Même s’ils ont délaissé la structure historique pour créer leur propre club, plus en phase avec les valeurs originelles d’Omonia, les supporters n’oublient pas l’anniversaire du 4 juin. Ce jour de 1948 où a commencé l’histoire que le PAC Omonia entend prolonger aujourd’hui.
“C’est en ce jour qu’une poignée d’athlètes et d’idéologues impénitents ont refusé de courber l’échine et n’ont pas succombé à l’intimidation et au chantage des clubs nationalistes qui entendaient leur faire signer la déclaration de renonciation à leurs Idéaux. Refus qui a entraîné leur persécution et leur radiation de leurs associations sportives. Ils ont alors décidé d’en créer une nouvelle ouverte à tous ceux qui n’adhèrent pas aux idées nationalistes malsaines des agents qui dirigeaient l’Organisation Chypriote des Sports.” Le rappel est signé de la Gate 9, principal groupe de supporters et garant de cette histoire.
Héritiers de 1948
Quand l’AC Omonia voit le jour, Chypre a encore à sa tête un gouverneur britannique, relai de la politique anti-communiste occidentale. Côté sportif, l’île s’apprête à accueillir les Jeux Panchypriotes et le voisin grec attend des athlètes qu’ils signent une déclaration en forme d’allégeance à la monarchie. Ceux qui refusent sont exclus et vont développer leurs propres clubs. A Chypre, la politique a longtemps structuré le football, et plus largement le sport. On ne supporte pas un club par hasard, c’est le résultat d’un engagement politique. En l’occurrence, un engagement communiste et anti-nationaliste pour l’AC Omonia.
Cette réalité s’est bien sûr estompée avec le temps, en partie diluée par le libéralisme qui caractérise le football moderne. Mais à Nicosie, du moins dans les tribunes, il reste bien plus que de simples traces de cette tradition. A tel point qu’en 2018, après le rachat de l’AC Omonia par un homme d’affaire américano-chypriote, les supporters ont créé un nouveau club – le People’s Athletic Club Omonia – reparti des divisions amateurs pour continuer à faire vivre les valeurs historiques du club.
D’abord nommé PAC Omonia “1948”, le club a été contraint de retirer la mention de la date de fondation de l’AC Omonia et de se rebaptiser en PAC Omonia “29 Mai”. Preuve que l’histoire est un champ de bataille et revêt un enjeu loin d’être marginal. C’est qu’après trois montées successives et avoir atteint la 2e division, le PAC Omonia est quasiment revenu sur les talons de cet illustre “frère ennemi” dont il revendique la continuité et l’héritage. Un héritage incarné aussi par la politisation marquée de ses supporters attachés à l’identité ouvrière et à l’antifascisme.
Ceux qui résistent
C’est pour ça que la Gate 9, qui est à l’origine de la fondation de ce nouveau club, rend hommage à cette poignée d’athlètes qui en véritables pionniers ont créé l’AC Omonia, qui signifie “Unité”. Les Kostas Limpouris, Agisilaos Tsialis, Gogakis Karagiannis, Takis Skaliotis ou encore Andreas Kariolou sont considérés comme de véritables héros. 74 ans après cette création, l’équipe au trèfle compte 21 titres de champion et 15 coupes de Chypre. Mais comme la Gate 9 le mentionne sur les réseaux sociaux, “les pionniers de 1948 n’ont pas créé le club en pensant aux trophées et aux victoires.”
Pour les fondateurs du PAC Omonia, les choses sont claires. Ils sont les continuateurs de cette histoire avec laquelle l’AC Omonia et son propriétaire Stavros Papastavrou ont rompu. Si l’AC Omonia a également communiqué pour célébrer cet anniversaire du 4 juin sur ses réseaux, c’est bien le PAC Omonia qui s’en montre au quotidien le plus digne et légitime. Son modèle de club alternatif et démocratique incarne cette volonté de rendre le football et le pouvoir au Peuple Vert.
Les instances bourgeoises du football chypriote et l’AC Omonia feront leur possible pour entraver la marche en avant du PAC Omonia “29 Mai”. Dans cette situation, sur quoi d’autre que les valeurs de résistance qui animaient les pionniers de 1948, le club d’actionnariat populaire peut-il bien s’appuyer?
“Frères et sœurs, serrons les poings encore plus fort, levons la tête encore plus haut, nous qui avons choisi la voie de 48. Le chemin qui nous a été montré il y a 74 ans, le chemin difficile de la résistance, de la désobéissance, de la participation populaire.” La Gate 9 le sait très bien: l’Histoire est écrite par celles et ceux qui résistent.
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