Loi Sport, l’ultime croche-pied de Roxana Maracineanu aux supporters

Lors de l’examen au Sénat de la proposition de loi “visant à démocratiser le sport en France” – en abrégé “Loi Sport” – la ministre a tenu la ligne sécuritaire du gouvernement sur les questions liées aux supporters. Point d’orgue: la création d’une amende forfaitaire pour usage de fumigènes.

Les 18 et 19 janvier dernier, Roxana Maracineanu était au Sénat pour examiner ce qui est présenter comme la loi-phare de la majorité présidentielle sur le terrain “Sport et Société”. Ceux qui espéraient pouvoir gratter quelques miettes seront déçus. La ministre déléguée aux Sports a méthodiquement rejeté l’ensemble des amendements qui auraient pu atténuer, juste atténuer, l’arbitraire qui caractérise l’arsenal répressif à l’encontre des supporters.

Fermeté sur les interdictions déjà en vigueur

A quelques mois d’une présidentielle placée sous le signe des questions sécuritaires et identitaires, elle a rempli son rôle de porte-flingue des Blanquer et Darmanin, avec application. Négligeant les minces avancées de l’Instance Nationale du Supportérisme, elle ne s’est pas hasardée hors du chemin balisé mi-décembre par les réunions inter-ministérielles menées avec les instances du football (FFF et LFP). C’est ce dont ont pu s’apercevoir celles et ceux qui ont suivi d’un œil averti les débats, essentiellement ceux portant sur l’article 11 de la proposition de loi, le deuxième jour.

Réponse de la ministre aux amendements modifiant l’article L332 du Code du Sport (sur la “sécurité des manifestations sportives”) et proposant de restreindre l’arbitraire des IAS qui existent depuis la loi anti-terroriste de 2006. (source: senat.fr)

Bien sûr, le texte adopté au Sénat n’est pas la version définitive de la loi qui doit encore faire un passage par l’Assemblée Nationale. Mais, que ce soit sur les points concernant les interdictions commerciales et administratives (ICS et IAS), ou sur les interdictions de déplacement, elle n’a fait aucune concession. Ni pour raccourcir la durée des procédures de recours contre les IAS, ni pour introduire une dimension contradictoire permettant aux mis en cause de se défendre. Alors qu’on sait pourtant 75% des recours engagés aboutissent, mais trop tard en raison de procédures à rallonge, 19 mois en moyenne. Mais ce n’est pas le bon sens qui étouffe le Sénat. Sur la proposition que les arrêtés interdisant les déplacements soient publiés “trois semaines à l’avance”, Roxana Maracineanu, satisfaite du statu quo et de l’application hasardeuse de la circulaire du 20 novembre 2019, a botté en touche.

Fumigènes: une amende forfaitaire de 640 à 1 600 €

Mais le clou de ce piteux spectacle sénatorial est bien l’article 11 bis. Si on peut éviter de faire les surpris devant la fermeté du gouvernement au sujet des interdictions de stade, il ne faut pas minimiser le contexte défavorable aux supporters dans lequel l’examen de cette loi intervient, après un début de saison émaillé d’une dizaine de débordements en tribune. Comment expliquer sinon l’amendement gouvernemental pour la création d’une amende forfaitaire contre l’usage de fumigènes?

Fumigènes lors du derby Montpellier-Nîmes du 30 septembre 2018. (© Pascal Guyot / AFP)

Le texte prévoit de compléter l’article L332-8 du Code du Sport sanctionnant la détention, l’introduction ou l’usage de fumigènes dans les stades d’une peine maximale de trois ans d’emprisonnement et 15 000 € d’amende, fort heureusement jamais appliquée dans cette extrémité. Le montant de l’amende forfaitaire en question est fixé 800€, minorée à 640€ et majorée à 1 600€. “Le montant de l’amende doit être suffisamment dissuasif pour que l’on cesse de voir dans les tribunes des fumigènes ou de barres de fer” s’est justifiée la ministre, comme si les supporters armés de barres de fer couraient les stades de France et de Navarre.

Les fumigènes c’est beau, mais c’est dangereux” a tenté d’expliquer la ministre qui se déclarait en juin 2020 favorable à un retour des fumigènes dans les stades, sous réserve qu’il s’agisse d’un “usage encadré” tel que préconisé dans le Rapport Houlié/Buffet, et dont on a pu visualiser le fiasco lors de l’expérimentation toulousaine en septembre dernier.

Répression simplifiée

Le tour de force de Roxana Maracineanu est de laisser croire que la création de cette amende allège la sanction pour usage de fumigènes. Or, dans la vraie vie, les supporters qui craquent des fumigènes ne sont pas automatiquement poursuivis et, quand ils le sont, les amendes pénales n’atteignent pas si souvent les 640€. La réalité, c’est bien qu’il s’agit d’une simplification de la répression, pensée pour à la fois punir massivement sans engorger les tribunaux. Surtout qu’en cas de non-paiement, la menace pénale n’aura pas disparu. Au delà de ce petit chantage, taper les supporters au portefeuille, voilà le projet.

Pas fan de l’idée, la sénatrice communiste Cathy Apourceau-Poly a rappelé, citant elle aussi les travaux de Houlié et de Buffet, que la dangerosité des fumigènes tenait en grande partie à leur interdiction, contraignant les supporters à se dissimuler pour les craquer. “L’usage des fumigènes représente 40 % des IAS – preuve que la répression est inefficace, et ne fait qu’augmenter la prise de risque.” A court d’arguments, la ministre a répondu par une pirouette. “Vous allez me dire que les accrochages aux carrefours sont dus à l’amende pour qui grille le feu rouge!“. Les clowns ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît. Et encore, avec le passage prochain de la proposition de loi par l’Assemblée, ils vont sûrement peaufiner leur numéro.

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