autant, peut-on laisser cette atmosphère délétère s’emparer de la tribune la plus sonore du stade Pierre Mauroy ? Peut-on laisser l’image du club être associée à l’extrême droite, à l’épisode honteux de la collaboration, au racisme et à l’antisémitisme sans réagir ?

Pour une « marseillaise » lilloise

Tableau de Watteau de Lille représentant le siège de la ville en 1792 par l’armée autrichienne.

A l’heure où nous commémorons la libération du camp d’Auschwitz, nous, supporters du Losc, nous ne devons pas accepter, résignés, la banalisation des manifestations politiques d’extrême droite dans l’enceinte de notre stade, sur le dos de notre club et de nos joueurs. Nous sommes tous des Lillois, d’où que nous venions. A l’image d’un Nabil Bentaleb, international algérien et lillois, né à Wazemmes, prêt littéralement à mettre son cœur sur la table pour reprendre la compétition avec les Dogues. Que peuvent 40 individus égarés face à un tel amour du club et de la ville ?

Nous qui chantons chaque week-end, enorgueillis, que « nous sommes les enfants de la déesse », nous devons nous rappeler que l’identité de la ville de Lille, celle qui est célébrée sur la Grand place, c’est celui de l’héritage révolutionnaire et républicain de 1792. Celui de la résistance à la contre-révolution, celui de la défense de la toute première république française, celui de l’abolition de l’esclavage de 1794. Un héritage historique autrement plus reluisant que celui du fascisme qui pourtant menace autour de nous.

En octobre 1792, après avoir résisté au siège de la ville par les Autrichiens et alors qu’une partie de la ville a été dévastée, la France entière célébrait le courage de la ville de Lille. Au point que cette marseillaise fut composée :


« Des Brutus de la République
Chantons les exploits généreux,
Chantons leur dévouement civique
Et leur triomphe glorieux ! (bis)
En vain, contre eux, la tyrannie,
Soudoya des titans nouveaux :
Sur une cité de héros,
Que peut d’esclaves la furie ?
Les bombes, les canons, électrisent les cœurs.
Lillois, Lillois ! De la patrie,
Vous êtes les sauveurs ! 
»

Puisque nos voisins lensois ont leur « marseillaise », pourquoi ne pas essayer d’entonner la nôtre ?

Allez le Losc !


Nicolas, enseignant en Histoire-Géographie et supporter du Losc

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