A l’image des fans de St. Pauli, en Allemagne la plupart des groupes de supporters de gauche ont rallié la cause israélienne. A l’influence connue de la mouvance dite “antideutsch” sur ces groupes, s’ajoute des liens d’amitié avec certains groupes ultras israéliens.
La guerre génocidaire menée par l’armée israélienne sur la bande de Gaza a mis à jour une opposition fratricide entre une partie des fanclubs du FC St. Pauli. La position relativement neutre du FC St. Pauli face à l’écrasement militaire du peuple palestinien, réponse vengeresse à l’attaque terroriste commise par le Hamas le 7 octobre, a conduit plusieurs de ses fanclubs internationaux à prendre la parole pour appeler à la paix et afficher son soutien à la population civile. Par la voix de ses supporters allemands, le club a alors répondu par une sévère mise en garde adressée aux fanclubs qui manifesteraient trop fortement leur défense de la Palestine. Difficilement compréhensible, la crispation d’une partie des antifascistes allemands vis à vis des courants pro-palestiniens n’est pourtant pas un secret.
St. Pauli et l’Hapoel Tel Aviv
L’émotion logique provoquée chez de nombreux supporters par le massacre du 7 octobre s’enracine en effet dans le terreau déjà existant et la tradition du mouvement “antideutsch”. Cette tendance de la gauche radicale allemande est un produit de la réunification; elle se caractérise par sa défense inconditionnelle du sionisme et une tendance malhonnête à assimiler tout soutien anticolonial à la résistance palestinienne à de l’antisémitisme. Cette réalité militante se traduit aujourd’hui dans les tribunes allemandes par de nombreux messages de solidarité à la population israélienne et un silence retentissant sur le sort des civils gazaouis. Comprenons-nous bien, s’il n’y a pas de soutien explicite aux bombardements, les messages appelant à “libérer la Palestine du Hamas” appuient tacitement l’action de Tsahal.
Pour compléter ce tableau, plusieurs groupes ultras entretiennent des amitiés avec des groupes basés en Israël. Une de ces amitiés est formée par les Ultras Sankt Pauli et les Ultras Hapoel 99. Le club de Tel Aviv a perdu une trentaine de supporters le 7 octobre, dont Omer Hermesh. Natif du kibboutz de Kfar Aza, ciblé comme ceux de Be’eri et Nir Oz par les miliciens fondamentalistes, Omer était une figure emblématique des supporters de l’Hapoel Tel Aviv. Étendard de la gauche travailliste, c’est un club omnisports majeur en Israël. Fondé en 1923, bien avant l’État hébreu, il est réputé pour l’antifascisme de ses supporters qui prônent la coexistence pacifique entre Juifs et Arabes. Même si les choses ont évolué avec le temps, certains rappellent volontiers le lien entre les racines ouvrières du club et l’idéal socialiste originel des kibboutzim.
De passage à Hambourg pour un match de Coupe d’Europe, l’équipe de basketball de l’Hapoel Tel Aviv BC a été officiellement invitée par le FC St. Pauli à rencontrer le conseil d’administration au Millerntor Stadion. Nombre de fans du FC St. Pauli ont assisté au match de basket et soutenu l’Hapoel, dont les fans n’avaient pas pu faire le déplacement en raison de la guerre. Trois jours plus tôt, en déplacement à Paderborn, les USP avaient déployé des banderoles portant les inscriptions “Toujours avec toi” et “Hapoel Mishpaha”, qu’on peut traduire par “L’Hapoel est la famille”.
Les ultras du Werder réclament la libération des otages
Les Ultras Hapoel 99 ont noué des liens forts avec d’autres groupes antifascistes en Europe. Ils forment notamment une alliance historique avec la Gate 9 du PAC Omonia et les Ultras Inferno 96 du Standard Liège. Des groupes qui se distinguent des positions prises par les supporters de St. Pauli. La Gate 9 a par exemple appelé en son nom à se joindre aux manifestations pro-palestiniennes organisées à Nicosie, tout en réaffirmant son “soutien sans partage à ses frères de l’Hapoel Tel Aviv“. L’engagement des groupes allemands est d’un tout autre acabit et se range clairement derrière l’union nationale israélienne, avec ce double objectif de libérer les otages et d’éradiquer le Hamas.
Les ultras allemands ont d’ailleurs d’emblée, et à plusieurs reprises, mis le sort des otages en lumière. Ils donnent de l’écho à la campagne “Bring them home now” menée en Israël pour marteler le caractère prioritaire de la libération des otages. Car, tandis que Tsahal poursuit son opération punitive et sanguinaire sur Gaza, la colère est en train de monter, les familles des otages craignant de voir leurs proches sacrifiés par le gouvernement d’extrême-droite de Netanyahou. Les Infamous Youth et les Boys du Werder Brême ont ainsi accroché au pied de leur tribune une grande banderole portant l’inscription “Bring them home now”, à l’occasion de la réception de l’Eintracht Francfort le 12 novembre. Il faut dire que les ultras du Werder ont aussi des liens d’amitié avec des groupes israéliens: les Ultras Boys avec leurs homonymes du Maccabi Haifa et les Infamous Youth avec la Brigade Malcha de l’Hapoel Jerusalem.
Ceci explique les messages mettant spécifiquement en lumière les cas d’Inbar Haiman et Hersh Golberg-Polin – respectivement supportrice du Maccabi Haifa et supporter de l’Hapoel Jerusalem – qui participaient au festival Supernova à Re’im et figurent parmi les 240 otages enlevés par le Hamas. Outre ceux de St. Pauli et du Werder Brême, les ultras du BSG Chemie Leipzig et du Bayern Munich ont également manifesté leur solidarité inconditionnelle avec la population israélienne. Parmi les initiatives concrètes de soutien, des collectes de fonds ont été organisées. Celles des ultras du Werder prévoyait de récolter 15 000 euros pour aider les familles des otages. Les Ultras Sankt Pauli ont mis sur pied une campagne de crowdfunding intitulée “Hapoel Mishpaha” pour les familles des fans de l’Hapoel victimes du Hamas. Ces actions, sans un mot pour les victimes de la barbarie israélienne dans la bande de Gaza, reflètent l’imposture qui consiste à prétendre lutter contre le fascisme partout, tout en épargnant celui de Netanyahou.
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