Soutenir le peuple palestinien à St. Pauli: le chemin de croix de Jackson Irvine

Pris dans une polémique suite à la publication d’une photo où il pose avec un maillot pro-palestinien, Jackson Irvine a pris la parole. Accusé d’antisémitisme, le capitaine de St. Pauli – dont une part importante de la fanbase défend aveuglément Israël – illustre comment la moindre expression de solidarité envers la Palestine y est traquée.

Depuis Flachau en Autriche, où le FC St. Pauli est en stage de pré-saison, Jackson Irvine a enfin pu répondre aux accusations gratuites d’antisémitisme dont il est la cible par des supporters du club dont il porte le maillot depuis 2021. Il est apparu affecté, mais soulagé de pouvoir s’exprimer face à la mécanique habituelle qui cherche à discréditer les voix qui dénoncent le génocide en cours depuis octobre 2023 à Gaza. A St. Pauli, qui a longtemps surfé sur l’image d’un club rebelle et antifasciste, il ne fait pas bon défendre la libération de la Palestine.

Plusieurs fanclubs internationaux ont depuis tourné le dos au club et se sont dissouts. Au sein d’une communauté, à l’image des ultras USP, gangrénée par la mentalité “antideutsch”, l’accusation d’antisémitisme commence à la moindre critique du colonialisme israélien en Palestine. Capitaine apprécié de St. Pauli, Jackson Irvine n’y a pas échappé non plus. “J’ai trouvé profondément insultant et blessant qu’on me stigmatise ainsi. Je n’ai jamais rien fait dans ma vie, ni dans ce club, qui soit discriminatoire ou haineux envers quiconque. J’ai toujours placé l’humanité avant tout.

“Une modeste façon d’attirer l’attention”

Il aura suffi d’un cliché, publié en “story” sur les réseaux sociaux, avec un maillot griffé “FC Palestine”, pour le voir passer d’icône à paria aux yeux de la frange la plus radicalisée des fans de St. Pauli. Sur ce fameux maillot, la Palestine est représentée avec les frontières d’avant 1948. Et voilà Irvine accusé de cautionner la négation de l’existence de l’État hébreu. Illustration d’un climat qui reste étouffant autour de St. Pauli, malgré l’évidence du génocide des Palestiniens. Le bilan atteint 60 000 morts, la quasi totalité des hôpitaux détruits ou endommagés et un blocus sur l’aide humanitaire qui mène à la famine.

Mon intention était d’exprimer ma solidarité avec la population palestinienne, en particulier à Gaza, qui subit des atrocités indescriptibles. Ce n’était qu’une façon modeste d’attirer l’attention”, s’est défendu l’international australien. Le blog MillernTon lui reproche de ne pas s’être dissocié clairement de toute remise en cause du droit d’Israël à exister et préfère commenter ce qu’il n’a pas dit. “Il aurait pu exprimer des regrets si ce geste avait blessé quelqu’un, mais il ne l’a pas fait”, lit-on dans l’article qui se veut nuancé, qualifiant pudiquement ce qui se passe à Gaza de “difficile à supporter”.

Au vu des difficultés à critiquer Israël à St. Pauli, il était prévisible que la prise de position symbolique d’Irvine provoquerait des réactions. Comme le rappelle le média italien Pallonate in Faccia, les premières initiatives publiques de Jackson Irvine sur la situation en Palestine remontent pourtant à novembre 2023. Il avait alors été l’un des initiateurs d’une cagnotte des joueurs de la sélection australienne destinée à l’ONG Oxfam pour soutenir l’aide humanitaire destinée à la population gazaouie.

La mort de civils est une tragédie dans tout conflit, et c’est cela qui doit primer dans le débat”, avait-il déjà expliqué à ESPN. Jackson Irvine avait aussi exprimé sa solidarité envers les footballeurs palestiniens, la veille de les affronter avec l’Australie dans un match de qualification pour la Coupe du Monde. “Par la suite, le capitaine de St. Pauli a continué à se positionner publiquement en faveur de la Palestine sur ses réseaux sociaux (la dernière fois en décembre), tout comme deux autres joueurs du club hambourgeois, Dapo Afolayan et Elias Saad”, précise encore Pallonate in Faccia.

“Show Israël the Red Card!”

De la défense des droits des LGBTQ+ au soutien à Black Lives Matter, en passant par son rejet affirmé des populismes de droite, Irvine est un footballeur atypique. Mais à croire que, pour rester une idole à St. Pauli, il faille s’interdire de critiquer Israël. Dans ce décor particulier, le joueur peut compter sur les rares voix critiques qui s’y font entendre, autour du compte Instagram “fcsp.4.falastin”. Des banderoles sont aussi apparues en tribune latérale en écho à la campagne “Show Israël the Red Card”, demandant aux instances d’exclure les clubs israéliens des compétitions continentales, sur le modèle du sort réservé aux clubs russes.

Jackson Irvine ne va même pas jusque là. Lors de sa prise de parole, il s’est déclaré “content que la tempête soit en partie passée”. Mais pour MillernTon qui se fait le relais des supporters, “tant qu’il ne prendra pas explicitement ses distances avec ce qui lui vaut les accusations d’antisémitisme, cette affaire ne sera pas close, ni pour lui, ni pour le FC St. Pauli.” Leur histoire commune va-t-elle pouvoir continuer à s’écrire dans ces conditions?

Édito n°73

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