Reprise de la L1: le point sur les groupes qui boycottent le retour en tribunes en raison du Pass Sanitaire

A mesure que la reprise du championnat approchait on a commencé à y voir plus clair sur l’avis des groupes de supporters sur le Pass Sanitaire pour entrer dans les stades. Comme dans le reste de la société, le fait d’accepter de se soumettre à cette mesure sécuritaire a fait débat. Les groupes qui ont maintenu une ligne combattive sont minoritaires.

Les groupes ultras montpelliérains avaient dégainé les premiers. Une dizaine de jours après l’annonce du président Macron sur la mise en place du Pass Sanitaire, la Butte Paillade et les Armata Ultras signaient un communiqué commun dans lequel ils exprimaient leur refus de se plier à cette mesure liberticide, et donc qu’ils renonçaient à revenir au stade en l’état. “Le Pass Sanitaire réunit à lui seul les différentes dérives que nous avons combattues au fil des années: restriction à la liberté d’aller et venir, fichage, identification numérique, surveillance de masse. Nous qui n’avons jamais accepté de présenter une pièce d’identité pour entrer dans un Stade, comment accepter de telles mesures d’identification et de classement des personnes?

Le Pass Sanitaire, cheval de Troie du contrôle d’identité et du billet nominatif ?

Les autres groupes ont tardé à se positionner, beaucoup se sont même contenter de messages sur leurs réseaux sociaux pour se féliciter du retour au stade, jugeant qu’un refus du Pass Sanitaire était un combat idéologique qui n’avait pas sa place en tribunes. Seize mois de privation de stade en raison du contexte sanitaire sont certes passés par là. Et il est vrai qu’il n’y a plus ni jauges, ni distanciation, ni port du masque obligatoire. Mais est-ce suffisant pour accepter les conditions imposées par le Pass Sanitaire et renoncer au combat majeur contre le fichage dans les stades?

Car c’est le nœud du problème posé par cette mesure. En réalité, la majorité des groupes opposés au Pass Sanitaire ne se positionnent ni sur la question des vaccins – évitant le piège du débat stérile pro et anti-vax – ni sur la gestion gouvernementale de la crise. Ils en reviennent à la question des contrôles des identités liées au QR Code du Pass Sanitaire. “Nous qui n’avons jamais accepté de présenter une pièce d’identité pour entrer dans un Stade, comment accepter de telles mesures d’identification et de classement des personnes?” posent les ultras pailladins. Les Green Angels de Saint-Etienne soulignent quant à eux les multiples incertitudes entourant cette mesure, notamment “l’absence totale de contrôle des données collectées dans le cadre de la présentation du Pass Sanitaire.” Et le groupe messin de la Horda Frénétik précise son opposition à la mise en place “de tout contrôle d’identité ou d’information personnelle de santé, numérique ou non, pouvant entraver la libre circulation et l’accès à un lieu sportif ou de loisirs.”

Le Pass Sanitaire s’ajoute à l’arsenal répressif ordinaire

La plupart des groupes ultras qui boycotteront le retour au stade, n’ont pas attendu l’épidémie de Covid-19 et le Pass Sanitaire pour lutter contre la répression des tribunes. Ils ne manquent pas d’ailleurs de replacer le refus du Pass Sanitaire dans la lignée des combats emblématiques contre l’arbitraire des préfets, et contre toutes les mesures sécuritaires visant les supporters. “Depuis de trop nombreuses années, nous subissons de plein fouet une répression exacerbée où tous les prétextes et tous les moyens sont bons pour nous ficher, nous encadrer, nous interdire, nous restreindre.” rappelle la Brigade Loire nantaise. Des interdictions ou restrictions de déplacements, aux interdictions de stade, juridiques, administratives ou commerciales, l’arsenal répressif est déjà bien garni. Sans parler du recours à la reconnaissance faciale dont l’ombre plane sur les stades.

Parfois présenté comme une condition pour un retour “à la normale” dans les stades, voire un moyen d’éviter les jauges, on voit déjà que le Pass Sanitaire n’empêchera pas la répression ordinaire de reprendre son cours. Pour la 1ère journée de Ligue 1, certaines préfectures se sont rappelées au bon souvenir des supporters avec la publication des habituels arrêtés. Pass Sanitaire ou jauge? A Montpellier, il y aura les deux. Pour la réception de l’OM, bien que les ultras resteront à l’extérieur, la capacité de la Mosson sera limitée à 13 500 places (au lieu de 22 000) et 300 supporters visiteurs en parcage, pas un de plus. Tandis qu’à Rennes, dans son délire d’aseptisation, la préfecture d’Ille-et-Vilaine a publié un arrêté fermant les terrasses à proximité du stade et interdisant de consommer de la nourriture sur la voie publique.

Au pays de la disquette des exceptions qui deviennent normes

Les différents groupes mobilisés ne connaissent que trop bien le refrain de la petite mesure “exceptionnelle” qui devient rapidement la norme. “Ces dernières années, nous avons bien trop souvent gouté aux mesures présentées comme utiles à tous, et cachant en réalité des intérêts économiques ou sécuritaires.” appuie les ultras messins. Avec le Pass Sanitaire, le risque d’une dérive est trop évident. “Nous avons la conviction qu’accepter aujourd’hui le Pass Sanitaire au stade, c’est peut-être accepter la généralisation des billetteries nominatives demain. La conviction que prendre le risque aujourd’hui d’accepter que les préfectures puissent décider de nouvelles mesures répressives sans aucun garde-fou, c’est prendre le risque de voir nos tribunes populaires disparaître demain.”

Même son de cloche côté des groupes pailladins, très méfiants. Ils ne croient au caractère temporaire du dispositif:  “Soyons réalistes, de telles mesures, si elles sont adoubées par la masse, ne seront jamais remises en question et seront considérées comme une nouvelle norme pour des décennies.” Malgré la longue période passée loin des stades ils n’ont pas zappé la capacité du pouvoir à faire des ultras des rats de laboratoire pour expérimenter leurs nouveautés sécuritaires. “Comment pourrions-nous considérer l’usage du Pass Sanitaire comme un simple effort citoyen dans la mesure où, en tant que supporters, nous sommes gérés comme des sous-citoyens dans une indifférence quasi générale?” pointe la Brigade Loire.

A la différence près que cette fois-ci, le Pass Sanitaire ne sera pas une exclusivité des supporters et que sa contestation va bien au-delà du monde des tribunes. Minoritaires dans le monde hétérogène des ultras, les Nantais, les Stéphanois, les Montpelliérains et les Messins – auxquels il faut ajouter les Lyonnais – peuvent compter cette fois-ci sur une partie de l’opinion et des manifestants, même si les discours sont parfois plus confus que celui venu des tribunes.

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