Les footballeuses professionnelles évoluant en Espagne ont voté le principe d’une grève illimitée à partir des 16 et 17 novembre prochain. Ces dernières saisons, on a vu à plusieurs reprises des footballeuses se mobiliser pour défendre l’égalité salariale. A chaque fois, la question de l’égalité salariale s’est posée a niveau des sélections nationales et donc des fédérations.
Il a bien existé de rares protestations au sein de clubs, comme le débrayage des Guingampaises par exemple. Mais cette grève des footballeuses du championnat espagnol a ceci d’inédit que, pour la première fois, la question de l’égalité salariale est posée de façon unitaire et solidaire contre les patrons de clubs qui les exploitent. La grève s’adresse ainsi à l’ensemble des joueuses, et non plus seulement l’élite évoluant en sélection nationale. Quand on parle de revendications féministes, on a tendance à penser au 8 mars, date de la journée internationale pour le droit des femmes, dont on oublie régulièrement les origines ouvrières. Les 28 joueuses de l’équipe nationale des Etats-Unis, revendiquant des conditions salariales et de travail égales à celles des hommes, n’ont pas choisi par hasard de déposer une plainte collective contre leur fédération pour “discrimination sexiste”, le 8 mars dernier – jugement attendu le 5 mai 2020. Mais à la différence des Américaines qui ont choisi la voie judiciaire, d’autres joueuses de sélections nationale ont privilégié le rapport de force avec leur fédération, et la grève. Avec succès.
Octobre 2017: les internationales norvégiennes obtiennent l’égalité salariale
Sans aucun lien avec la commémoration de la prise du Palais d’Hiver, pile cent ans après, les joueuses norvégiennes entament un mouvement de protestation pour revendiquer un salaire égal à celui des hommes. Paradoxe au pays de la footballeuse professionnelle la mieux payée au monde par son club, avec la lyonnaise Ada Hederberg et son salaire de 400.000 euros par mois. Mais cause juste et grève victorieuse pour les internationales norvégiennes dont la sélection fait partie des toutes meilleures mondiales, contrairement aux hommes. Début octobre, suite à leur action, les joueuses obtiennent ainsi que la fédération égalise les montants versés (environ 640.000 euros annuels) aux internationaux hommes et femmes, fruit conjoint d’une nette augmentation accordée aux femmes et d’une diminution consentie par les hommes. Un geste salué par les joueuses sur les réseaux sociaux. «C’était peut-être une évidence pour vous mais pour nous, ça signifie énormément» a souligné Ingrid Moe Wold en s’adressant à ses homologues masculins.
Octobre 2017: les internationales danoises en grève
Profitant de l’élan médiatique impulsé par leurs collègues norvégiennes, les internationales danoises ont, quelques jours plus tard, enclenché un bras de fer similaire avec leur fédération. Les 16 et 17 octobre 2017, en pleine préparation d’un match de qualification pour le Mondial 2019 face à la Suède, les joueuses de l’équipe nationale du Danemark ont collectivement refusé de prendre part à l’entraînement. Faute d’une offre salariale “raisonnable” de la part de leur fédération, elles annoncent se mettre en grève et réclament la signature d’une convention collective. Elles jugent insuffisants les 1400 euros mensuels qu’elles perçoivent, et injuste la différence avec les primes réservées aux hommes. En ne s’alignant pas en match international officiel, les joueuses exposent leur fédération à des sanctions, notamment une disqualification la privant de Mondial. Suffisant pour contraindre la fédération danoise à céder. Le match face à la Suède annulé, la fédération danoise s’est empressée de trouver un accord avec les footballeuses en vue du match suivant face à la Croatie, ce qui n’a pas sauvé la qualification au Mondial pour autant.
Le « No pay no play » des internationales jamaïcaines
La Jamaïque a beau avoir été la première nation caribéenne à se qualifier en juin 2019 pour une phase finale de Coupe du Monde féminine, les internationales jamaïcaines n’avaient toujours pas vu la couleur de leur prime de 120 000 $ promise par leur fédération. Une allocation avec effet rétroactif qui permettait aux Reggae Girlz, pour la plupart amateures, de percevoir un salaire à compter du mois de janvier 2019. Quand elles lancent la campagne « No Pay, No Play » cela fait neuf mois qu’elles n’ont rien perçu. C’est même Cedella Marley, fille de Bob, qui leur vient en aide financièrement. Avec cette campagne, les joueuses annoncent qu’elles ne participeront plus à aucun regroupement ni à aucune compétition avec le maillot jamaïcain tant que la fédération ne leur aura pas payé tout ce qu’elle leur doit. « Ce n’est pas juste pour l’argent, c’est pour changer la manière dont le football féminin est vu, notamment en Jamaïque. » a indiqué sur son compte Instagram l’attaquante des Girondins de Bordeaux, Khadija Shaw. Plusieurs joueuses pointent du doigt la corruption de la fédération. « Je misais sur cette allocation mensuelle », déclarait au mois de septembre dernier Nicole McClure, gardienne de but, au site américain ThinkProgress. « Les footballeuses ne sont pas assez payées pour survivre par leurs propres moyens. En moyenne, nous sommes même moins bien payées que le joueur le moins payé de l’équipe masculine. » La grève a porté ses fruits, quelques jours plus tard, la fédération annonçait avoir versé l’intégralité des sommes dues aux joueuses.
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