Dès 1893, des footballeurs anglais créent l’Association Footballers Union (AFU), une première mouture syndicale qui finira en eau de boudin en 1901. Le rapport de force avec le patronat des clubs réuni au sein de la Football League (FL) est alors ultra défavorable aux joueurs.
Les débuts du professionnalisme en Angleterre sont marqués par une domination patronale agressive à l’égard des joueurs. Le système du retain and transfer, instauré en 1893, les lie pieds et poings à leur club. Cette domination des dirigeants se traduit aussi par l’instauration officielle d’un salaire maximum. Face à cette situation les joueurs peinent un peu à s’organiser. Ce 2 décembre 1907, à l’Imperial Hotel de Manchester, naît l’Association Football Players’ and Trainers’ Union, syndicat des footballeurs professionnels. C’est la deuxième tentative concrète d’organisation syndicale regroupant les footballeurs après l’AFU lancée en 1898, mais qui périclita à cause de l’individualisme de certains de ses leaders. Comme tout syndicat, l’Association Football Players’ Union se pose comme un outil de défense des intérêts des travailleurs. Concernant les footballeurs anglais, cela s’avère plus que nécessaire face à la toute puissance des instances gouvernantes bourgeoises que sont la Football Association (FA) et la Football League (FL).
La première réunion du syndicat a été présidée par Billy Meredith. Sur le plan des revendications, il s’agit toujours d’en finir avec le plafonnement salarial à £4 par semaine et le système du retain and transfer. L’épicentre de l’AFPTU va être Manchester United et le noyau dur du syndicat se regrouper autour des figures charismatiques, Billy Meredith et Charlie Roberts. L’attaquant gallois Billy Meredith, s’il est un syndicaliste combatif, n’en est pas moins une star du football anglais de l’époque. Et cette notoriété pèse nécessairement dans le rapport de force avec les instances. En 1904, il avait été nommé joueur le plus populaire du championnat par l’hebdomadaire sportif Umpire. Son statut apporte du crédit quand il s’agit de porter sur la scène médiatique la réalité des conditions d’exploitation des joueurs professionnels, et mode de gouvernance autocratique des propriétaires de clubs. Lui-même étant souvent la cible de sanctions disciplinaires de la part de son club, comme le rappelle l’historien Claude Boli. L’AFPTU, à l’initiative de Charlie Roberts, va s’appuyer sur la presse pour donner de l’écho à la cause des footballeurs. Les médias sont invités à venir rencontrer une partie des membres du syndicat.
Le patronat des clubs perçoit très vite cette initiative comme une menace mettant en cause sa domination. A la pointe de la répression syndicale on retrouve le président de la Football League, John Bentley, accessoirement éditorialiste de l’hebdomadaire Football Chat. En 1909, soit deux ans après la naissance du syndicat, les instances mettent la pression sur les joueurs syndiqués. Ils les menacent de sanctions individuelles et de rupture de contrat s’ils ne quittent pas le syndicat. En réponse, l’AFPTU prévoit de se rapprocher de la confédération ouvrière, la General Federation of Trade Unions (GFTU), pour y trouver un appui. De nombreux joueurs cèdent au chantage et démissionnent, mais pas tous. Héroïquement, toute l’équipe de Manchester United a refusé de courber l’échine. Bien que suspendus par le club, les joueurs rebelles continuent de s’entraîner ensemble. C’est à l’occasion d’une de ces sessions qu’un photographe a immortalisé ce combat des joueurs posant avec une pancarte réalisée par Roberts sur laquelle est inscrit “The Outcasts FC”, les Parias Football Club.
Ces menaces contribuent à affaiblir le mouvement syndicale. Au début de l’été 1909, sur fond d’affaire « George Parsonage », la FA tente de porter le coup de grâce à l’AFPTU en sommant l’intégralité des joueurs syndiqués de démissionner sous peine de suspension. Posant un ultimatum au 1er juillet. Plusieurs joueurs, dont l’ensemble de l’équipe d’Aston Villa, quittent le navire de peur de la répression. A l’inverse, l’intégralité des effectifs de Manchester United et de Sunderland refusent. Tous les joueurs seront suspendus. Des négociations menées par le joueur de Newcastle, et membre influent du syndicat, Colin Veitch, aboutiront à la réintégration des joueurs. Mais ce sont bien les instances fédérales qui sortirent victorieuses du bras de fer. Le principe du salaire maximum et le système du retain and transfer ne furent pas remis en question.
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Sources: « Le premier syndicat de joueurs » par Claude Boli à lire sur We are Football.
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