En 1898, des footballeurs anglais créent l’Association Footballers Union (AFU), une première mouture syndicale qui finira en eau de boudin en 1901. Le rapport de force avec le patronat des clubs réuni au sein de la Football League (FL) est alors ultra défavorable aux joueurs. Il faudra attendre 1907 pour revoir une tentative d’organisation.
Les débuts du professionnalisme en Angleterre sont marqués par une domination patronale agressive à l’égard des joueurs. Le système du retain and transfer, instauré dès 1893, les lie pieds et poings à leur club. Le pouvoir des dirigeants se traduit aussi par l’officialisation d’un salaire maximum. Face à cette situation les joueurs peinent à s’organiser. Ce n’est que le 2 décembre 1907 que naît l’Association Football Players’ and Trainers’ Union (AFPTU), syndicat des footballeurs professionnels, à l’Imperial Hotel de Manchester. C’est la deuxième tentative concrète d’organisation syndicale regroupant les footballeurs, après l’AFU lancée en 1898 qui a périclité à cause de l’individualisme de certains de ses leaders. Comme tout syndicat, l’AFPTU se pose comme un outil de défense des intérêts des travailleurs. Pour les footballeurs anglais, cela s’avère plus que nécessaire face à la toute puissance des instances bourgeoises que sont la Football Association (FA) et la Football League (FL).
Le syndicat dont la première réunion a été présidée par Billy Meredith, revendique la fin du plafonnement salarial – fixé à £4 par semaine – et du retain and transfer. L’épicentre de l’AFPTU va être Manchester United et le noyau dur se regrouper autour des charismatiques Billy Meredith et Charlie Roberts. S’il est un syndicaliste combatif, Meredith n’en est pas moins une star du football de l’époque. Cette notoriété pèse nécessairement dans le rapport de force avec les instances. En 1904, il avait été nommé joueur le plus populaire du championnat par l’hebdomadaire sportif Umpire. Un statut qui apporte du crédit quand il s’agit de porter devant la presse la réalité des conditions d’exploitation des joueurs professionnels, et de la gouvernance autocratique des propriétaires de clubs. Mais cela ne l’empêche pas d’être la cible de sanctions disciplinaires récurrentes de la part de son club, comme le rappelle l’historien Claude Boli. A l’initiative de Charlie Roberts, l’AFPTU va s’appuyer sur la presse, invitée à venir rencontrer une partie des membres du syndicat, pour donner de l’écho à la cause des footballeurs.
Le patronat des clubs perçoit très vite cette initiative comme une menace mettant en cause sa domination. A la pointe de la répression, on retrouve le président de la Football League, John Bentley, accessoirement éditorialiste de l’hebdomadaire Football Chat. Au début de l’été 1909, sur fond d’affaire « George Parsonage », les instances mettent la pression sur les joueurs syndiqués. Ils les menacent de sanctions individuelles et de rupture de contrat s’ils ne quittent pas le syndicat. Ces menaces contribuent à affaiblir le mouvement syndical. la FA tente de porter le coup de grâce à l’AFPTU en posant un ultimatum au 1er juillet à l’intégralité des joueurs syndiqués. En réponse, l’AFPTU prévoit de se rapprocher de la confédération ouvrière, la General Federation of Trade Unions (GFTU), pour y trouver un appui. Plusieurs joueurs, dont l’ensemble de l’équipe d’Aston Villa, quittent le navire de peur de la répression. A l’inverse, l’intégralité des effectifs de Manchester United et de Sunderland refusent de courber l’échine.
Bien que suspendus par leur club, les joueurs rebelles continuent de s’entraîner ensemble. C’est à l’occasion d’une de ces sessions qu’un photographe a immortalisé leur combat, avec un cliché où ils posent avec une pancarte – réalisée par Roberts – sur laquelle est inscrit “The Outcasts FC”, les Parias Football Club. Des négociations menées par le joueur de Newcastle, et membre influent du syndicat, Colin Veitch, aboutiront à la réintégration des joueurs. Mais ce sont bien les instances fédérales qui sont sorties victorieuses du bras de fer. Le principe du salaire maximum et le système du retain and transfer n’ont pas été remis en question.
Sources: « Le premier syndicat de joueurs » par Claude Boli à lire sur “We are Football”.

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