Les plaintes visant le fonds d’investissement américain 777 Partners, au bord de la faillite, plongent les différents clubs dont il est propriétaire dans une certaine inquiétude quant à leur avenir immédiat. Il n’aura pas fallu longtemps pour constater les dangers concrets de la multipropriété et, plus largement, des fonds d’investissement.
L’empire de 777 Partners, composé de plusieurs dizaines de sociétés actives dans divers secteurs, semble sur le point de s’effondrer. Comme l’explique le média norvégien Josimar, du mouvement a déjà eu lieu au sommet du fonds d’investissement américain. Ses fondateurs, Josh Wander et Steve Pasko, ont été débarqués du conseil d’administration de l’entité gérant l’ensemble de ses opérations footballistiques, Nutmeg Acquisition LLC, société basée dans le Delaware. Le Financial Times indique pour sa part qu’un audit externe a été commandé par les dirigeants de 777, laissant planer l’ombre d’une vente rapide de ses clubs.
Dans le monde du football, 777 Partners a pris l’habitude de jeter son dévolu sur des clubs historiques qui ont conservé un certain cachet: le Genoa en Italie, le Standard de Liège en Belgique, le Hertha Berlin en Allemagne ou encore le Vasco da Gama au Brésil. Le fonds américain a aussi une participation minoritaire au FC Séville et au Melbourne Victory. Les récentes révélations ont logiquement enterré la tentative de rachat d’Everton, entamée depuis quelques mois, dernière cible annoncée de 777 Partners.
Tout s’est accéléré ces dernières semaines avec la révélation d’un dépôt de plainte pour fraude majeure – devant le tribunal de New-York – par l’un des principaux prêteurs de 777 Partners, la société britannique Leadenhall Capital qui lui réclame plusieurs centaines de millions de dollars. Leadenhall aurait en effet prêté 350 millions de dollars à 777 Partners qui a visiblement triché sur les garanties apportées pour obtenir ce prêt. Selon The Athletic, le fonds ferait l’objet de seize plaintes différentes pour un total d’impayés avoisinant 120 millions de dollars. Ses fondateurs, Josh Wander et Steve Pasko, sont accusés d’avoir mis sur pied une escroquerie du type “pyramide de Ponzi”, à savoir un montage financier où l’argent des nouveaux investisseurs sert à rembourser une partie des dettes.
Le fonds d’investissement américain voit aussi sa position au Standard de Liège être de plus en plus fragilisée suite aux plaintes déposées pour défaut de paiement, par l’ancien propriétaire Bruno Venanzi et par les anciens actionnaires de l’Immobilière du Standard, parmi lesquels Axel Witsel, Edmilson Jr ou Nacer Chadli. Que ce soit pour la vente du club ou du stade, tous attendent le paiement de la deuxième tranche s’élevant à plusieurs millions d’euros. Ils demandent la saisie des actifs du fonds américains en Belgique, à savoir le club et son stade. La Justice est censée rendre son verdict d’ici le 15 mai.
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En parallèle, les groupes ultras du Standard – Ultras Inferno 1996 et du Publik Hystérik Kaos 2004 – ont pris les choses en main pour éviter à leur club d’être entraîné dans ce cyclone. “Nous vivons les moments les plus sombres de l’histoire du club!”, avance le communiqué qu’ils ont relayé où 777 Partners est traité de “société mafieuse” et de “bandits”. “À l’heure qu’il est, la faillite nous menace plus que jamais ! Nous, supporters, ne resterons pas les bras croisés à regarder nos couleurs disparaître. Notre club doit être revendu au plus vite ! Nous encourageons tous les investisseurs locaux à se manifester en vue d’un rachat”
La protestation est montée d’un cran ce 10 mai lorsque les supporters des Rouches ont investi à plusieurs dizaines le centre d’entraînement du club, bloquant le départ des joueurs pour le stade où ils devaient jouer contre Westerlo le soir même. Le match a été annulé suite à leur action. Leur mobilisation résonne avec celle menée par les supporters du Red Star, club récemment promu en Ligue 2 qui appellent le 18 mai prochain à un “cortège festif et combattif” pour s’élever contre “le danger imminent” guettant le club audonien.
Les supporters du Red Star ont toujours dénoncé avec vigueur le rachat de leur club, officialisé en mai 2022. Ils avaient alors largement appelé “à se mobiliser pour faire de ce combat un combat national contre le football business et défendre une autre vision du football”. Quelques semaines plus tôt, à l’occasion de la réception du FC Sète, la Tribune Rino Della Negra avait manifesté de façon spectaculaire son refus catégorique de voir débarquer 777 Partners à Bauer. Le match avait été définitivement arrêté à la 38e minute en raison de jets répétés de fumigènes et entrainé la défaite du Red Star sur tapis vert.
La vente à 777 Partners avait été alors présentée sans honte comme “une étape majeure dans la grande et prestigieuse histoire du Red Star FC, longue de 125 ans”. Une drôle de manière de se féliciter de ce qui ressemblait pourtant déjà à l’annonce de la liquidation de cette histoire et de son identité populaire. Une histoire que Patrice Haddad, président depuis 2008, s’évertue en réalité à détricoter pan par pan depuis le début. Les supporters du club n’oublient pas sa responsabilité et demandent aussi le départ de celui qui a vendu le club à la sauvette, conservant sa fonction de président dans l’opération.
“Les émotions procurées par cette montée ne doivent toutefois pas nous faire ignorer les signaux d’alerte concernant 777 Partners, propriétaire toxique du Red Star. Il y a deux ans, lors de la vente à la sauvette de notre club, par Patrice Haddad à 777 Partners, nous nous étions déjà positionnés contre le profil de ce groupe financier: acheteur frénétique de clubs, dépourvu de toute cohérence dans ses acquisitions tous azimuts”, rappellent-ils dans leur communiqué. Un débat sur la multipropriété est prévu lors du Festi’Bauer, le week-end du 25 mai. La lutte pour sortir le Red Star des griffes de la multipropriété ne s’arrêtera pas là.
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