
Torre-Pacheco, ville de 40 000 habitants, située dans la province de Murcie, a connu trois nuits de “chasse aux étrangers”, visant en particulier les personnes d’origine maghrébines. Face à ces violences racistes, le monde du football s’est distingué par son silence. Héctor Bellerín et Borja Iglesias sont les seuls joueurs à avoir pris position.
Tout est parti de l’agression d’un homme de 68 ans dans la rue. Ce dernier a accusé trois jeunes d’origine nord-africaine, qui ont été arrêtés dans la foulée. Mais pour l’extrême droite identitaire, l’occasion d’instrumentaliser ce fait divers – comme pour l’affaire de Crépol en France – était trop belle. Sous couvert de “patrouilles citoyennes”, les nervis identitaires de Deport Them Now se sont livrés à des ratonnades visant les immigrés résidant dans le quartier de San Antonio. Beaucoup des participants à ces violences racistes ont été identifiés comme venant de l’extérieur de Torre-Pacheco.
En réponse, de nombreuses manifestations antifascistes et antiracistes ont été organisées à Alicante ou à Murcie, à l’appel de collectifs, d’associations et de partis de gauche. La Escuela de Fútbol de Torre-Pacheco qui accueille plus de 600 jeunes, dont une bonne partie d’origine maghrébine, a pour sa part fait savoir qu’elle exclurait tous les joueurs impliqués dans les violences. Les seuls footballeurs connus à avoir pris publiquement position sont Héctor Bellerín et Borja Iglesias. Une prise de parole qui contraste avec le silence assourdissant du monde du football professionnel espagnol.
“Bois de l’eau et ne sois pas un raciste de merde!”
Sur ses réseaux sociaux, Bellerín a replacé les violences de Torre-Pacheco dans un contexte raciste et islamophobe plus large en Espagne, marqué par le meurtre d’Abderrahim par un policier hors service et les attaques contre des mosquées ou des centres d’accueil pour mineurs migrants. Il évoque un racisme structurel et historique visant spécifiquement la population d’origine maghrébine. Dans une story Instagram, Borja Iglesias – prêté la saison passée au Celta Vigo – a partagé un visuel humoristique avec l’avertissement de saison: “N’oublie pas: bois de l’eau et ne sois pas un raciste de merde!”
Pas surprenant de retrouver dans ce registre les deux joueurs, appartenant encore au Bétis Séville, qui avaient appelé à faire barrage à Vox lors des élections 2023. La réaction d’Héctor Bellerín et Borja Iglesias s’inscrit dans un engagement progressiste plus large contre les discriminations. Avec Aitor Ruibal et Sergio Camello, ils sont montés au créneau pour dénoncer la place de la masculinité toxique dans le football. Borja Iglesias a déclaré préféré rater des sponsors plutôt que de se taire face à l’injustice et a renoncé à la Roja après le baiser forcé de Rubiales à Jenny Hermoso.
Héctor Bellerín et Borja Iglesias sont des voix beaucoup trop rares dans le football moderne. “Si je ne m’exprime pas, qui le fera?”, a déjà déploré Bellerín par le passé. Il avait alors pointé du doigt la responsabilité des footballeurs face aux questions sociales et sociétales; sur l’importance en tant que figures publiques de ne pas détourner le regard. Quand les Pepe Reina, Álvaro González, Roberto Soldado ou Dani Carvajal ne masquent pas leur soutien à Vox, les voix d’Héctor Bellerín et Borja Iglesias méritent beaucoup plus d’écho.
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