Charge de travail des footballeurs: La Ligue des Nations, la compétition de trop?

Alors que la plupart des footballeurs peuvent profiter de vacances bien méritées, les internationaux font du rab avec les quatre premières journées de la Ligue des Nations 2022/23, ravivant les critiques jugeant cette compétition, qui alourdit le calendrier, inutile.

C’est Kevin De Bruyne qui a cette fois-ci allumé la mèche. “Je n’ai pas vraiment hâte, car pour moi, la Ligue des nations n’a aucune importance. Ce sont des matchs amicaux. En plus, tout le monde a joué une saison longue et difficile“, a t-il déclaré auprès du média flamand HLN, en marge de la KDB Cup, un tournoi international U15 qui porte son nom. Mais la star de Manchester City et de la sélection belge sera toutefois bien au rendez-vous de cette quinzaine. Pas le choix. Même si “deux semaines de plus, c’est tout simplement trop long.” Le milieu belge ajoutera un brin résigné que “cela ne sert à rien de dire que nous les joueurs aimerions du repos, cela ne changerait rien. Sur le terrain nous ferons ce que nous avons à faire.”

“Mettre des matchs pour mettre des matchs”

Louis Van Gaal, sélectionneur des Pays-Bas qui affronteront les Diables Rouges lors de cette quinzaine internationale, partage l’avis de De Bruyne. “C’était une saison très difficile avec beaucoup de matchs et sans oublier le stress lié aux infections au coronavirus. Jouer quatre autres matches en onze jours, c’est fou. Kevin De Bruyne a raison.” Par le passé, d’autres acteurs du monde du foot, comme Thomas Meunier et Jürgen Klopp s’étaient insurgés contre cette compétition biennale instaurée en 2018 dans le but de remplacer les traditionnels matchs amicaux en leur donnant un semblant d’enjeu. Thomas Meunier par exemple. “C’est mettre des matchs pour mettre des matchs“, avait expliqué le défenseur devant la presse.

Des propos qui font écho à la publication des résultats de l’enquête sur la surcharge de travail des footballeurs réalisée par la FIFPro qui appelle à une “réforme urgente” des calendriers. L’enquête montre “que les footballeurs professionnels sont clairement en faveur d’une nouvelle réglementation pour faire face à la congestion croissante des matchs et à la charge des déplacements qui viennent écraser leur sport“. Pour illustrer ça, sur les 1055 footballeurs interrogés, “seuls 26% souhaitent maintenir les fenêtres internationales actuelles“.

Si De Bruyne joue aussi la carte de la dégradation du spectacle en affirmant que “pour le bien et la qualité du football, ce serait bien que la FIFA mette un peu de repos“, le syndicat mondial des footballeurs va droit au but en pointant du doigt “la pression exercée sur la santé des joueurs“. Une pression qui s’apparente, toutes proportions gardées par rapport au monde ouvrier, à des cadences infernales. Pour répondre à la problématique du calendrier et tendre vers un rythme plus respectueux de la santé des joueurs, la FIFPro a établi plusieurs éléments-clé à prendre en compte dont le nombre de matchs, la durée des coupures ou encore l’impact des déplacements.

Les joueurs ont besoin de repos

Le rapport de la FIFPro, sous-titré “Un calendrier respectueux de la santé des joueurs”, fait écho à celui publié en 2019 où le syndicat alertait déjà sur les risques des temps trop courts de récupération entre deux matchs, et d’une coupure estivale trop petite. Comme réponses, le syndicat préconisait déjà à l’époque une coupure de quatre semaines et une plage de cinq jours entre les matchs. Des durées censées permettre aux joueurs de se régénérer physiquement, mais aussi mentalement.

Extrait du rapport de la FIFPro qui définit six facteurs-clé pour parvenir à un calendrier respectueux de la santé des joueurs. (©FIFPro)

L’impact du calendrier surchargé et des milliers de kilomètres de déplacements sur la santé mentale des joueurs est une réalité. Les données compilées à partir de Player Workload Monitoring (PWM), un logiciel de surveillance de la charge de travail des joueurs, sont édifiantes. Selon le rapport 2022, pas moins de 82% des experts interrogés ont affirmé “avoir été témoins d’une surcharge causant aux joueurs des problèmes de santé mentale.”

Ces experts ont également analysé qu’au delà de 55 matchs par saison, les conséquences physiques et mentales sont considérables. Un constat auquel il faut ajouter les nombreux témoignages de footballeurs professionnels recueillis par la FIFPro et qui sont autant de signaux d’alerte à prendre très au sérieux. Mohamed Salah de Liverpool a par exemple atteint la barre des 70 matchs avec la finale de la Ligue des Champions, pour 86,5 minutes en moyenne par match et près de 86 000 kilomètres de voyage!

Les instances doivent arrêter de pressurer les corps des joueurs

Nous sommes des athlètes, pas des machines. Nos corps et nos esprits ont des limites naturelles. Lorsque nous en faisons trop ou que nous nous reposons trop peu, nous craquons“, énonce d’ailleurs l’avant-propos signé par les référents continentaux de la FIFPro: Arturo Vidal (Inter Milan), Leonardo Bonucci (Juventus), Jonathan David (Lille), Saliou Ciss (AS Nancy), Maya Yoshida (Sampdoria) et Matthew Ryan (Real Sociedad). Pour la FIFPro – et pour l’UNFP son représentant en France – qui dénonce “un modèle obsolète qui considère les joueurs comme des ressources“, les instances ne peuvent plus faire la sourde oreille et doivent écouter “les joueurs et ce que leur corps nous fait entendre “.

À l’aube d’une réforme de la Ligue des Champions qui augmentera encore le nombre de matchs à partir de 2024 et alors que la FIFA affiche régulièrement la volonté d’augmenter le nombre de compétitions internationales pour générer plus de profits (rappelons-nous de la fameuse Coupe du Monde tous les deux ans), il est temps que les revendications des acteurs principaux soient enfin entendues. La santé des footballeurs vaut plus que l’argent des diffuseurs.

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