FC St. Pauli: rupture consommée avec plusieurs fanclubs solidaires des Palestiniens

(©Jeuwre / Creative Commons)

Assiste-t-on à la fin d’un certain rayonnement international pour le FC St. Pauli? Les bombardements meurtriers de l’armée israélienne sur la Bande de Gaza, répondant aux atrocités du Hamas, ont sérieusement divisé les fans de ce club réputé pour ses positions de gauche.

Une des forces du FC St. Pauli c’est sa popularité sans pareil à l’échelle internationale pour un club de 2e division. Le modeste club de Hambourg compte plusieurs dizaines de fans-clubs à travers le monde. Le FC St. Pauli a développé cette popularité au début du 21e siècle, bâtie autour d’une image de marque alternative et solidaire et portée par un merchandising plutôt efficace. Le club entretient sa réputation de club de gauche. Mais depuis son soutien officiel manifesté à l’égard de l’état d’Israël dans sa guerre menée contre le peuple palestinien, cet édifice fait face à sa première crise majeure. Il est même probable qu’il soit fissuré pour une longue durée. Après une condamnation logique de l’attaque terroriste perpétrée par le Hamas le 7 octobre, le FC St. Pauli et ses groupes de supporters locaux ont montré une réelle crispation face aux positions pro-palestiniennes de plusieurs de ses fans-clubs étrangers.

Soutenir la cause palestinienne est-il possible à St. Pauli?

Treize d’entre eux ont affirmé leur soutien à la population palestinienne dans une déclaration commune “anti-guerre” publiée dès le 10 octobre. “Nous appelons les deux parties à mettre fin aux combats et à l’oppression, à reprendre les pourparlers de paix et à trouver une solution durable qui garantisse la liberté et la coexistence pacifique d’Israël et de la Palestine.” Des mots simples, et simplement pacifistes, qui ont mis le feu aux poudres au sein de la communauté. Parmi les signataires, se trouvent des groupes notables comme ceux d’Athènes, de Chania, de Liverpool, de Belfast, de Catalogne, de Glasgow ou encore d’Eastbourne. Ils déplorent le silence du FC St. Pauli sur le sort des civils de Gaza, écrasés par les bombardement israéliens. “Nous connaissons et comprenons l’attitude sensible et prudente de la gauche allemande à l’égard d’Israël“, écrivent-ils. Ce n’est en effet pas une surprise. Le rôle des supporters locaux, alignés sur les idées de la gauche radicale pro-israélienne dite “anti-deutsch”, illustre cet irrémédiable clivage mis à jour avec les groupes de fans basés à l’étranger. Pour la section francophone des fans de St. Pauli, “des voix critiques s’élèvent également selon lesquelles le rôle d’Israël dans le conflit, qui couve depuis des décennies, a été banalisé ou n’a pas été pris en compte dans la déclaration“.

Les fans locaux les plus engagés ont martelé leur soutien inconditionnel à Israël. Le 31 octobre dernier, à l’occasion de la réception de Schalke 04 pour le 2e tour de Coupe d’Allemagne, des supporters du FC St. Pauli ont déployé une banderole arborant une étoile de David et l’inscription “Démasquer le populisme de droite – contre tout antisémitisme”. Ils avaient déjà exprimé par des banderoles leurs distances avec les messages pro-palestiniens affichés à Glasgow, où les Ultras Sankt Pauli entretenaient pourtant des liens avec la Green Brigade du Celtic. Au message “De Glasgow à Gaza – combattre l’antisémitisme, Libérer la Palestine du Hamas”. La réplique écossaise n’a pas tardé avec une banderole “Fuck St. Pauli – Libérer Hambourg des hipsters”. Les treize signataires disent ne pas être “à l’aise avec le fait que tous les supporters de St. Pauli soient qualifiés de pro-israéliens. Nous adoptons une position basée sur les valeurs du club. Nous invitons la direction à reconsidérer sa position sur cette question.”

