Grève du 5 décembre : l’Amérique du Sud ce n’est pas si loin

En quelques mois, le continent sud-américain est devenu une terre d’unité des groupes de supporters contre les gouvernants et les capitalistes qui n’en ont jamais assez. A l’approche de la tant attendue grève du 5 décembre en France, sans comparer l’incomparable, il y a lieu d’y chercher une source d’inspiration.

« Pas de guerre entre les torcidas, pas de paix entre les classes ! » Cette banderole accrochée la semaine dernière par des fans de Bahia, lors de la réception de l’Atlético Mineiro à l’Arena Fonte Nova, en dit long sur l’état d’esprit des tribunes en Amérique du Sud. Au Chili, la révolte sociale a vu plusieurs barras bravas rivales s’unir contre la vie chère et la bourgeoisie, alliée au gouvernement ultra-libéral de Pinera. « Perdimos mucho tiempo peleando entre nosotros » proclament ces groupes parmi les plus important du pays que sont La Garra Blanca de Colo-Colo, Los de Abajo de la Universidad de Chile, Los Panzers des Santiago Wanderers ou encore Los Cruzados de la Catolica. « On a perdu beaucoup de temps à se battre les uns contre les autres », c’est le slogan qu’ont également repris différents groupes lors du “paro nacional” en Colombie, inspirés par leurs homologues chiliens. Les rivaux de Cali pourtant irréconciliables du Deportivo et de l’América ont même défilé côte à côte.

“Lutte ouvrière & grève contre le capital” | Banderole des Bukaneros 92 du Rayo Vallecano

Ceux que le football séparait se retrouvent unis dans la lutte sociale. Dans les grèves et dans les émeutes, le message qu’ils envoient est des plus clairs: le football passe après nos conditions de vie, vous ne nous endormirez pas avec un ballon, vous ne nous diviserez plus parce qu’on n’a pas le même maillot. Au Chili, les autorités qui, pour calmer les manifestants, misaient sur la reprise du championnat, à l’arrêt depuis le week-end du 19 octobre, ont fini par craquer et siffler la fin anticipée de la saison. Et dire qu’on entend encore parfois des discours méprisants sur les supporters anesthésiés par l’opium que serait le football et ses matchs hebdomadaires.

Le 5 décembre en France est une date cochée depuis plusieurs mois par de nombreuses personnes. C’est une grande grève qui s’annonce pour s’opposer au projet de réforme des retraites concocté par le gouvernement Macron, dans la continuité de ses multiples services rendus au patronat. A l’aube de cette grève annoncée comme très suivie dans le secteur publique comme privé, une grande partie du “peuple des tribunes” a une retraite à défendre, et sera dans la rue. Probablement pas en tant que supporters car ça ne fait pas vraiment partie de la culture des groupes ultra’ de prendre position sur ce type de sujets. Au contraire des barras bravas chiliennes unies derrière le mot d’ordre « Sans justice sociale, il n’y aura plus de football ! ».

Mais au vu de l’implication des tribunes chiliennes ou colombiennes face aux mesures anti-sociales de leurs gouvernants, la question du lien entre la rue et les tribunes doit aussi être interrogée dans l’Hexagone. « De las gradas a las calles! », soit  « Des tribunes à la rue! », est une ligne largement adoptée qui montre qu’à de nombreux endroits de la planète cette séparation n’a pas lieu d’être. Après tout, le football est un secteur économique lucratif dans lequel passe une partie de notre salaire, pourquoi serait-il épargné ? N’y a-t-il vraiment aucun enjeu à bloquer son industrie ?

La Ligue 1 impactée?

Sans fantasmer sur un scénario à la chilienne ou sur une improbable jonction entre le mouvement ultra’ et le mouvement social, la grève reconductible appelée à partir du 5 décembre pourrait bien avoir, malgré tout, des répercussions sur le cours normal des championnats professionnels. Comme au plus fort des manifestations Gilets Jaunes, des reports sur décision préfectorale ne sont pas à exclure. Mais c’est surtout l’annonce de la grève massive dans les transports, chez les cheminots et dans les aéroports, qui a d’ors déjà contraint des clubs à prendre leurs « précautions » en anticipant de plusieurs jours leur déplacement.

Le 5 décembre, souhaitons-le, s’ouvre une page. Plusieurs centaines de milliers de personnes descendront dans les rues, bloquerons des axes, résisterons à la police pour repousser le projet mortifère qui veut nous faire travailler de plus en plus vieux et mourir de plus en plus pauvres. Nous y serons.

Édito n°17

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