Santé mentale des jeunes footballeurs en Angleterre: vers une prise de conscience ?

En septembre dernier, la British Psychological Society (BPS) interpelait les instances du football anglais et écossais sur l’indispensable accompagnement psychologique des jeunes footballeurs, notamment ceux qui ne sont pas conservés par les centres de formation. 

En Angleterre aussi, la réalité chiffrée de la sélection est alarmante: selon une étude de The Athletic, seuls 0,5 % des joueurs intégrant une académie poursuivent une carrière professionnelle. Les conséquences de ce jeu de massacre sur les joueurs non conservés peuvent être dramatiques: détresse psychologique, conduite à risque, anxiété, automutilation ou suicide. La BPS, et c’est une première, demande que l’accompagnement psychologique devienne obligatoire dans toutes les académies des clubs professionnels. Une demande qui concerne aussi les jeunes filles, guettées par les mêmes maux au vu popularité grandissante du football féminin.

Si des clubs commencent à prendre cette question au sérieux, la préparation des jeunes joueurs à une vie en dehors du football professionnel reste très insuffisante. Aujourd’hui reconverti psychologue, l’international nord-irlandais Johnny Gorman fait aussi partie des voix qui s’élèvent pour alerter sur le choc traversé par ces jeunes “contraints de se réinventer après avoir été définis uniquement comme footballeurs”. Partageant ce constat, la BPS appelle à un investissement coordonné des différentes instances – Football Association (FA), Premier League (PL) et English Football League (EFL) – pour financer l’embauche de psychologues, notamment dans les clubs des divisions inférieures.

Un accompagnement psychologique indispensable 

La BPS s’est notamment associée à Dominic Ball – passé par les centres de formation de Watford et Tottenham – pour sensibiliser à la détresse rencontrée par certains de ces jeunes joueurs. Le témoignage de l’actuel milieu de terrain de Cambridge United est précieux: “Le football est un sport très difficile. Bien sûr, il est très gratifiant, mais il y a aussi de vrais bas. On peut se blesser, être loin de chez soi, ou ne pas bien s’entraîner. C’est très dur à vivre pour un jeune joueur qui n’est pas encore mûr sur le plan personnel. Si vous avez entre 15 et 19 ans, qu’on vous dit que vous n’êtes pas assez bon et que votre rêve est terminé, cela peut être vraiment traumatisant.”

Dom Ball, aussi passé par Aberdeen, Q.P.R ou Ipswich, est l’auteur du livre From Winning Teams to Broken Dreams qui retrace le parcours de formation de six amis unis par leur rêve de Premier League. L’intégralité des droits d’auteur sont reversés à l’association Sarcoma UK, en hommage à Spencer McCall, l’un des garçons de l’ouvrage, décédé l’an dernier à 26 ans des suites d’un cancer osseux.

Formé à Chelsea, Charlie Wakefield – qui a réalisé en 2022 le documentaire Man Up sur la santé mentale dans le football – soutient aussi l’initiative de la BPS. Sa carrière lui a permis de constater d’importants manques en matière de santé mentale. “Trop de jeunes ont tragiquement mis fin à leurs jours après avoir été libérés, sans réel système de soutien pour les aider à faire face. Cela seul devrait suffire à montrer qu’il faut agir”, explique-t-il. Le football anglais reste profondément marqué par le suicide du jeune Jeremy Wisten en 2020, après avoir été “libéré” par l’académie de Manchester City. Cette tragédie a été un signal d’alarme pour la Premier League.

Crystal Palace, un programme pionnier

Beaucoup de ces footballeurs en formation sacrifient leur jeunesse dans le but d’atteindre ce rêve de devenir pro. Ils évoluent dans un vase clos hyper concurrentiel où la fragilité psychologique est éliminatoire. Les clubs de Premier League ont pris des engagements et ont des programmes pour préparer l’après-carrière. Le travail précoce de prévention à grande échelle et l’accompagnement des joueurs qui n’ont pas été conservés sont les grands chantiers qui attendent les clubs anglais. Il ne faut pas être naïf, les clubs y ont aussi un intérêt réel en terme d’image, de réputation et d’attractivité de leur centre de formation.

Crystal Palace a été le premier club à mettre en place en 2022 un programme de suivi spécifique pour les joueurs âgés de 18 à 23 ans, non conservés. Il s’appuie sur la mise à disposition d’un “Player Care Officer”, chargé de rester en contact avec les joueurs et les aider à trouver de nouvelles opportunités : un nouveau club, un emploi ou une formation. Dominic Ball milite en ce sens. “C’est un devoir moral”, appuie-a-t-il. La transition avec le retour à une vie “ordinaire” peut s’avérer très difficile à encaisser. Selon lui l’accompagnement doit se prolonger jusqu’à ce que ces jeunes footballeurs “soient bien intégrés dans leur nouvelle vie”.

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