Les groupes étrangers rappelés à l’ordre

Les fan-clubs étrangers non-alignés sur la position officielle du FC St. Pauli ont eu beau condamner avec fermeté “le fondamentalisme religieux, les violations des droits de l’homme et la brutalité indescriptible du régime du Hamas“, ils ont été rappelés à l’ordre. Dans un court communiqué publié le 12 octobre sur le site Fanclubsprecherrat, coordonnant les multiples fans-clubs de St. Pauli, on peut voir à nouveau la mise en garde adressée aux partisans de la résistance palestinienne. “Tout le monde a vu les images du Moyen-Orient et a probablement une opinion sur la question. Nous tenons à préciser que minimiser et légitimer les attaques terroristes du Hamas n’est pas une opinion et est totalement inacceptable. Certains clubs de supporters et leurs déclarations sont déjà très controversés ou ont dépassé les bornes. Nous continuerons à suivre la situation et à évaluer si ces déclarations sont conformes aux valeurs des clubs de supporters officiels du FC St. Pauli. Nous invitons tous les clubs de supporters à réfléchir et, si nécessaire, à supprimer ou à modifier leurs contributions. Les terroristes ne sont pas des victimes et le terrorisme n’est pas une forme légitime de résistance ou de protestation !

Parmi les groupes internationaux, certains ont pris au mot ce communiqué et ont annoncé leur dissolution. Il s’agit encore d’un mouvement marginal, mais les raisons qui motivent ces défections sont suffisamment lourdes pour penser que les conséquences à moyen terme ne seront pas superficielles. Le 16 octobre dernier, dans un texte fleuve intitulé “The end of the road“, c’est le groupe South and Scum d’Athènes qui annonçait stopper ses activités avec effet immédiat. Le groupe grec reproche au FC St. Pauli – qui soutient toutefois l’appel de l’ONG Aktion Deutschland Hilft qui collecte des dons pour les civils – sa “sensibilité sélective”. Il retient deux choses “à extraire de tout ce gâchis“: la facilité avec laquelle les clubs internationaux ont été transformés en une seule entité du jour au lendemain et accusés d’être “une honte pour le club” alors même que de nombreux clubs n’ont pas signé la déclaration commune; la seconde est la capacité qu’ont eu les fans allemands à taxer d’antisémitisme les treize groupes concernés.

Ni Hamas, Ni Netanyahou

La mauvaise foi pro-israélienne impulsée par les groupes de supporters locaux a abouti à ce point de non-retour. Les différents groupes solidaires de la résistance palestinienne ont pourtant bien pris soin de se démarquer de toute ambigüité vis à vis du Hamas, justement pour éviter toute accusation gratuite d’antisémitisme ou toute proximité avec les groupes terroristes. “Nous ne partageons rien de plus avec ces gens que ce que nous partageons avec le régime de Netanyahou. Nous ne sommes pas aux côtés du Hamas, nous le méprisons. Le Hamas n’est que le triste résultat des politiques mises en œuvre sur le territoire palestinien. Nous sommes aux côtés du peuple palestinien, celui qui est à nouveau bombardé avec des bombes au phosphore“. Ce sera insuffisant pour obtenir du club, ne serait-ce qu’une condamnation de l’intervention meurtrière de l’armée israélienne sur la bande de Gaza. Le FC St. Pauli s’est contenté de déplorer une situation humanitaire “catastrophique” à Gaza. S’il affirme pleurer les victimes “quelle que soit leur nationalité“, il esquive le caractère asymétrique de cette guerre et relativise les abominations de Tsahal. “Il y a des milliers de morts et de blessés des deux côtés, dont de nombreux civils“.

A lire: Derrière le soutien de certains groupes ultras allemands à Israël

Volonté de l’écrasante majorité de ses membres, le fan-club athénien du FCSP s’est officiellement dissout après 16 ans d’existence. Traités de “sympathisants du terrorisme” ou d’antisémites par certains de leurs camarades allemands de St. Pauli, d’autres groupes ont fait de même. Le 20 octobre, c’est le fan-club de Chania en Crête qui a pour sa part annoncé “suspendre temporairement ses activités”. Début novembre, six ans après sa création, la section de Bilbao a annoncé à son tour cesser ses activités. Conséquence des attaques virulentes des fans allemands du club et de l’impossibilité de faire exister une position solidaire de la résistance du peuple palestinien. “S’il ne peut y avoir qu’un camp et une seule version des événements, ignorant le meurtre indiscriminé de civils, l’apartheid, l’occupation et la colonisation des territoires palestiniens, nous sommes arrivés à la conclusion que nous ne sommes définitivement pas à notre place“, écrivent les fans basques. Certains se déclaraient curieux de voir l’évolution des relations du club, et de sa scène de fans de locaux, avec les groupes de supporters internationaux restants.

 

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