Vente du Red Star à 777 Partners, la résistance s’organise

Un peu plus d’un mois après le début de négociations qui avaient émues les amoureux du Red Star, le fonds d’investissement 777 Partners a officiellement pris possession du club audonien. Patrice Haddad reste président et du côté des supporters la résistance monte d’un cran.

Le 11 mai dernier, le Red Star FC, fondé en 1897 par Jules et Modeste Rimet, officialisait par un communiqué son passage son passage sous pavillon yankee. “Une étape majeure dans la grande et prestigieuse histoire du Red Star FC, longue de 125 ans“, c’est comme ça qu’est présenté sans retenue le rachat du club par 777 Partners, fonds d’investissement basé à Miami et dirigé par Josh Wander. On reconnaît bien là l’art des bourgeois d’enjoliver ce qui n’est rien d’autre qu’une liquidation de cette histoire et de ce qu’il reste d’identité populaire au club emblématique de Saint-Ouen. Une histoire sur laquelle Patrice Haddad, président depuis 2008, est en réalité prêt à tirer un trait, morceau par morceau, depuis le début.

Le dernier coup tordu du président Haddad

Enfermé dans sa stratégie de développement économique et son objectif de voir le club en Ligue 1 au plus tard en 2024, Haddad s’est distingué par une gouvernance jalonnée de décisions allant à l’encontre des valeurs prônées par les supporters, comme la nomination du macronien Grégoire Potton au poste de Directeur Général (entre 2017 et 2019), ou encore le marketing désastreux avec des maillots tout droit sortis d’un brainstorming de business school. Celui qui était un ardent défenseur du projet de déménagement du stade Bauer aux Docks de Saint-Ouen parachève son gros œuvre de démantèlement avec cette vente à 777 Partners. Une transaction qui pourrait s’être conclue autour de 15 millions d’euros et qui permet à Haddad de conserver la présidence.

Les premières fuites de l’intérêt de 777 Partners pour le Red Star remontent au mois février 2022, selon L’équipe qui évoque des échangent entamés à la fin de l’année 2021. Quelques semaines plus tard, l’existence de négociations étaient rendues publiques par Patrice Haddad, visiblement séduit et pressé de conclure avec ce fonds d’investissement touche-à-tout, dont le total d’actifs est évalué à 3,7 milliards d’euros, bien décidé à étendre son immersion dans le monde du football.

Le Red Star est le dernier venu d’une série de clubs acquis par la société d’investissement basée en Floride. Cette vente du club suscite un rejet massif (©Twitter)

Actionnaire à 6% du FC Séville depuis 2018, la société américaine possède également le Genoa depuis septembre 2021. Elle a vraiment mis un coup de collier ces derniers mois pour constituer sa petite de galaxie de clubs. Car avant de devenir propriétaire du Red Star pour environ 15 millions d’euros, elle a ainsi acquis 70% du CR Vasco da Gama au Brésil, puis mis la main sur le Standard de Liège, monument du football belge. Des opérations qui avoisinent au total plusieurs centaines de millions d’euros, et dans lesquelles le club à l’étoile rouge, qui évolue au 3e échelon du football hexagonal, semble finalement être une goutte d’eau dans une mer d’investissements.

Ces multi-propriétés tendent à se multiplier et envoient des signaux inquiétant sur l’état du football et de son économie. La Tribune Rino Della Negra est lucide sur le modèle dans lequel le Red Star est en train de se faire aspirer avec ce rachat. Les supporters ont rédigé une tribune en forme de pétition, déjà signée par de nombreuses personnalités, de Mélenchon à Casey, dans laquelle ils dénoncent les dérives que comportent l’arrivée de ces investisseurs aux dents longues. “Le football français est devenu pour ces prédateurs financiers un nouvel Eldorado. La construction de clubs affiliés s’impose aux quatre coins du globe comme le nouveau modèle économique en vogue permettant de piller des centres de formation, de spéculer, de multiplier les transferts et les transactions opaques entre clubs franchisés“.

Bien privé vs bien commun

Mais il se pourrait bien qu’à Saint-Ouen, 777 Partners tombe sur un os. Et c’est pas les déclarations démagogiques de Josh Wander qui vont duper les supporters. “Nous sommes venus au Red Star FC pour tout ce que ce club historique du football français représente depuis 125 ans. Nous respectons pleinement l’ADN du club et notre ambition est principalement d’élargir ses horizons tout en conservant ce qui rend le Red Star FC unique.” Chaque mot transpire la disquette, d’ailleurs la Tribune Rino Della Negra n’a pas attendu que la vente soit effective pour se mobiliser.

La Tribune Della Negra a marqué le coup en provoquant l’interruption du match face à Sète le 15 avril. (©Franco Arland / LP / Icon Sport)

Le 15 avril dernier, à l’occasion de la réception du FC Sète en championnat, la Tribune Rino Della Negra a manifesté de façon spectaculaire son mécontentement et son refus catégorique de voir débarquer 777 Partners à Bauer. Accueilli par une imposante banderole “777 not welcome”, le match comptant pour la 30e journée de National a été définitivement arrêté à la 38e minute en raison de jets répétés de fumigènes. Un événement qui a conduit à la défaite du Red Star sur tapis vert mais qui a eu le mérite de montrer à ceux qui allaient devenir les nouveaux propriétaire qu’ils n’étaient pas les bienvenus en terre audonienne.

Le choix de vendre le club-phare de l’ex Banlieue Rouge au fonds américain est perçu comme la décision unilatérale d’Haddad alors même que d’autres acheteurs s’étaient manifestés, dont Gerard Piqué (ce qui, à notre humble avis, ne vaut pas forcément mieux). Les supporters ont demandé un moratoire pour ne pas précipiter le Red Star dans les bras d’une société dont ils ont tout lieu de penser qu’il s’agit d’un nouveau pallier dans le processus de dépossession. L’objectif est de faire obstruction à cette vente qui fera du Red Star la simple pièce d’un conglomérat de clubs. Une vente qui mettra encore plus de distance entre les décideurs et la base sociale du club qu’on sait combative et déterminée à ne pas le laisser devenir le jouet de capitalistes déconnectés.

Pour nous, le Red Star est un bien commun qui ne peut être sacrifié sur l’autel du profit. Nous appelons l’ensemble des supporters du Red Star et les amoureux du ballon rond à travers le pays à bloquer la vente et à se mobiliser pour faire de ce combat un combat national contre le football business et défendre une autre vision du football.” Et le combat est loin d’être terminé, Bauer promet d’être un bourbier pour 777 Partners.

Édito n°43

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  1. Le Footichiste - Red Star, club renommé

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