Il fut un temps au Brésil, le président publia un décret dit « de blancheur », interdisant aux joueurs de couleur de jouer en équipe nationale. C’était en 1921. Les récentes arrivées au pouvoir de Bolsonaro ou de Salvini, nous incite à prendre très au sérieux tous ces gus fascisants, comme le capitalisme en crise sait en produire, ragaillardis par le climat actuel où sont exaltées les questions identitaires et l’hostilité à l’égard des immigrés de partout.
La France n’a de leçon à donner à personne. Encore moins son football et ses dirigeants. De Laurent Blanc, avec l’affaire des quotas de joueurs bi-nationaux, à Willy Sagnol et ses propos essentialisant « le joueur typique africain », on a vu combien le préjugé raciste pouvait servir de base de réflexion à des personnalités du football français. Rien d’étonnant donc de voir la cellule de recrutement du centre de formation du PSG pris la main dans le sac par Médiapart avec son fichage des joueurs selon leurs origines ethniques. On peine à croire au passage que la direction du club parisien en découvre l’existence.
Les polémiques autour des propos de Blanc et Sagnol avaient finalement été éteintes assez vite. Leurs défenseurs étaient nombreux. On commence déjà à entendre les mêmes crier au mauvais procès en racisme, voire à la cabale anti-PSG, et s’agiter dans les médias ou sur les réseaux sociaux pour voler au secours du club de la capitale, en bons chiens de garde. Mais cette fois-ci, ils vont devoir aboyer plus fort.
Pendant plusieurs années, les membres de cette cellule chargée du recrutement hors de l’Île-de-France, ont donc fait de la couleur de peau une « qualité » à part entière et un critère d’évaluation des jeunes joueurs supervisés, au même titre que l’aisance technique ou la capacité à enchaîner les efforts. Ce fichage a même pris des tours de système informel de quotas quand le jeune Yann Gboho, dont le nom est sorti dans la presse, n’a pas été recruté au seul motif qu’il y avait déjà « assez de noirs dans l’effectif ».
Un avant-goût du rapport que peuvent avoir les clubs professionnels avec ce fameux « vivier » de joueurs issus des quartiers populaires avant de les passer à la broyeuse des centres de formation. Le football capitaliste n’a pas de visage humain, et ces jeunes sur le point d’intégrer les centres de formation sont avant tout considérés comme des sortes de matériaux à transformer en marchandises.
Les footballeurs en herbe susceptibles d’être touchés par ces fichages sont généralement des fils de prolétaires immigrés. Le capitalisme n’offre que peu de perspectives d’avenir à cette génération logiquement éblouie par le mirage d’une carrière de footballeur professionnel, même en sachant qu’en bout de formation, seul un sur six signe un contrat pro.
On imagine bien que le club parisien n’est pas le seul concerné, mais on ignore encore l’ampleur réelle de cette pratique. Si tous les fichages sont détestables, ficher les joueurs selon des critères ethniques n’est ni anodin ni maladroit. En plus de son caractère purement discriminatoire, ce fichage prête le flanc aux fables racialistes sur le déterminisme biologique.
Sale ambiance en tous cas, qui illustre l’ampleur de la place prise par les questions identitaires qui ne sont plus seulement l’apanage des Zemmour, Finkielkraut et autres épouvantails d’extrême-droite. Le football français n’est pas une bulle extérieure au reste de la société, est aussi touché par cette fixette identitaire. Et ce n’est pas si nouveau. Depuis les années 2000, chaque histoire ou polémique, du bus de Knysna à « l’affaire Benzema », laisse une place prépondérante aux interprétations identitaires et racistes. Ceci dans la droite ligne des thèses développées par Daniel Riolo dans son brûlot Racailles Football Club, sur la prétendue « crise identitaire » du football français et dont « l’islamisation des vestiaires » serait un des signes.
Dans ce contexte, quel peut bien être l’intérêt des clubs à opérer ce genre de fichage ? Quel est le but recherché de ce mode de tri immonde ? Si nous avons de quoi les supposer, leurs motivations ne sont pas explicites. Certaines voix qui cherchent à amortir le choc parlent de « nécessaire mixité » ou de « recherche d’équilibre », une autre manière de dire qu’on s’est inspiré de Gobineau ou de la Nouvelle Droite d’Alain de Benoist pour évaluer et recruter de jeunes joueurs.
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