Déposée le 30 décembre dernier par le député corse Michel Castellani, la loi visant à faire du 5 mai une date sans match de football professionnel, a été adoptée ce 13 février par l’Assemblée Nationale en mémoire du drame du stade de Furiani: 19 morts et plus de 2300 blessés après l’effondrement d’une tribune montée à la va-vite pour optimiser la capacité du stade et les recettes. Le texte doit maintenant être examiné au Sénat.
Pour honorer la mémoire des victimes du drame de Furiani, survenu le 5 mai 1992 à l’occasion de la demi-finale de Coupe de France opposant Bastia à l’OM, la seule disposition en vigueur consistait jusqu’ici à ne geler les matchs du 5 mai que lorsqu’ils tombaient un samedi. Ne nous demandez pas le sens de cette décision arrachée à la LFP en 2015 par le Collectif du 5-Mai 1992 et le secrétaire d’état aux Sports Thierry Braillard. Si ce n’est un compromis très mou trouvé avec l’instance qui gère les droits de diffusion des matchs professionnels en France. Domaine où la moindre contrainte en matière de programmation est vécue comme une entrave au business.
Le vote en faveur du texte de loi constitue donc une avancée qui se profile pour le Collectif du 5-Mai et ses soutiens. Le 5 mai, le monde professionnel ne commémorera plus autre chose que les victimes du drame de Furiani. Maracineanu, ministre des Sports qui bottait encore en touche l’an dernier à ce sujet, s’est dite favorable à cette proposition de loi portée par la quasi totalité des membres du groupe parlementaire “Liberté et Territoires”, un assemblage hétéroclite de députés centristes et régionalistes, dont les députés corses liés au parti autonomiste Femu a Corsica, principale formation politique à l’Assemblée territoriale de Corse depuis les dernières élections de 2017, lié de près au Collectif du 5-Mai.
A vrai dire, légiférer sur cette question ne coûtera pas grand-chose à la macronie. Voire rien du tout. Depuis l’arrivée au pouvoir de Macron, le gouvernement et ses préfets ont démontré une capacité à influer sur la programmation des matchs qui dépasse de très loin l’impact qu’aura un gel des matchs professionnels en date du 5 mai. Il sera aisé pour les instances et les diffuseurs d’éditer un calendrier sans cette date bien que, quelques jours avant le vote, la LFP se soit à nouveau prononcée contre une sanctuarisation du 5 mai. Elle dit préférer faire de ce jour “une commémoration renforcée”. Chose qu’elle n’a jamais été fichue de mettre en place jusqu’ici. Ni du temps de la Ligue Nationale de Football, sa prédécesseure jusqu’en 2002, ni depuis que la LFP existe. L’instance n’a cessé de freiner des quatre fers sur fond de jacobinisme et de conflit avec les représentants du football insulaire, le SC Bastia en tête. Conflit exacerbé durant les années Thiriez.
28 ans plus tard…
Si les familles des victimes de Furiani attendent ce geste depuis près de 28 ans maintenant, et la promesse du président Mitterand au lendemain du drame, les lignes ont réellement commencé à bouger ces dernières années. Depuis 2012 pour être plus précis. Cette année-là, les instances ont eu la mauvaise idée de programmer la finale de la Coupe de France le 5 mai. Une décision pas très fine alors qu’on commémorait les 20 ans de la catastrophe, mais qui montre à quel point le souvenir de Furiani semblait enterré dans l’esprit des dirigeants du football français. L’émoi provoqué mis les autorités dans l’embarras. Résultat, la finale a été décalée. Tout ça a eu le mérite de redonner du souffle à une revendication qui parvint à trouver de l’écho dans les stades français. Elle a pris progressivement une ampleur qui a dépassé les frontières de l’Île de Beauté.
Supporters stéphanois et marseillais font partie des premiers à avoir pris fait et cause pour la requête du Collectif du 5-Mai et à donner une résonnance au mot d’ordre simple mais explicite “Pas de match le 5 mai!”. Cette nouvelle dimension a abouti à la décision prise par le ministère des Sports en 2015 concernant les matchs du 5 mai quand ils tombent un samedi. Appliqué une première fois en 2018, cet accord montre ses limites, voire son absurdité, dès la saison suivante où cinq rencontres sont programmées le dimanche 5 mai. De très nombreuses banderoles, en langue corse ou française, ont alors fleuri dans les tribunes. Un vaste mouvement de solidarité, au-delà des rivalités, s’est exprimé dans de très nombreux stades, de Paris à Ajaccio, en passant par Nantes, Marseille ou encore Toulon, pour n’en citer que quelques-uns.
Plusieurs personnalités, notamment du monde du football, se sont ralliées au fil du temps à cette cause. Deux jours avant le vote de la proposition de loi à l’Assemblée était publiée dans la presse une tribune, signée par 135 personnalités politiques, sportives et culturelles, appelant les parlementaires “à poursuivre cet élan humaniste, à dépasser les clivages partisans et à laisser la place à la parole du coeur“. Derrière ces mots et le consensus qui en découle, la future loi ne doit pas faire oublier que ce symbolique gel des matchs le 5 mai arrive bien tard.