Le 22 novembre dernier, le préfet du Pas-de-Calais publiait un arrêté interdisant de déplacement les supporters parisiens à Lens. Encore une fois – on ne les compte plus – un préfet empêche un déplacement de fans pour suivre leur équipe. Une pratique qui se banalise, même si les associations de supporters tentent d’y résister comme elles peuvent.
On pourrait presque écrire un édito de ce style chaque semaine tellement le ballet des décisions préfectorales, aussi absurdes qu’arbitraires, se répète dans un contexte déjà bien lourd où certains veulent mettre au pas les tribunes populaires. C’est bien simple, depuis le début de la saison, ce sont déjà plusieurs dizaines d’arrêtés préfectoraux et ministériels qui ont été publiés pour interdire ou restreindre les déplacements de supporters, en Ligue 1 mais aussi dans les divisions inférieures ou encore en Coupe de France.
Une requête devant le Conseil d’État, rejetée
Entre mars 2020 et août 2021, les supporters avaient été maintenus à l’écart des stades par les huis clos imposés par le contexte sanitaire. Pour leur retour dans les tribunes au début de cette saison, la plupart ont même accepté la contrainte du Pass Sanitaire tant ces seize mois ont semblé une éternité. Mais il n’a pas fallu attendre très longtemps pour voir les préfets retrouver leurs vieilles habitudes et leurs arrêtés qui gâchent les week-end de centaines de passionnés qui ne demandent qu’à suivre leur équipe quand elle se déplace loin de ses terres. L’Association Nationale des Supporters (ANS) bataille régulièrement dans les tribunaux pour faire annuler ces arrêtés en “référé-liberté” (une procédure d’urgence au tribunal administratif), comme pour celui interdisant le déplacement des supporters parisiens au Stade Félix-Bollaert samedi 4 décembre pour la 17e journée de Ligue 1.
L’ANS a détaillé sa position sur son compte Twitter: l’arrêté en question, qui a été doublé d’un arrêté ministériel, “ne repose sur aucun motif“. Une atteinte aux libertés fondamentales qui, depuis que les préfets disposent de cette arme (via la LOPPSI en 2011), s’est largement banalisé ces dernières saisons. Pour l’ANS, cette décision ne respecte ni les travaux de l’Instance Nationale du Supportérisme, ni la circulaire du 20 novembre 2019 qui prône un dialogue préalable à toute décision.
Le juge des référés a rejeté la requête de l’ANS – à laquelle s’est joint le Collectif Ultras Paris – qui a dans la foulée fait appel devant le Conseil d’État pour permettre aux supporters parisiens de se rendre à Lens. En vain. L’arrêté contesté par l’ANS, et les supporters du RC Lens comme du PSG, avance un “lourd contentieux entre les deux clubs” parmi d’autres arguments fragiles. Même son de cloche du côté du juge. Outre des tags sur un bus de supporters lensois en mai 2021 et la célèbre banderole de 2008 qui pourra servir de prétexte pendant un siècle, il invoque l’indisponibilité des forces de l’ordre en nombre suffisant, trop occupées dans le Pas-de-Calais et les Hauts-de-France à arrêter les migrants qui cherchent à gagner les côtes anglaises. La grande classe!
Adversaires en tribunes, mais unis face à la répression
La plus belle réponse à l’hypocrisie et à la mauvaise volonté de la préfecture est une nouvelle fois venue des tribunes. La veille du match, les Red Tigers 94 ont apporté leur soutien à leurs homologues parisiens. “Nous sommes adversaires en tribunes mais nous devons être rassemblés contre cette politique d’interdiction des déplacements“. Dans leur communiqué, ils dénoncent le caractère “inique” et “liberticide” de l’arrêté visant leurs adversaires. “Cet arrêté n’est que la suite logique des interdictions de déplacements qui se multiplient dangereusement depuis le début de la saison et sont le révélateur des difficultés des pouvoirs publics et des clubs à gérer les rencontres et les déplacements. Face à autant d’incompétence, la solution de facilité et souvent la plus simple à prendre: interdire les déplacements et supprimer la liberté de supporter“.
Le Collectif Ultras Paris (CUP), qui ne subit pas ce type de décision arbitraire pour la première fois cette saison, a dû se résoudre à ne pas faire le déplacement à Bollaert. Les ultras parisiens ont profité d’un communiqué combatif pour remercier de façon appuyée les Red Tigers pour leur soutien. Ces derniers se sont également déplacés au Tribunal Administratif de Lille pour plaider en faveur du retrait de l’arrêté préfectoral… Le fameux arrêté qui est justifié par le risque de confrontation entre supporters des deux clubs.
Le soutien s’est prolongé jusque dans le stade où un message était bien visible dans le parcage vide où auraient dû prendre place les supporters du PSG: “De Paris à Lens, unis pour nos libertés”. Une banderole confectionnée par le CUP et accrochée par les ultras lensois. Le préfet se rappellera-t-il de cette banderole autant que de celle de 2008? Le doute est permis.
Une bâche du @Co_Ultras_Paris (?) a été déposée dans le parcage parisien, on rappelle les supporters ont été interdits de déplacement, et ce malgré le soutien des #Redtigers #RCLPSG @francebleusport @francebleuparis pic.twitter.com/Kf12WlRFja
— Julien Froment (@JulienFroment) December 4, 2021
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