
Réponse populaire à une Premier League gentrifiée, aseptisée et de plus en plus tournée vers des touristes prêts à dépenser de grosses sommes, le football amateur a le vent en poupe. Un football qui, par ses prix abordables et ses valeurs communautaires, porte des gages d’authenticité.
Il existe un football réellement populaire. Plus qu’un vestige d’un monde révolu, ce football prend forme aussi comme une aspiration, un cri du cœur pour le futur. Alors que le football d’élite tourne les talons de façon ostentatoire aux supporters les plus précaires, le monde amateur et sa multitude de clubs locaux peuvent devenir un refuge où vivre sa passion. L’Angleterre nous en donne un exemple vibrant. Dans son édito de mars 2025, When Saturday Comes soutient que “l’intérêt du public pour le football semi-professionnel n’a jamais été aussi grand“.
Pour se donner un point de repère, avec 23 000 spectateurs par match en moyenne lors de la saison 2023/24, l’affluence de Championship (D2) a plus que doublé en 30 ans, pendant que celles des League One (D3) et League Two (D4) ont augmenté de 50%. Le taux de remplissage des stades des quatre principales divisions ne diminue donc pas. Mais, si le regain d’attrait pour les tribunes du football amateur ne s’inscrit pas dans un contexte de désertion du football moderne, il répond à l’érosion de plus en plus marquée du lien avec les communautés historiques de fans.
Macclesfield FC, Dulwich Hamlet, FC United
Le magazine a observé les affluences des quatre groupes de 7e division qui permettent de se faire une bonne idée de la popularité des matchs dans les ligues mineures locales. Loin d’un monde confidentiel, une quinzaine de clubs affichent ainsi une affluence moyenne dépassant les 1000 supporters par match, à domicile. Club le plus suivi à ce niveau, le Macclesfield FC – qui renaît d’une faillite après avoir évolué jusqu’en 3e division – flirte même avec la barre des 3000. Derrière, l’emblématique club londonien de Dulwich Hamlet, qui évolue en Isthmian League, dépasse lui les 2400.
Le FC United of Manchester – connu comme le modèle de club géré par ses supporters – voit en moyenne 1500 personnes assister à ses matchs à Broadhurst Park. Créé en 2005 par des fans de Man Utd hostiles au rachat du club par les Glazer et plus largement aux dérives du foot business, le FCUM a réussi à créer un engouement populaire qui continue de se vérifier chaque semaine. Parmi les autres clubs du 7e niveau à attirer les foules, citons Chatham Town, Kettering Town, Horsham, Dover Athletic, Dartford, Hastings United, Telford United, Halesowen Town, l’AFC Totton, Merthyr Town et Gloucester City.
Retour aux sources, l’âme du football
En D8, le petit club d’Hednesford Town atteint également une moyenne de 1240 spectateurs par match à domicile. Enfin, les protagonistes du plus vieux derby de l’histoire du football, le Sheffield FC et le Hallam FC, respectivement en 8e et 9e division, se sont retrouvés au Sandygate, en 1/4 de finale de la Sheffield and Hallamshire Cup, devant près de 1500 personnes. De nombreux supporters de Sheffield Wednesday et de Sheffield United étaient présents pour encourager les deux clubs amateurs qui ne s’étaient pas rencontrés depuis plus de dix ans.
Signe que les passionnés sont en recherche de cette authenticité un peu partout, cette popularité est répartie de façon assez uniforme dans le pays. Il faut voir plus loin que la possibilité d’une “expérience” non-marchande vécue au stade qui pourrait séduire les hipsters. Il s’agit aussi d’une forme de résistance au football moderne. Ces clubs maintiennent en vie le lien affectif avec le club local et le sentiment d’appartenance face au modèle consumériste de la Premier League. Un retour aux sources, aux racines d’un football qui assume d’exister dans les profondeurs des ligues amateurs pour conserver son âme.
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