Déplacements de supporters: Les arrêtés préfectoraux en hausse continue depuis 2011

Début avril, l’Association Nationale des Supporters (ANS) déplorait une véritable régression dans le traitement des supporters, notamment au niveau des interdictions de déplacement, et appelait à la mobilisation contre les sanctions collectives débridées.

“Depuis le week-end dernier, les groupes de supporters font part en tribunes de leur inquiétude face à l’augmentation des mesures liberticides à leur encontre” prévient l’ANS sur ses réseaux sociaux. L’association, qui défend bec et ongles la cause des supporters, alerte sur la dérive des arrêtés préfectoraux et ministériel visant à interdire ou restreindre les déplacements. Graphique à l’appui, l’ANS pointe une hausse continue du recours à ces arrêtés depuis 2011, date à laquelle cette arme a été mise à disposition des préfets dans le cadre la LOPPSI 2, énième loi sécuritaire.

L’analyse de l’ANS met volontairement de côté les saisons 2019/20 et 2020/21 qui ne sont pas représentatives en raison des mesures sanitaires qui ont imposé jauges et huis clos pendant 16 mois. (source: ANS / Twitter)

Vendus au démarrage comme une mesure censée être utilisée de façon exceptionnelle, les interdictions de déplacement sont aujourd’hui devenues la norme, pour ne pas dire la “méthode” privilégiée par les autorités pour prévenir d’éventuels débordements. En dix ans, le nombre d’arrêtés a été multiplié par plus de 30 ! Des chiffres qui suffisent à illustrer le pouvoir pris par les préfets de police dans la gestion du supportérisme et qui attestent d’une situation bloquée face au Ministère de l’Intérieur qui ne montre aucun signe réel d’assouplissement de sa doctrine. L’ANS et certains groupes ont souvent invoqué la circulaire de novembre 2019, obtenue dans le cadre des travaux de l’Instance Nationale du Supportérisme (INS) et censée limiter les interdictions de déplacement. A l’heure du retour du public dans les stades au début de cette saison 2021/22, on constate qu’elle n’a absolument pas tempéré la frénésie disciplinaire des préfets. Au contraire, avec 129 arrêtés (dont 63 arrêtés d’interdiction), alors qu’il reste encore trois journées de championnat, on assiste déjà une triste saison-record, si on met à part la saison 2015/16 et ses 223 arrêtés dans le contexte anti-terroriste avec la mise en place de l’état d’urgence.

Banderoles contre les sanctions collectives

Si le nombre de ces arrêtés frappe, que dire des motifs avancés par les préfets. A croire qu’il y a une course secrète à qui apportera le plus farfelu. Par le passé on a déjà vu des déplacements interdits au nom de rivalités plus ou moins fantasmées, mais aussi pour la concomitance d’un vide-grenier ou des festivités de la Saint-Patrick. Le nombre insuffisant de forces de l’ordre pour encadrer les supporters est le joker que les préfets sortent de week-end en week-end. A l’occasion de la 35e journée de Ligue 1 le 30 avril dernier, les supporters nantais n’ont pas été autorisés à se rendre à Lens, cette fois-ci en raison des rencontres internationales de cerfs-volants à Berck. L’arbitraire passe mieux avec un nez de clown, doit-on se dire dans les préfectures de l’Hexagone.
Banderole accrochée dans le parcage où auraient dû prendre place les supporters nantais à Félix-Bollaert le 30 avril dernier.
Nantais interdits, à quoi sert Delaunay?” proclamait une banderole des ultras lensois ciblant le chef de la Division Nationale de Lutte contre le Hooliganisme (DNLH). Des banderoles similaires ont été sorties à Grenoble et le hashtag #DelaunayEmploiFictif a aussi été repris sur les réseaux sociaux. A la tête de la DNLH depuis le 1er septembre 2020, Thibault Delaunay avait beau reprendre en début de saison l’élément de langage gouvernemental – jamais suivi d’effets – contre les interdictions “systématiques”, son silence est critiqué par l’ANS. La DNLH, qui ne se prive pas de décerner des titres de matchs “à haut risque” servant d’eau au moulin des interdictions préfectorales, porte bien sûr la responsabilité de ce bilan. Même peu visible, la DNLH reste un rouage de cette politique sécuritaire globale et de la doctrine imposée par le Ministère de l’Intérieur. Et celle-ci est, dans les faits, beaucoup plus proche de l’interdiction systématique – dont rêve le commissaire Desjars – que du “dialogue préalable” promis dans la circulaire de novembre 2019. Une politique qui, comme l’analyse l’ANS, ramène le monde des tribunes “en tout point à la saison 2015/16“.

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