Michael Robinson, le lendemain

Le 28 avril dernier mourrait Michael Robinson, ancien footballeur irlandais des années 80 qui a fini sa carrière à Osasuna. Installé en Espagne, il y était devenu un présentateur charismatique. Fan de Liverpool depuis tout petit, Michael a porté les couleurs des Reds le temps d’un passage éclair. Suffisant pour que l’écrivain Simon Hughes lui consacre un chapitre de son livre Red Machine. Une bonne manière de re-découvrir qui il était.

C’est un personnage singulier que le monde du football vient de perdre avec Michael Robinson qui avait connu l’honneur, ou le poids, d’être un temps le footballeur le plus cher du pays. C’était lors de son passage de Preston North End à Manchester City en 1979. Comme Graeme Le Saux, il lisait The Guardian ou le Financial Times en déplacement. Mais, à en croire Simon Hughes, il y avait quelque chose d’incroyablement plus attachant chez Michael Robinson. L’auteur était allé le rencontrer à Madrid. Michael Robinson était devenu l’un des présentateurs les plus populaires de la péninsule ibérique, avec son émission El día después sur Canal + Espagne. Depuis 2007, il présentait Informe Robinson, un programme mensuel dont le dernier épisode a été retransmis en février, quelques semaines avant sa mort.

Il avait découvert l’Espagne à la fin de sa carrière, en signant à Osasuna, équipe de Pampelune. Un départ à l’étranger qui n’est pas si courant pour les footballeurs anglais de l’époque. Il sera décisif pour son après-carrière. Il ne lui a pas fallu longtemps après avoir raccroché les crampons pour s’installer en Espagne. Sous les couleurs d’Osasuna, il avait trouvé un club avec une forte identité locale, probablement plus à sa taille que Liverpool, où il n’aura passé qu’une saison et demi. Mais quelle saison! Car Michael Robinson est de cette équipe majestueuse qui a réalisé le triplé Championnat / Coupe de la Ligue / Coupe d’Europe des Clubs Champions, en 1984. L’expérience personnelle de Robinson sur les bords de la Mersey reste malgré tout mitigée.

Dans le Kop à 5 ans

Comme Simon Hughes le rapporte dans Red Machine, certains de ses ex-partenaires à Liverpool disaient à blaguant à moitié que Michael “était probablement meilleur présentateur que joueur”. Lui en rigolait, “je ne peux pas être en désaccord avec ça”. Il a bien sûr pris part aux succès collectifs majeurs de son équipe, même si son passage chez les Reds reste plutôt marqué par des coups d’éclat, comme ce hat-trick réussi à West Ham qu’il se remémorait avec amusement. Comme le veut la tradition, il avait alors récupéré le ballon du match et tous ces coéquipiers l’avaient signé. Et Kenny Dalglish avait ajouté sur le ballon “I can’t believe it !”, “Je n’arrive pas à y croire”.

Avec Graeme Souness

Rien d’important pour celui qui était fan de Liverpool bien avant d’en avoir porté le maillot. Son premier souvenir à Anfield remontait à un match face à Barnsley, en 1963. Michael avait 5 ans et son père l’avait emmené dans le mythique Kop. L’ambiance bouillonnante qui y régnait avait suffit à conquérir le cœur du jeune garçon. “Mon père raconte que j’étais totalement enveloppé par l’atmosphère et que, dix minutes avant le coup d’envoi, je lui ai dit que je voulais être footballeur.” Est-ce que ça a joué au moment de fouler Anfield pour la première fois en tant que joueur ?

Les statistiques sont dures avec Michael Robinson qui n’a pas réussi à marquer durant ses neuf premiers matchs avec les Reds. Il aura fallu toute la finesse psychologique de Joe Fagan pour relever la tête de son joueur, maladroit à la finition. A Liverpool, il peut heureusement s’appuyer aussi sur la camaraderie et la bienveillance de Graeme Souness. Sur le terrain, il souffre de la comparaison avec Ian Rush. Et cette saison-là, il n’y a pas match, le Gallois inscrit 47 buts toutes compétitions confondues. Malgré ses douze réalisations, Michael est écarté de l’équipe pour les dix derniers matchs de championnat. Il ne refait son apparition sur le banc qu’au meilleur moment, lors de la finale de coupe d’Europe face à la Roma. Il est entré en jeu au début des prolongations et a ainsi pu prendre part à la fête.

Le maillot des Reds trop lourd à porter

Auprès de Simon Hughes, il se confia sur ses difficultés à jouer pleinement libéré avec le maillot de Liverpool sur les épaules. Il connait, plus que beaucoup d’autres, le poids de ce maillot. La pression a pris le dessus. “J’ai l’impression d’avoir toujours marqué contre Liverpool, quel que soit le club pour lequel je jouais – City, Brighton, QPR. Lorsque je sortais du vestiaire de gauche, que je descendais les escaliers et que je passais devant l’imposant panneau ‘This is Anfield’, avant d’entendre ‘You’ll Never Walk Alone’, on attendait que l’équipe de Liverpool sorte en courant. Ils avaient l’air de géants, et en tant qu’adversaire on avait la sensation d’être un agneau conduit à l’abattoir. Cela semblait être le rôle dévolu à chaque joueur de l’équipe adverse. Quand j’ai fait l’expérience d’être dans le vestiaire de droite, c’était très différent. Je me souviens avoir regardé le maillot rouge, et il pesait si lourd. En sortant, je touchais le panneau et ‘You’ll Never Walk Alone’ était à présent pour moi. Je me souviens que lors de certains matchs, je souhaitais presque être à nouveau cet agneau que l’on conduisait à l’abattoir, parce que ça ne comportait aucune responsabilitéAu lieu de cela, je me devais d’être au niveau du Liverpool FC. Et je n’étais pas vraiment sûr d’en être capable. Anfield était beaucoup plus imposant pour moi en tant que joueur de Liverpool qu’en tant que joueur visiteur. Cela me trottait dans la tête et j’y pensais beaucoup trop.”

Jouer pour Liverpool, Michael Robinson le rappelait, ce n’est pas jouer pour n’importe quelle équipe. C’était un peu plus que du football. D’autant plus dans ces années où les Reds étaient un point de repère, un rayon de soleil dans la grisaille de la politique menée par Thatcher pour écraser la classe ouvrière. “Dans les années 80, Liverpool était une ville qui n’avait rien du tout. Thatcher l’avait massacré et les gens n’avaient que nous”, expliquait-il. “Thatcher avait autant de charme que la peste bubonique”, difficile de trouver meilleur punchline pour le saluer au moment de son dernier voyage.

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