“Furiani mai più”: pourquoi il n’y a plus de match le 5 mai

La stèle commémorative de Furiani (©France 3 Corse ViaStella)

Il aura fallu attendre près de trente ans pour voir la France légiférer: aucun match professionnel – en championnat comme en coupe – n’est plus organisé en France en date du 5 mai. Mieux vaut tard que jamais.

La loi visant au gel des matchs le 5 mai a été promulguée le 20 octobre 2021, non sans une part de calcul politicien, à l’aube de la commémoration des 30 ans de la catastrophe qui a vu mourir 19 personnes (et plus de 2300 blessés) le 5 mai 1992 dans l’effondrement d’une tribune du stade Armand-Cesari de Furiani. Celle-ci avait été construite à la va-vite pour augmenter la capacité d’accueil – et donc les recettes – à l’occasion de la réception de l’OM par le Sporting Club de Bastia en 1/2 finale de Coupe de France. Ce qui devait être une fête populaire a été ce jour-là gâché pour une basse histoire de profit.

Malgré le freinage des quatre fers de la Ligue

La décision de geler les matchs à cette date était attendue depuis de longues années. Elle s’est longtemps heurtée au refus des instances. Le dépôt par le député corse Michel Castellani de la proposition de loi visant à faire du 5 mai une date sans matchs de football professionnel, et son adoption par l’Assemblée Nationale en février 2020, a accéléré le processus. La proposition de loi était appuyée par le gouvernement, malgré les réticences de la Ligue de Football Professionnel, opposée depuis le début opposée à cette demande du Collectif du 5-Mai et de ses soutiens. Pour le président Macron, en pleine année électorale, ce type de décision symbolique – qu’aucun de ses prédécesseurs n’a été fichu de prendre – est toujours bonne à accrocher à son bilan.

Promesse de Mitterand dans la période qui avait suivi le drame, personne n’avait vraiment pris au sérieux cette question, au mépris des familles des victimes de Furiani. Il aura fallu attendre 2012 et la programmation d’une finale de Coupe de France un 5 mai pour donner un regain d’espoir à la mobilisation. Une maladresse dont seules les instances du football français semblent avoir le secret, qui plus est pour les 20 ans du drame. Face au tollé, la finale avait été décalée. Une maigre victoire qui a aussi été, par la suite, appuyée dans les tribunes du continent par les actions et banderoles de nombreux groupes de supporters, à commencer par les ultras stéphanois et marseillais. Une première décision mi-figue mi-raisin avait ensuite été prise par le ministère des Sports en 2015 gelant les matchs le 5 mai… seulement quand celui-ci tombait un samedi. Appliqué une première fois en 2018, cet accord avait étalé ses limites, voire son absurdité, dès la saison suivante où cinq rencontres avaient été programmées le dimanche 5 mai.

“Pas de match le 5 mai!”: du slogan à la réalité

Parti de l’Île de Beauté, le slogan “Pas de match le 5 mai!” va alors largement se répandre dans les stades de L1, de L2 et parfois même au-delà via des banderoles, en langue corse comme en français. Un vaste mouvement de solidarité qui s’est exprimé autant à Paris qu’à Marseille, mais aussi à Ajaccio, Nantes, Caen, Saint-Étienne et même à Toulon dans les divisions inférieures. Cette revendication est un exemple des causes qui peuvent réunir les ultras au-delà des rivalités. “Dépasser les clivages partisans et laisser la place à la parole du cœur”, c’était aussi les mots d’une tribune signée par 135 personnalités politiques, sportives et culturelles (dont les anciens joueurs Basile Boli et Emmanuel Petit ou encore la chanteuse Jenifer) et publiée sur le site du Figaro peu avant l’examen à l’Assemblée de la proposition de loi déposée par Castellani. “Soutenir cette proposition de loi doit permettre de faire de cette date un moment de recueillement national, et d’effectuer enfin, collectivement, le devoir de mémoire envers les victimes de la catastrophe de Furiani”, appuyaient les signataires.

Si l’adoption définitive de la loi est venu récompenser l’abnégation du Collectif du 5-Mai et des proches des victimes, on n’oubliera pas le temps mis par l’État pour y parvenir. Les instances – LFP et FFF – ont maintenant la charge de faire respecter cette loi dont l’application, selon les projections, ne devrait concerner potentiellement que huit journées de championnat dans les quarante années à venir.

Furiani mai più.

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