Le Red Star, d’un fonds multipropriétaire à un autre?

Mai 2024, manifestation des supporters du Red Star contre 777 Partners, derrière le slogan "Célébrons la montée, combattons la multipropriété"

Vendu “à la sauvette” au fonds d’investissement 777 Partners en 2022, le Red Star est de nouveau en vente depuis quelques mois. Surendettée et ciblée par de multiples plaintes pour fraude, la société américaine a récemment fait faillite. D’autres fonds d’investissement ont déjà entamé des démarches pour acquérir le club audonien.

Les ultras du Red Star FC, réunis au sein la Tribune Rino Della Negra, veulent toujours voir Patrice Haddad “quitter toute responsabilité au sein du club”. Eux, qui n’ont cessé de manifester leur opposition à 777 Partners et à ses méthodes opaques, lui reprochent d’avoir précipité le club “dans l’abîme de la multipropriété” tout en prenant soin de sauver sa place de président dans l’opération. Son départ est aujourd’hui la première des conditions qu’ils posent au futur repreneur du club.

Soucieux de défendre le caractère populaire du Red Star, considéré comme “un bien commun qui ne peut être sacrifié sur l’autel du profit”, le collectif de supporters a rappelé plusieurs de ses positions de principe dont l’opposition à toute multipropriété. Ils ont toujours été lucides sur ce phénomène “permettant de piller des centres de formation, de spéculer, de multiplier les transferts et les transactions opaques entre clubs franchisés”, qu’ils avaient dénoncé dans une tribune signée par de nombreuses personnalités politiques, sportives ou artistiques.

En 2022, leur appel à lutter pour “bloquer la vente” avait été infructueux, mais tout le monde avait pu mesurer la détermination du Kop audonien. Il avait manifesté de façon spectaculaire son refus catégorique de voir débarquer le fonds d’investissement au stade Bauer, l’accueillant par une imposante banderole “777 not welcome”. S’en étaient suivis des jets répétés de fumigènes aboutissant à l’arrêt définitif du match, puis la défaite du Red Star sur tapis vert. Le message adressé aux nouveaux propriétaires était clair: ils ne seront jamais en terrain conquis.

PagsGroup en approche?

Les déboires de 777 Partners ne changent pas fondamentalement la donne. Mis en vente il y a quelques mois par la société A-Cap, qui a récupéré le portefeuille de clubs de la galaxie 777, le Red Star a toujours autant intérêt à s’extirper rapidement de ce guêpier. Moins mal embarqué que le Standard de Liège ou le Genoa, le Red Star est qualifié de “seule lueur d’espoir dans un ciel de plus en plus sombre” par le média Josimar qui a enquêté sur les magouilles du fonds d’investissement et de ses dirigeants, Josh Wander et Steve Pasko. Les manœuvres pour le racheter sont même déjà bien entamées.

Une première période de négociations avec le fonds texan Todd Interests et l’ancien attaquant Peggy Luyindula, n’a pas abouti. La banque Moelis & Co, mandatée pour s’occuper de la vente, a désormais ouvert une phase de négociation exclusive avec l’homme d’affaires américain Stephen Pagliuca, via sa société d’investissement PagsGroup LLC. Encore un fonds hors-sol… et multipropriétaire en puissance. Il est en effet déjà co-propriétaire de la franchise NBA des Boston Celtics et actionnaire majoritaire de l’Atalanta Bergame.

C’est tout le paradoxe de la situation: ce qui incarne à l’heure actuelle la voie du “sauvetage” du Red Star est encore un fonds d’investissement déconnecté du territoire et de l’identité populaire du club. PagsGroup est probablement différent de 777 Partners et sa “pyramide de Ponzi”. Après tout, le fonds familial de Pagliuca n’est engagé à ce jour que dans deux projets sportifs, dont un seul club de football. Mais rien n’indique qu’il n’investira pas dans d’autres. Il est inutile d’attendre cette hypothèse pour comprendre que PagsGroup reste aux antipodes des idéaux des supporters.

En finir avec la multipropriété passe par un combat plus large

Dans l’environnement du Red Star on laisse déjà volontiers fuiter à la presse que PagsGroup est “un fonds sérieux et de qualité”. En même temps, quel intérêt auraient-ils à dire du mal d’un candidat-acquéreur? Mais, quand on sait qu’il y a à peine quelques mois Patrice Haddad parlait encore de Josh Wander comme l’une des “plus belles rencontres de sa vie”, alors les supporters du Red Star ont tout lieu d’être méfiants. Dans ce genre d’opérations, ils savent qu’il ne faut pas compter sur les dirigeants en place pour défendre honnêtement les intérêts du club et de sa communauté.

Encore une fois, il y a peu de chances que les supporters aient leur mot à dire, autrement que par la contestation. Ça tombe bien, en première ligne dans la lutte contre la multipropriété, la Tribune Rino Della Negra a développé une certaine expertise. Avec l’Association Nationale des Supporters, ils partagent du matériel pédagogique et sont intervenus au congrès de Football Supporters Europe (FSE), à Manchester en juin 2023. Car en finir avec ce fléau passera par un combat plus large, à l’échelle internationale, pour une alternative au football capitaliste et une gestion humaine et collective des clubs.

Édito n°69

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