Dans un communiqué publié cette semaine, les Fanszenen Deutschlands, regroupant divers groupes de supporters allemands, se sont prononcés contre une reprise de la Bundesliga. Les fans appellent aussi, comme les groupes français, à réformer le modèle économique du football. La dépendance à l’argent des droits télé est aussi largement dénoncée.
Les supporters européens parlent d’une même voix dans la période actuelle. La crise rencontrée par le football avec la pandémie de Covid-19 amplifie ce que le football moderne a de plus détestable. Sorti du coronavirus, des changements majeurs devront être apportés. C’est du moins l’avis des groupes de supporters. La pression est sur les épaules des dirigeants, à commencer par ceux qui, au sein des clubs et des instances, veulent à tout prix reprendre les championnats malgré la crise sanitaire.
La Fanszene allemande n’est pas du genre à ranger sa passion dans sa poche face aux dirigeants. Avant l’interruption des compétitions, elle avait entamé un bras de fer avec les instances de la Bundesliga suite à la répression des supporters qui s’en étaient pris à Diettmar Hopp, richissime propriétaire d’Hoffenheim. Un club qui symbolise, avec le RB Leipzig, la caricature du football business et du dopage financier. La Ligue allemande a pu au moins compter sur l’interruption des matchs pour mettre la contestation des tribunes en sourdine.
Mais les protestations des ultras allemands ne se limitent ni à cet épisode, ni à la personne de Hopp. C’est toute la structure du football moderne qu’ils ciblent. C’est ce qui est exprimé dans le communiqué des Fanszenen Deutschlands, principalement dirigé contre la reprise à huis clos des compétitions.
« Le football professionnel est malade depuis bien longtemps »
« Une poursuite précoce de la saison reviendrait purement à se moquer du reste de la société, et en particulier de tous ceux qui sont vraiment engagés à la servir dans la crise du coronavirus. Le football professionnel est malade depuis bien longtemps et il devrait rester encore en quarantaine. » Comme leurs homologues français, pour les fans allemands en finir avec la crise sanitaire est une priorité avant d’envisager toute reprise. Ils fustigent aussi les moyens médicaux qui vont être déployés, en dépit des besoins de la population, pour permettre au football de reprendre: « Alors que depuis plusieurs semaines, on signale un manque de moyens pour dépister le Covid-19, l’idée de tester les joueurs de football à une fréquence extrêmement élevée est tout simplement absurde. » Plus de 20 000 tests seraient en effet destinés à la reprise des championnats professionnels.
Évidemment, comme dans les autres ligues d’Europe, la crise a fait éclater aux yeux de tous la fragilité économique d’un football brassant les sommes folles des diffuseurs, mais qui fait planer le péril de sa propre faillite au bout d’un mois d’inactivité totale. Les ultras allemands ne sont pas dupes et n’ont pas attendu le coronavirus pour s’emparer de cette question de l’ultra-dépendance aux millions des diffuseurs, entre autres travers d’un football uniquement réfléchi comme un business: « Depuis des années, les supporters réclament des réformes pour une répartition plus équitable des droits TV et critiquent le manque de solidarité des grands clubs envers les plus petits. Nous soulignons les excès financiers, le manque de réserves et parfois le chantage des agents. Nous avons démontré à plusieurs reprises le danger de la dépendance à de grands investisseurs individuels, avec des exemples tels que Munich 1860, Carl Zeiss Iéna et d’autres. »
«L’époque d’un monde du football complètement déconnecté de la société doit prendre fin !»
La crise donne un écho au caractère fondé de leur rejet de ce football là depuis des lustres. En tant qu’acteurs majeurs du football, les supporters prennent leurs responsabilités. « Le défi actuel est aussi une opportunité : les associations doivent comprendre cette crise en tant que telle et changer fondamentalement les structures du football moderne. Il est grand temps ! »
« Dans la plupart des cas, nous considérons le discours sur les dizaines de milliers d’emplois menacés comme un simple prétexte pour continuer à assurer des revenus exorbitants se chiffrant en millions pour quelques profiteurs sans limites. »
Les Fanszenen Deutschlands concluent leur communiqué par ce qu’ils estiment le plus urgent dans la situation actuelle: ne pas reprendre, empêcher l’écart entre les clubs les plus riches et les autres (notamment en 3e division et en ligue régionale) de se creuser et enfin entamer dès maintenant, et sans toucher à la règle du 50+1 (qui empêche les investisseurs privés de posséder la majorité des parts du club), la discussion sur les réformes fondamentales à opérer. « L’époque d’un monde du football complètement déconnecté du reste de la société doit prendre fin ! »
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