Au mois d’août, nous avions relayé un appel aux supporters en solidarité avec le Rojava, visant à ne pas oublier la résistance menée dans cette région kurde située à la frontière turque, côté syrien. Si l’appel, traduit en six langues, n’a pas encore eu le retentissement escompté, certaines tribunes ont répondu présent.
Les menaces et agressions persistantes de la Turquie qui pèsent sur le Rojava ne laissent pas insensibles une partie des supporters. Depuis la fin de l’été, plusieurs tribunes ont en effet réitéré leur soutien au Rojava. Notamment en Allemagne où la diaspora kurde est en nombre, et où le solidarité avec le Rojava fait partie des combats de la gauche antifasciste et anti-impérialiste. A leur niveau, les supporters peuvent permettre d’alerter sur la situation dans cette région prise en tenaille entre la Syrie de Bachar el-Assad et la Turquie de Recep Tayyip Erdoğan.
Les tribunes allemandes lancent la campagne
En Allemagne, les supporters n’ont pas attendu bien longtemps pour répondre à l’appel lancé. Dès le week-end du 20 août, plusieurs tribunes du pays, de diverses divisions, ont été à pied d’œuvre. “Rise Up for Rojava!” et “Bijî Rojava!”, en Bundesliga, des banderoles solidaires ont été sorties par la Schikeria du Bayern Munich et par les Ultras Mainz de Mayence. En déplacement à Dortmund, les ultras du Werder Brême (Caillera et Infamous Youth) ont eux affiché un simple et efficace “Ultras support Rojava!”.
En 3.Liga, les ultras du FC Sarrebruck et ceux du SV Wehen Wiesbaden ont également affiché leur soutien. En Regionalliga (4e échelon), on dénombre également plusieurs manifestations de soutien. De la Nordkurve du SV Babelsberg 03, club de Potsdam, au Block 385 du FSV Frankfurt, en passant par la Sudkurve du FC C Carl Zeiss Jena et les antifascistes du Viola 161 du TB Berlin avec leur banderole “Stop à l’agression militaire turque, Défendons la liberté du Rojava!”
A côté de leur message “Defend Rojava”, les ultras de Babelsberg n’ont pas oublié les drapeaux des YPG/YPJ, les combattantes et combattants kurdes des Unités de Protection du Peuple. En Allemagne, la défense du Rojava ne connaît pas les divisions. En témoigne le soutien du Block-F du SC Göttingen 05, club qui évolue au 6e échelon du football allemand, avec sa banderole “Paix et Liberté pour le Rojava”, ou encore celui des fans du SV Linden 07 (8e division).
Pour Ahang Akram Sheibi
Depuis, cette campagne internationale de solidarité a eu, il faut le reconnaître, du mal à décoller. Hors d’Allemagne, le soutien des tribunes est beaucoup plus confidentiel. Dans ce calme plat, les supporters du FC Solothurn en 4e division suisse avaient néanmoins ouvert le bal à la mi-août. Rares sont les supporters à leur avoir emboîté le pas. Dans l’Hexagone, les inévitables ultras du MFC 1871, club amateur basé dans le 20e arrondissement de la capitale, ont rendu hommage à Ahang Akram Sheibi tué par un drone turc à Qamishlo le 6 août dernier.
L’assassinat du jeune footballeur de 16 ans a aussi ému les supporters de l’Union Saint-Gilloise, en Belgique. A l’occasion de la réception de Genk, le 11 septembre dernier, une banderole saluant la mémoire d’Ahang Akram Sheibi a été déployée dans les tribunes du Stade Joseph-Marien. Le compte Twitter “Riseup 4 Rojava” qui a recensé ces différentes manifestations de soutien a également relayé le soutien venu des Roots Radicals, groupe de supporters du SC Oakland Roots (qui évolue en championnat USL aux États-Unis). C’est à peu près tout.
La situation est pourtant plus qu’inquiétante au Rojava, ce territoire et son modèle de société basé sur la démocratie directe, le féminisme ou l’écologie. La Turquie y mène une guerre de l’eau depuis plusieurs années, asséchant la vallée de l’Euphrate, et multiplie les attaques de drones sur le nord-est du Rojava, visant des installations agricoles (notamment les canaux d’irrigation), mais aussi les populations. “Rien qu’au mois de juillet, 363 attaques de mortiers, drones et d’artillerie ont été recensées dans la région, faisant 6 morts et 26 blessés“, rapporte le média Reporterre.
Dans un silence assourdissant
Quelques jours après Ahang Akram Sheibi, quatre jeunes filles – Dîlan Ezedîn, Ranya Eta, Zozan Zêdan et Diyana Elo – ont été abattues à Hassaké alors qu’elles jouaient au volley. L’Armata Pirata 161, groupe de supporters et supportrices du FC St. Ambroeus (8e division italienne), avait alors tenu à marquer sa solidarité et de briser l’indifférence générale qui accompagne ces attaques de drones et de mortiers. Ces coups de projecteur sont salutaires pour sensibiliser sur les menaces qui pèsent sur le Rojava, dans un silence médiatique assourdissant.
La crainte d’une invasion turque, que certains jugent “imminente”, incite à réactiver le soutien international qui s’était notamment exprimé dans les tribunes après l’offensive militaire menée par les troupes d’Erdoğan derrière le nom “Peace Spring” (“Source de Paix”) en octobre 2019. A l’époque, les marques de solidarité avec la résistance kurde au Rojava – incarnée par les armées YPG et YPJ, en première ligne face aux milices de Daesh – avaient été nombreuses, des clubs de calcio popolare en Italie aux ultras antifascistes de Grèce ou d’Allemagne.
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