Dans les stades comme ailleurs, non à la reconnaissance faciale !

Le stade est utilisé comme un laboratoire de la répression, a-t-on coutume de répéter avec d’autres. C’est maintenant une idée admise. Pour illustrer cela, quoi de plus explicite que la récente révélation de l’utilisation par le FC Metz de la reconnaissance faciale à l’insu de ses supporters ?

Voilà un énième instrument répressif qui se profile contre les supporters à ajouter à la somme considérable de mesures et de lois répressives en vigueur. Chronique de l’irréconciliable fossé qui ne cesse de se creuser entre les supporters et un pouvoir économique qui leur est toujours plus hostile. Les supporters messins ont découvert comme tout le monde qu’ils ont été les cobayes de cette expérience sécuritaire des plus inquiétantes au détour de l’interview d’Olivier Tesquet, spécialiste des questions numériques, publiée le 21 janvier dernier par le site Streetpress, à l’occasion de la sortie de son livre A la trace, sur les « nouveaux territoires de la surveillance ».

Communiqué de l’ANS | 24.01.2020

Une sortie qui a fait l’effet d’une petite bombe et mis le FC Metz dans de beaux draps, même si tout ça est finalement dans l’air du temps, dans cette période où la répression ne cesse de s’abattre sur celles et ceux qui contestent: des exploités contre la dégradation de leurs conditions de vie, aux supporters contre la restriction de leurs libertés. Dans un communiqué daté du 24 janvier, l’Association Nationale des Supporters (ANS) a vivement réagi, clamant leur refus de « devenir les rats de laboratoire de la reconnaissance faciale » et fustigeant l’attitude du FC Metz.

Il a fallu la publication de cette information pour que le club s’empresse de communiquer, se retranchant derrière le cadre de la loi Larrivé de 2016, dont l’objectif liberticide avait déjà été dénoncé à l’époque par de nombreux groupes de supporters. Embarrassé, le FC Metz reconnaît ainsi avoir eu recours à un système de reconnaissance faciale « uniquement afin de faire respecter les interdictions commerciales de stade », directement délivrées par les clubs qui fichent par ce biais leurs supporters. Le FC Metz, pensant sûrement se mettre à l’abri de toute critique, a évidemment agité l’habituel épouvantail de la lutte anti-terroriste. Ça mange pas de pain. Cherchant aussi à se dédouaner de toute infraction, le club lorrain évoque de « simples tests ». Alors que de toute évidence le club s’est soustrait à « l’analyse d’impact relative à la protection des données ». Préalable à toute expérimentation de ce type, selon la CNIL.

Derrière tout ça, on découvre la discrète start-up messine Two-I qui a donc profité d’un match de Ligue 1 pour tester au stade Saint-Symphorien son système de reconnaissance faciale qu’elle prévoit de monnayer à prix d’or. Un marché juteux pour les marchands de technologies sécuritaires qui marchent main dans la main avec les entreprises du spectacle sportif que sont les clubs professionnels. Le « test » du FC Metz est malheureusement annonciateur d’un développement futur de la reconnaissance faciale dans les stades, en attendant qu’elle s’étende au reste de la société. Roxanna Maracineanu, ministre des Sports, espère d’ailleurs voir se développer cette technologie lors des événements sportifs majeurs organisés en France.

En route vers la société de surveillance numérisée

S’il s’agit d’une première en France, la police du Pays de Galles l’avait testé à grande échelle lors de la finale de la Champions League 2017 à Cardiff. Mises en place en ville et aux abords du stade, les caméras policières avaient scanné plus de 170 000 visages, pour les comparer à une base de données de 500 000 visages. L’expérience avait été un gros bide avec environ 92% d’identifications erronées.

Ne nous trompons pas, l’appétit financier de ces entreprises dépasse largement les tribunes des stades de football. Le contrôle intégral des corps dans l’espace publique est, une fois qu’elles auront forcé les derniers verrous législatifs, leur objectif assumé. Two-I démarche d’ors et déjà des municipalités – l’exemple de Nice est cité – quadrillées de vidéo-surveillance.

Fin décembre, le macroniste Cédric O, secrétaire d’état au numérique, a appelé de ses vœux l’entrée en vigueur de cette technologie en complément de la vidéo-surveillance dans l’espace publique. A l’heure où la police londonienne vient d’annoncer la mise en place d’un système de reconnaissance faciale “en temps réel” dans les rues, la pratique reste pour le moment interdite en France. Pour combien de temps ?

Un pas de plus dans la société de surveillance, dite “panoptique”, décrite par Michel Foucault dans Surveiller et Punir, a néanmoins été franchi. Une société qui fait du principe de tout voir, et finalement tout savoir, un objectif sécuritaire. Ce panoptique, qui a d’abord été pensé comme un modèle de prison par Jeremy Bentham au 18e siècle, est plus communément un principe d’organisation des sociétés modernes et libérales, à la recherche de la plus grande productivité sécuritaire et de la plus grande efficacité dans le maintien de l’ordre bourgeois.

Encore une fois, le peuple des tribunes se retrouve en première ligne pour refuser l’application de dispositifs qui visent à restreindre nos libertés. Hormis l’ANS, les premiers à avoir réagi sont naturellement les ultras messins et leurs homologues stéphanois, par le biais de banderoles, lors de la rencontre les opposant à Saint-Symphorien le 2 février dernier. C’est un nouveau front qui s’ouvre et un combat dans lequel les ultras ne doivent pas restés isolés.

Édito n°18

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