En 2016, les auteurs brestois Bertrand Galic et Kris, accompagnés du dessinateur Javi Rey, sortaient un bel ouvrage sur une page de l’histoire de la lutte pour l‘indépendance de l’Algérie: l’équipe de football du FLN, première sélection nationale algérienne, appelé aussi le « Onze de l’indépendance ». Le mérite d’Un maillot pour l’Algérie (éd. Dupuis / collection “Aire Libre”) est de rendre cette page d’histoire un peu plus accessible.
Cet épisode historique est souvent présenté en France à travers l’histoire singulière de Rachid Mekhloufi. Mais il s’agit bien d’une épopée collective. Le documentaire Les Rebelles du foot, dont un numéro a été consacré à Rachid Mekhloufi, a été une des sources des auteurs qui ont aussi fait du stéphanois originaire de Sétif leur acteur principal. Malgré ce travers scénaristique, Un maillot pour l’Algérie est l’occasion de revenir sur ce collectif de sportifs de haut niveau qui plaquèrent avec fracas leur quotidien privilégié de footballeur professionnel en France, et qui mirent leur talent au service de la cause indépendantiste. On peut ainsi y trouver un petit focus sur Abdelhamid Kermali, joueur de l’OL, formé comme Rachid Mekhloufi à l’USM Sétif, club qui évolue aujourd’hui en Ligue Inter-Régions (4e niveau du football algérien). Mais finalement, assez peu des 32 joueurs – même des dix pionniers – ont droit à cet égard.
Si l’histoire semble situer l’origine de l’équipe du FLN durant la Bataille d’Alger, les auteurs de la BD prennent un autre point de départ historique : la manifestation anticolonialiste du 8 mai 1945 à Sétif, ville de naissance de Rachid Mekhloufi, considérée – avec celles de Guelma et Kherrata – comme le point de départ de la Guerre d’Algérie par nombre d’historiens dont Mohamed Harbi. Ces manifestations, appelées par le Parti du Peuple Algérien (PPA) de Messali Hadj, leader nationaliste en résidence surveillée à Brazzaville.
Meilleurs seconds rôles
Traiter du « Onze de l’Indépendance » aurait été la bonne occasion de mettre en avant d’autres profils tout aussi important de cette épopée. Même si on découvre aussi à travers ce livre les visages d’Amar Rouaï, Abderrahmane Boubekeur ou encore Mustapha Zitouni, on aurait aimé qu’ils soient moins effleurés. Et surtout, un personnage comme Abdelaziz Ben Tifour, autre présélectionné pour le mondial 58, aurait mérité d’être plus fouillé. Seul joueur de l’équipe à être militant du FLN, pour qui il collectait l’impôt et passait les recettes, son rôle a été essentiel dans la constitution de l’équipe. Il méritait bien mieux que le rôle de second couteau qui lui est attribué dans la BD.
Un maillot pour l’Algérie reste néanmoins une entrée sérieuse sur le sujet, peignant bien le sacrifice et les doutes de ces joueurs. Ce qui en fait une des rares bandes dessinées de qualité sur le football. C’est une lecture à compléter par la bibliographie de référence sur le « Onze de l’indépendance » : L’indépendance comme seul but de Kader Abderrahim et Dribbleurs de l’indépendance du journaliste Michel Nait-Challal tous deux sortis en 2008, à l’occasion des 50 ans de cette équipe, ou encore le plus ancien La glorieuse équipe du FLN de Rabah Saadallah et Djamel Benfars.
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