Alors que les championnats professionnels sont à l’arrêt depuis le week-end du 19 octobre et que quatre journées ont déjà été intégralement reportées, l’ANFP – l’autorité qui gère le foot pro – a annoncé une reprise pour le 15 novembre prochain. Si le SIFUP, syndicat des joueurs, n’y est pas hostile, des groupes de supporters, dont certains sont très impliqués dans le mouvement social qui secoue le pays, n’ont pas tardé à montrer les dents.
Depuis le début de la révolte sociale au Chili, plusieurs barras bravas lui ont officiellement apporté un soutien actif. De nombreux supporters des clubs les plus populaires du pays comme Colo-Colo ou Universidad de Chile ont pris part aux manifestations ou aux affrontements, mettant de côté leur rivalité pour s’affronter au gouvernement de Piñera, et à la politique anti-sociale menée ces dernières décennies au Chili où les conditions de vie des exploités du pays n’ont cessé de dégrader .
Le gouvernement et les bourgeois de l’ANFP poussent depuis un moment à la reprise du football professionnel. Ils y voient un moyen de calmer la colère de la population, tout en faisant redémarrer un secteur économique au point mort. Les propriétaires des clubs réclamaient à corps et à cri cette reprise. Faute de moyens, un club de Primera B (2e div.), l’Independiente de Cauquenes a même déclaré se retirer du championnat, accusant le blocage de la compétition d’être responsable de ses pertes financières. Les propriétaires se sont heurtés à un grand nombre de joueurs solidaires de la révolte mais surtout aux groupes de supporters.
Alors que deux rencontres de Primera A sont programmées pour le vendredi 15: Palestino-Union Espanola et Audax Italiano-Cobresal (le championnat de Primera B reprendra lui encore plus tôt, à partir du mardi 12 novembre), les supporters n’ont pas tardé à réagir et appellent à boycotter voire à bloquer les matchs.
Le principal groupe de supporters des Santiago Wanderers de Valparaiso, a publié un communiqué. “En tant que barra brava Los Panzers, nous ne laisserons aucun joueur fouler la pelouse […] Il ne faut pas s’amuser avec la classe des travailleurs. C’est notre réveil et nous ne nous arrêterons pas!”
"La reprise du championnat n'est rien d'autre qu'une tentative désespérée d'éteindre la flamme qui est en chacun des combattants, une tentative désespérée de faire oublier à la population son objectif. Ils veulent juste distraire les gens pour qu'ils baissent les bras dans cette bataille, mais en tant que barra, nous soulignons que nous allons nous battre de toutes nos forces."
Los Panzers, Santiago Wanderers
De son côté le groupe Los del Cerro d’Everton, club de Viña del Mar a aussi communiqué s’opposer à toute velléité de faire jouer un match à domicile. “Si les demandes ne sont pas écoutées, alors nous sommes disposés à boycotter chaque rencontre programmée au Sausalito.” Une position de boycott partagée aussi par les Ultras Kanarios de San Luis de Quillota.
La Garra Blanca de Colo-Colo, groupe qui a lancé plusieurs appels à descendre dans la rue et à dresser des barricades, n’est pas non plus dupe sur les intentions du gouvernement et des propriétaires des clubs: “Ils veulent utiliser les clubs comme des outils politiques au service de leurs intérêts. Ils veulent nous épuiser, nous abrutir, nous aliéner et que nous oublions la lutte.” La barra brava de Colo-Colo reprend aussi les mots du capitaine historique du club, Esteban Paredes, pour qui “le football est passé au second plan”.
Du côté de Los de Abajo de l’Universidad de Chile, même son de cloche, “le championnat ne peut pas reprendre tant que les revendications de la population n’ont pas été satisfaites”. Pareil pour Los Cruzados de Universidad Católica: “Nous nous opposons absolument à la reprise du championnat alors que le peuple chilien n’a pas été écouté et, pire encore, que la répression a augmenté.”
"Ils veulent utiliser les clubs comme des outils politiques au service de leurs intérêts. Ils veulent nous épuiser, nous abrutir, nous aliéner et que nous oublions la lutte." La Garra Blanca, Colo-Colo
Depuis le début de la révolte, le gouvernement a déjà reculé. Dans cette tempête insurrectionnelle où la population est massivement descendue dans la rue, différentes barras bravas ont joué un rôle social important, soutenant, encourageant et amplifiant la révolte. Par leur action et prise de position, ils ont montré que leur club et le football ne sont rien par rapport à des conditions de vie dignes. Même si le syndicat des joueurs semble d’accord pour reprendre les matchs, le message des supporters est clair, la bourgeoisie n’achètera pas la paix sociale avec un ballon.
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